Touchez pas à nos profs
Jean-Claude Souléry | 11 avril 2008
Dans son éditorial, Jean-Claude Souléry, à propos du mouvement des lycéens, reprend les résultats de l’étude Les Jeunesses face à leur avenir (janvier 2008).
Alors que des émissions télés, nombre de débats, livres et revues, nous rebattent le pavé de ce fameux mois de Mai-68 et de ses revendications anti-autoritaires, les lycéens français manifestent, vingt ans après, en ce printemps 2008, pour scander tout haut « Touchez pas à nos profs ». On retiendra peut-être que les raisons de la colère ne sont pas de même nature, qu’il ne s’agit pas aujourd’hui de larguer le vieux monde, ni même de s’indigner sur le retour des interdits et de l’autorité ; on retiendra également que les cortèges n’ont pas encore l’ampleur des grandes manifs lycéennes et étudiantes de 2006 contre le Contrat première embauche (CPE) – mais pour autant le malaise de la jeunesse actuelle ne doit pas être sous-estimé, ni traité par le mépris, comme certains l’envisagent, considérant que les protestataires seraient une minorité vite essoufflée à l’arrivée des proches vacances.
D’abord, on ne sait jamais comment peut évoluer un mouvement qui sort des lycées et s’installe dans la rue. Par le passé, on a vu les dégâts politiques occasionnés par des protestations qu’on avait au départ jugées insignifiantes. En tout cas, les cortèges de ces deux dernières semaines se font plus denses et plus nombreux. Hier, de Paris à Toulouse, et dans d’autres villes du pays, on a pu constater que les rangs de la contestation grossissaient, dans les rues mais aussi à travers les blogs. Qu’on y prenne garde.
Ensuite, dénoncer la suppression de 11000 postes d’enseignants pour la rentrée prochaine reste tout de même une revendication très honorable : au-delà des raisonnements comptables du ministre de l’Éducation, c’est l’affirmation qu’une société doit s’occuper prioritairement de l’éducation et de la formation de ses enfants.
La jeunesse de 1968, paraît-il, « s’ennuyait ». Celle de 2008 est la plus déprimée d’Europe – si on en croit l’enquête que vient de réaliser la Fondation pour l’innovation politique. Cette déprime est la conséquence d’une grave inquiétude face à l’avenir, et notamment l’insertion dans la vie professionnelle. En France, le taux de chômage des jeunes est deux fois plus important que celui des adultes – c’est pourquoi ces jeunes s’accrochent à « leur » idée de l’école qui, bon an mal an, avec ses moyens, semble aujourd’hui leur éviter le pire. Qu’en serait-il, demain, si ce « sanctuaire » de la République était, lui aussi, frappé d’alignement ?
Pourtant, Xavier Darcos ne sera pas épargné par des choix budgétaires et ne pourra pas trop longtemps cacher aux syndicats de l’enseignement la rigueur qui se cache sous le terme pudique de « révision des politiques publiques ». Ça et là, depuis un mois, des mouvements épars se multiplient qui réunissent enseignants, élèves et parents. « Faire mieux avec moins de moyens » reste le leitmotiv du gouvernement – et le ministre de l’Éducation l’a forcément repris à son compte. Qui pourrait le croire ? Apparemment, les lycéens ne veulent pas qu’on les prenne pour des gamins.
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