Pour vaincre l'euroscepticisme
Thomas Ferenczi | 12 juin 2008
Chronique de Thomas Ferenczi, présentant le projet « Think Global – Act European ».
Treize laboratoires d’idées européens se sont réunis, sous l’égide de deux d’entre eux, Notre Europe et la Fondation pour l’innovation politique, afin de proposer aux Vingt-Sept un projet de « refondation » de l’Union européenne (UE).
Treize laboratoires d’idées européens se sont réunis, sous l’égide de deux d’entre eux, Notre Europe et la Fondation pour l’innovation politique, afin de proposer aux Vingt-Sept un projet de « refondation » de l’Union européenne (UE). Vaste ambition, qui prend acte des difficultés de l’Europe face aux transformations du monde, sous le regard de citoyens dubitatifs ou hostiles. L’euroscepticisme, en effet, gagne du terrain, interpellant les dirigeants de l’Union.
Le rejet de l’Europe revêt aujourd’hui des formes diverses, qui ne se limitent pas aux protestations souverainistes contre le dessaisissement des Etats membres, mais témoignent, en dépit des efforts de communication de l’Union, d’une méfiance croissante à l’égard des politiques européennes. Le fossé se creuse, comme le souligne une chercheuse danoise, Catharina Sorensen, « entre les idéaux des citoyens et leur perception de l’UE ».
Le sociologue Emmanuel Todd, qui était l’invité, samedi 7 juin à Paris, des Rendez-vous citoyens du Sénat, consacrés à l’Europe, d’Hérodote à Erasmus, a estimé que celle-ci se caractérise désormais par « une sorte de négativité généralisée ». En mettant l’accent sur le contrôle de l’immigration, en encourageant le développement de l’islamophobie ou en insistant sur ses racines chrétiennes alors même que les églises se vident, l’Europe, a-t-il dit, ne donne plus d’elle-même qu’une « définition négative ».
Il est donc temps d’offrir aux peuples des perspectives nouvelles. Il appartient en particulier aux futures présidences de l’Union, comme l’écrivent Gaëtane Ricard-Nihoul et Elvire Fabry, en préfaçant le travail collectif des treize « think tanks », de « convaincre les citoyens européens, parfois désorientés, de la pertinence, de l’urgence et de la cohérence d’un projet européen d’ensemble qui puisse être porté à l’échelle internationale ».
Pour Emmanuel Todd, volontiers provocateur, ce projet ne peut être que le rétablissement du protectionnisme aux frontières de l’Europe. Les laboratoires d’idées européens, attachés au libre-échange, se contentent d’inviter les Etats membres à « faire valoir un intérêt commun qu’ils puissent présenter au reste du monde » et à affirmer la solidarité européenne d’une façon qui permette à l’Europe de « rester ouverte à la mondialisation » tout en contribuant à sa « régulation ». Comme le note Emmanuel Todd, le débat progresse.
« Il est également fondamental, rappellent les deux signataires, de ne pas aggraver la distance persistante entre un projet porté par des élites et des populations qui ont parfois du mal à suivre le rythme. » Un colloque du Centre d’études de la vie politique (Cevopol), dont les actes ont été publiés, en 2007, par les Editions de l’Université de Bruxelles, a mis en évidence ces « résistances à l’Europe », qui conduisent, selon Ramona Coman et Justine Lacroix, éditrices de l’ouvrage, à une « érosion » du « consensus permissif » dont a longtemps bénéficié la construction européenne.
Ce qui rend ces résistances difficiles à surmonter, c’est qu’elles sont contradictoires d’un pays à l’autre. Ancrées dans la défense de modèles nationaux, elles expriment une opposition multiple au « modèle européen » qui se met en place depuis un demi-siècle. La contestation vise tantôt la philosophie économique de l’Union européenne, jugée trop libérale par les uns et trop interventionniste par les autres, tantôt son mode de gouvernance politique, tantôt ses initiatives sur les questions de société comme la lutte contre les discriminations ou la gestion de l’immigration. La recherche du compromis semble de plus en plus aléatoire.
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