Crise énergétique : une vraie politique industrielle s'impose

Laurence Daziano | 10 octobre 2022

Cet hiver sera une période difficile pour les entreprises, mais la question énergétique se posera avec plus d'acuité encore durant l'hiver 2023-2024. Les délocalisations et les faillites risquent de se multiplier si une vraie politique énergétique et industrielle en France n'est pas mise en place, estime Laurence Daziano.

L’Europe s’apprête à affronter une crise énergétique sans précédent, sans doute plus grave et plus systémique que celle du krach pétrolier des années 1970. La guerre en Ukraine, puis les décisions de Vladimir Poutine d’interrompre les livraisons de gaz en Europe, ont révélé la très grande dépendance de l’Europe aux hydrocarbures russes. En mars 2022, 48 % du gaz et 25 % du pétrole consommés en Europe provenaient de Russie. La crise est accentuée par les choix énergétiques des Européens : sortie du nucléaire (Allemagne, Belgique, Suisse), extrême dépendance de l’Allemagne et de l’Europe centrale au gaz russe ou encore choix français de différer, depuis dix ans, son programme de renouvellement de centrales nucléaires. L’inflation, en partie générée par les prix de l’énergie, a été également dopée par l’injonction massive de liquidités depuis 2008, de sorte que la remontée des taux est devenue inéluctable.

La crise énergétique touchera principalement l’Europe, où la compétitivité de l’industrie va rapidement se dégrader. L’absence du gaz russe se traduira par un manque de 11 % de l’énergie totale en Europe. Cette perte énergétique conduira probablement à des coupures d’électricité pour les industriels cet hiver. Beaucoup de PME auront du mal à résister à l’inflation et à la hausse des taux et des prix de l’énergie. Le prix du gaz naturel pourrait atteindre 400 à 500 euros par MWh en Europe, alors qu’il se maintient à 35 euros aux Etats-Unis. Selon Patrick Artus, le prix de l’énergie entraînerait un supplément de coût total de 20 % pour l’industrie européenne.

Rapprochement avec les Etats-Unis

Si la guerre en Ukraine se prolonge, la question énergétique se reposera avec plus d’acuité pour l’hiver 2023-2024 avec des stocks non reconstitués. L’Europe pourrait subir un choc industriel majeur, accentuant la délocalisation de sa production et la disparition d’entreprises des secteurs très consommateurs en énergie.

Des efforts de sobriété peuvent être réalisés par les particuliers et les entreprises. Mais ils doivent être accompagnés par une vraie politique énergétique et industrielle. La première passe par une indépendance énergétique européenne le plus rapidement possible, avec le renouvellement des centrales nucléaires en France et le déploiement massif du renouvelable. La seconde doit se traduire par la protection de nos industries stratégiques, par un mécanisme de soutien au prix de l’énergie achetée mais aussi par un rapprochement avec les Etats-Unis dans certains secteurs, comme l’énergie ou les données.

Le mur de la réalité

Dans un monde de plus en plus digitalisé, aucune entreprise ne peut vivre aujourd’hui sans un accès à ses données permanent, sécurisé et à des conditions économiques soutenables. Très consommateur d’énergie, le cloud ne pourra probablement plus être déployé en Europe tel que la Commission l’avait envisagé. Peut-être nous faudrait-il reconsidérer les termes d’un accord avec Washington pour assurer, pour les prochaines années, l’accès de nos industries à des clouds opérés aux Etats-Unis, bénéficiant tant du prix américain de l’énergie que des garanties du RGPD.

Comme l’a écrit Aristote, « la simplicité n’est pas un but, mais on arrive à la simplicité en dépit de soi, comme on approche le sens réel des choses ». L’Europe va devoir prendre des décisions simples et rapides, car le mur de la réalité est désormais devant nous.

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