«Demande-t-on trop à l’entreprise?» – la chronique d’Erwan Le Noan

Erwan Le Noan | 28 août 2022

L’activisme des politiques est, pour l’entreprise, un facteur de déstabilisation potentielle

Avec la fin de l’été viennent les réunions de « rentrée » et les inévitables commentaires sur son caractère nécessairement inédit et le renouveau qu’elle est supposée offrir pour relever les défis de l’époque. Si le séquençage est un peu artificiel, il n’en constitue pas moins une opportunité de se livrer à d’utiles bilans récapitulatifs et exposés prospectifs.

La rentrée du Medef est ainsi l’occasion d’analyser la nature des risques qui se présentent en septembre 2022 : tensions géopolitiques et leurs conséquences sur les approvisionnements ; autonomie énergétique insuffisante et les rationnements liés ; inflation et ses impacts sur la production comme en matière sociale ; dépendance à des partenaires internationaux incertains pour réaliser la transition écologique, comme l’a signalé le Peterson Institute ; regains nationalistes et montée des fantasmes autoritaires ; intense créativité du débat estival français, y compris dans la majorité, en matière de taxes et interdictions, inversement proportionnelle au calendrier des réformes, etc.

Pour les entreprises, les risques sont ainsi économiques mais également politiques.

Un premier constat est qu’il s’agit d’une double évidence. D’abord, parce qu’inscrites dans la société, les entreprises ne peuvent se détacher de ses défis et de ses tensions : il est impossible de distinguer radicalement leur activité de la sphère sociale. Ensuite, parce que les entreprises sont des actrices immédiates et privilégiées des ambitions collectives : sans elles, il n’y a pas de financement de la solidarité, pas d’école ni d’hôpital publics, pas de confort pour les masses, pas de mobilité sociale, pas d’emploi, etc.

Déstabilisation. Un second constat est que l’activisme des politiques n’en reste pas moins, pour l’entreprise, un facteur de déstabilisation potentielle.

D’abord parce que l’enthousiasme fiscal menace sans cesse de faire croître leurs charges : sans cesse critiquées, elles sont des victimes expiatoires idéales pour tout responsable qui oublie que l’impôt a des conséquences sur toutes les parties prenantes (hausse des prix aux consommateurs, réduction de l’emploi, etc.).

Pour le politique, la meilleure façon d’aider l’entreprise, c’est de s’en tenir raisonnablement éloigné

Ensuite, parce que généralement mus par une généreuse intention et la conviction qu’il est de leur devoir d’agir dès qu’un sujet est porté à leur connaissance, les élus ne cessent de multiplier les obligations. Les entreprises s’en retrouvent chargées d’attentes lourdes, tout en étant paradoxalement sans cesse vilipendées.

Enfin, parce que les politiques n’hésitent pas à s’immiscer dans la gestion même des acteurs privés. Et voici qu’un Etat extraordinairement endetté, producteur inefficient de services publics, employeur peu performant, multiplie les leçons sur la bonne façon de rémunérer les salariés ou sur ce que devrait être l’objet social de l’entreprise.

ette fièvre d’action politique est nuisible. Elle détourne l’entreprise de son objectif – satisfaire les consommateurs. Elle y introduit des considérations qui n’ont pas lieu d’être, se déchargeant de son impuissance sur d’autres.

Pour le politique, la meilleure façon d’aider l’entreprise, c’est de s’en tenir raisonnablement éloigné. D’organiser les infrastructures qui permettront sa croissance. De sécuriser le cadre légal où progressent ses échanges. De lui faire assumer les pertes de ses aventures, comme de profiter des gains de ses initiatives. En somme, de les laisser prospérer, au bénéfice de tous.

Erwan Le Noan est partner du cabinet de conseil Altermind, membre du conseil scientifique de la Fondapol. Retrouvez sa chronique chaque dimanche sur lopinion.fr et le lundi dans l’édition papier du journal.

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