Immigration : les appels à dénoncer l’accord de 1968 vus d’Alger

Adlène Meddi | 30 mai 2023

ANALYSE. D’Algérie, une éventuelle abrogation unilatérale de l’accord franco-algérien sur l’immigration est vue comme le déclencheur d’une grave crise.

« Une volonté de priver les Algériens de leurs privilèges en France ». Le titre de l’article du quotidien algérien Echourrouk annonce la tendance : il n’est pas question pour Alger que Paris remette en cause l’accord franco-algérien de 1968. Ce journal n’est pas le seul à réagir au dossier publié par Le Point dans son dernier numéro, daté du 25 mai, révélant les conclusions de la note de la Fondation Fondapol sur cet accord franco-algérien qui régit l’entrée et le séjour des Algériens en France.

« Le contexte a changé »

La note est rédigée par l’ancien ambassadeur à Alger, Xavier Driencourt, qui insiste dans un entretien au Point sur la nécessité de « renégocier un autre accord particulier, si l’on veut préserver une relation spéciale [entre Alger et Paris], mais adapté aux circonstances de 2023 ». « [L’accord] visait à faciliter l’installation des Algériens en France, en leur accordant un certain nombre d’avantages. Aujourd’hui, le contexte a changé, mais ces avantages subsistent ! » précise l’ex-diplomate qui explique qu’un « projet de loi qui exclurait une dénonciation de l’accord de 1968, extrêmement protecteur, réduirait à presque rien les chances de maîtriser l’immigration ».

Les droites pour l’abrogation de l’accord

Cette note de Fondapol intervient alors que le débat sur une nouvelle loi sur l’immigration est lancé en France. En attendant le projet du gouvernement d’Élisabeth Borne, le parti Les Républicains (LR, droite) a fait ses propres propositions, dont une révision constitutionnelle et la sortie de certains textes européens et internationaux. Le patron des LR, Éric Ciotti, reste très attaché à l’abrogation de l’accord franco-algérien. En octobre 2021, il tweetait : « Je demande depuis plusieurs semaines au président Macron d’abroger les accords d’Évian revus en 1968. Lutter contre l’immigration algérienne nécessite des actes forts. Les avantages migratoires accordés à l’Algérie doivent être abolis ! »

Pour rappel, Marine Le Pen a aussi appelé, en octobre 2022 à « remettre en cause » ces accords « qui facilitent considérablement les flux migratoires entre [le]s deux pays ». « Je conditionnerai l’obtention de visas pour les Algériens au respect absolu des OQTF [obligation à quitter le territoire français]. » Sa déclaration faisait suite à l’assassinat de la jeune Lola à Paris le 14 octobre 2022 par une ressortissante algérienne sous le coup d’une OQTF.

Des voix de l’extrême droite, comme celles d’Éric Zemmour ou de Marion Maréchal, ont également soutenu l’idée d’une abrogation de cet accord, se disant tout à fait en phase avec la note de Xavier Driencourt.

Les Algériens, une « fixation »

« Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a indiqué en décembre dernier dans un entretien au Figaro que l’Algérie tient à l’accord de 1968 sur l’immigration. Tant qu’ils sont en vigueur, ces accords doivent être respectés », rappelle le site algérien TSA dans un récent article intitulé « France : les Algériens, point de fixation des anti-immigration ».

« Cette fixation sur l’accord bilatéral signé il y a plus d’un demi-siècle laisserait penser que l’immigration en France est exclusivement algérienne », soutient TSA. « Ce qui est loin d’être le cas. Selon les chiffres fournis par l’ancien ambassadeur [Driencourt] lui-même, les Algériens ne représentent que 12 % du total des immigrés établis en France. Ce qui signifie que près de 90 % des immigrés se trouvant sur le territoire français s’y sont établis sans un accord “extrêmement protecteur » ou des “avantages exorbitants » ».

La crise à attendre

Pour le quotidien Echourrouk, les sorties de Xavier Driencourt, et l’appui par la droite à son idée de dénoncer unilatéralement l’accord de 1968, n’auraient comme objectif que « de mettre en échec la prochaine visite du président Tebboune » prévue en France courant juin. Une visite qui semble déjà assez compromise, selon nos sources. « L’ex-ambassadeur semble profondément souffrir de voir les Algériens bénéficier d’avantages [en France] que n’ont pas les Marocains ou les Tunisiens », appuie le même journal conservateur dans un autre article.

Pour le Quotidien d’Oran, les déclarations de l’ancien ambassadeur Driencourt auraient une intention précise : « Quand il reconnaît ouvertement que la dénonciation unilatérale de cet accord passe nécessairement par la crise diplomatique durable avec l’Algérie. Voilà où il veut en venir. »

Dans son entretien au Point, Xavier Driencourt avait esquissé le « jour d’après » en cas de dénonciation par Paris de cet accord : « Inévitablement, l’Algérie rappellerait son ambassadeur à Paris et pourrait même rompre les relations diplomatiques. Elle pourrait également cesser toute délivrance de laissez-passer consulaires, donc refuser de reprendre ses clandestins, et expulser des Français d’Algérie. Ce serait une crise majeure, à la une de tous les journaux. »

En tout cas, les prémices sont déjà là.

Retrouvez l’article sur lepoint.fr

 

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