« Le christianisme, religion de la vulnérabilité, est un aiguillon de la démocratie »
Matthias Wirz | 22 décembre 2021
Dans l'ouvrage collectif « Le XXIe siècle du christianisme », le politologue Dominique Reynié et un collège de spécialistes explorent un christianisme en constante évolution, dont les bases ont cimenté la démocratie, désormais en péril.
Les religions seraient-elles en voie d’extinction ? Contrairement à une idée reçue, la réponse est non, même si l’Occident vit une grande période de désenchantement. À l’échelle mondiale, le monde nʹa jamais été aussi peuplé de croyants! Les chiffres lʹattestent. Selon une étude du think tank américain Pew Research Center, 84 % de la population mondiale revendiquait une affiliation religieuse en 2017.
Un livre somme
Toujours selon cette étude, les chrétiens seraient 2 milliards 300 millions (plus de 30 %), les musulmans 1 milliard 800 millions (plus de 24 %) et les hindous 1 milliard 100 millions (environ 15 %). Démographiquement, sachant que le taux de fécondité est largement favorable aux religions, le déclin n’est pas pour demain. « Mais poser à des individus la question de la croyance religieuse est difficile. Il y a des pays où vous ne pouvez, ou n’osez, pas répondre à cette question tant la religion est une obligation politique ou sociale », précise le politologue Dominique Reynié qui signe, avec un collège de spécialistes, « Le XXIe siècle du christianisme », publié par Les éditions du Cerf.
Les atouts du christianisme
Ce livre de 400 pages démontre en quoi la culture démocratique est un héritage du christianisme.
« Bien sûr, avant, il y a les Grecs. Mais la démocratie athénienne n’accorde de liberté qu’aux hommes libres. Les autres, femmes, esclaves ou métèques n’y avaient pas droit. »
Les ferments de la démocratie
Mais alors, quels sont ces principes chrétiens qui ont permis l’avènement de la démocratie ? Il y a l’égalité entre les humains, le souci porté aux plus vulnérables, la sacralisation du vivant et, surtout, le fait que le royaume chrétien n’est pas terrestre, ce qui normalement l’éloigne de l’exercice du pouvoir et favorise la séparation entre le religieux et le politique. Mais l’histoire prouve que ce ne fut pas toujours le cas, et de loin.
Récemment, on a pu voir plusieurs dérives, notamment, des télévangélistes américains, soutiens de Donald Trump, s’en prendre au symbole même de la démocratie en attaquant le Capitole. « Ce sont des usurpations », selon Dominique Reynié, qui estime qu’il y a danger quand l’appartenance à la religion relève de l’appartenance à la nation.
« Le religieux a une place essentielle chez les gouvernés, il promeut la capacité de jugement, de discernement, de critique, mais il devient monstrueux quand il gouverne. »
Trois grands modèles totalitaires
Et le monde ne manque pas de gouvernements totalitaires. Dominique Reynié distingue trois grands dangers pour la démocratie. Le premier, de type islamiste, tel l’Iran, soumet entièrement le politique à la religion qui fait la loi. Le second est le miroir inversé du premier: la religion est entièrement asservie par le politique. C’est la Chine qui a confisqué toute indépendance religieuse.
Le troisième modèle est plus récent et sournois; il implique les plateformes numériques qui développent une sorte de système théologico-politico-numérique. « La parole sur les réseaux sociaux est de moins en moins régulée par le droit national, mais de plus en plus par le code transnational des entreprises privées. Beaucoup de religions et de religieux organisent des pressions pour que certains propos ne soient plus autorisés, certaines images censurées, certaines libertés levées, comme celle d’opinion. C’est la pression du grand nombre. C’est ainsi qu’on a vu des interdits revenir, comme le droit au blasphème ».
Lire l’article sur rts.ch.
Dominique Reynié (dir.), Le XXIe siècle du christianisme, (Fondation pour l’innovation politique, mai 2021).
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