L'Italie à un tournant ?

Laurence Daziano | 23 août 2022

La coalition de droite menée par Giorgia Meloni a toutes les chances de l'emporter lors des prochaines élections en Italie, le 25 septembre. Sa formation n'a jamais été aux affaires durant la législature qui s'achève, ce qui rend sa capacité à mener les réformes problématiques, s'interroge Laurence Daziano.

À l’issue d’une crise parlementaire, Mario Draghi a dû démissionner et des élections législatives anticipées sont convoquées le 25 septembre prochain. L’expérience Draghi ne pouvait être que de courte durée, réunissant dans une même coalition Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, les populistes du Mouvement 5 étoiles ou encore les partis de gauche.

Les partis politiques italiens vont s’affronter dans une compétition électorale complexe, le « rosatellum », nommé en référence à son architecte Ettore Rosato, qui désigne les parlementaires selon un système mixte, mêlant une élection proportionnelle par région pour les deux tiers et un système uninominal à un tour pour le tiers restant. Ce système électoral empêche de dégager une majorité claire au Parlement et favorise les coalitions. Il avait été conçu pour empêcher le Mouvement 5 étoiles de disposer d’une majorité. Il va désormais favoriser la coalition de droite formée de trois partis : Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, Forza Italia et la Lega de Matteo Salvini. Cette coalition devrait disposer d’une majorité claire avec environ 45 % des voix, Fratelli d’Italia étant dans tous les sondages classé comme le premier parti.

Respect des échéances

Créé en 2012 par Giorgia Meloni sur les cendres de la formation post-fasciste Alliance nationale (ex-Mouvement social italien), Fratelli d’Italia est crédité de 23 % d’intentions de vote, contre 4,3 % en 2018. A sa tête, Giorgia Meloni, quarante-cinq ans, jouit d’un avantage considérable : celui de diriger la seule formation n’ayant jamais été aux affaires durant la législature qui s’achève, évitant les différentes compromissions qui accompagnent l’exercice du pouvoir. Dans la position de future présidente du Conseil, Giorgia Meloni cherche à se construire une image de responsabilité. Le programme commun des droites italiennes parle d’insécurité, d’immigration et de baisse des impôts, mais aussi de l’attachement à l’Otan et de soutien à l’Ukraine. Il faut gagner les élections et préparer la suite en évitant que les marchés financiers ne paniquent et que le spread ne s’envole.

Or, les questions en suspens sont majeures pour l’Italie. Le plan post-pandémie de relance et de résilience, financé par l’Union européenne et dont l’Italie est le principal pays bénéficiaire, avec 191,5 milliards d’euros, dont 69 milliards d’euros de subventions sur la période 2021-2026, doit être mené à bien. Rome devra tenir 100 objectifs pour toucher 47,9 milliards d’euros en 2022. La Cour des comptes a examiné 31 des 45 objectifs annoncés au cours des six derniers mois et émet de sérieux doutes sur le respect des échéances. Les administrations italiennes manquent notamment de compétences pour monter les projets et utiliser les fonds. De plus, les inégalités entre l’Italie du Nord et le Mezzogiorno demeurent massives. Les régions du Sud, qui ont le plus besoin des fonds européens, sont les moins en mesure de pouvoir les utiliser. Plusieurs dossiers urgents, dont la privatisation d’ITA Airways (ex-Alitalia), devront également être réglés.

Le défi de la responsabilité

Enfin, malgré une diplomatie gazière offensive de Mario Draghi auprès de nombreux pays fournisseurs (Algérie, Qatar…), l’Italie demeure dépendante du gaz russe et les principaux leaders de la coalition de droite ont été notoirement proches du Kremlin.

Tous ces enjeux italiens sont autant de défis européens. Jules César aurait déclaré : « Le danger que l’on ressent mais que l’on ne voit pas est celui qui trouble le plus. » Les Italiens s’apprêtent à faire un choix démocratique clair qui marquera un tournant politique majeur pour leur pays. Giorgia Meloni devra relever le défi de la responsabilité et de la crédibilité pour gouverner, réformer et confirmer l’ancrage européen et atlantique de la péninsule.

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