Présidentielle : pour Dominique Reynié, « seuls deux candidats portent un vrai récit dans cette campagne »

Dominique Reynié, Yannick Povillon | 03 février 2022

Le politologue et directeur de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) estime que la répartition des forces est inédite avec une gauche morcelée et une droite de gouvernement débordée par sa droite.

À deux mois quel est l’état des lieux de cette élection présidentielle ?

Il est assez bizarre. Nous n’avons jamais eu une telle répartition des forces. Une gauche morcelée à 25 % des intentions de vote, une droite forte mais prise en étau par le camp Macron et dominée par sa droite. Elle pèse 50 % des intentions de vote quand le bloc Zemmour, Le Pen, Dupont-Aignan en représente les deux tiers.

Depuis 2017, la gauche n’a pas su construire un programme, consolider une organisation. Et cet effondrement a des conséquences sur la droite gouvernementale affectée, impactée par le fait qu’elle ne peut pas, pour la première fois, positionner son discours vis-à-vis de la gauche puisqu’il n’y a plus rien ou presque.

D’autant qu’après un bon début, la candidature Pécresse patine aujourd’hui ?

Il n’y a pas la dynamique que l’on pouvait attendre. La droite de gouvernement est dans l’opposition depuis dix ans et ne survivra pas à un nouvel échec. Aujourd’hui, elle n’a pas de doctrine, pas de bilan, pas de prise de recul, pas de chef choisi. Compte tenu de la stature de Valérie Pécresse, elle devrait être bien au-dessus car c’est une femme d’expérience, une femme de gouvernement.

Qu’est-ce qui fait défaut ?

Elle n’a pas un grand projet pour la France, elle ne trace pas un sillon clair. On ne voit pas quelle est l’idée nouvelle. Or nous sommes dans une crise historique, en France en Europe et dans le monde et la droite ne dit pas quelle est sa vision.

Dans cette campagne, seuls deux candidats portent un vrai récit : Zemmour dans une version tragique et c’est pour cela qu’il a percé et Macron, le président sortant. Ailleurs, c’est assez insipide.

Que pensez-vous de l’existence d’un vote caché en faveur du candidat Zemmour ?

Il est possible que les abstentionnistes de droite retournent voter pour lui. En réalité, Zemmour est très difficile à sonder. À titre personnel, je suis dans le brouillard. On me dirait le 11 avril, Zemmour a fait 7 % ou 18 %, dans les deux cas je ne serais pas surpris.

Si la droite échoue que va-t-il se passer ?

Les cadres des Républicains se dispatcheront soit vers Macron soit vers cette fusion des droites qui se dessine. Mais le RN ne sera pas en plus grande forme car de nombreux cadres diront que Marine Le Pen ne pourra pas y retourner une quatrième fois et que le RN ne peut pas gagner la présidentielle. Il y aura une recomposition du paysage politique.

Emmanuel Macron peut-il retarder encore sa candidature ?

Il n’a aucun intérêt à y entrer trop tôt. Il est en tête dans les sondages et peut prendre de la hauteur par rapport aux autres qui n’ont d’autres choix que de se positionner par rapport à lui.

Peut-il encore y avoir une surprise ?

La situation sanitaire peut avoir des conséquences, de même qu’un élément conjoncturel comme la hausse du prix de l’énergie. Or il faut beaucoup d’effort pour en contenir le prix. Le pays est dans une grande fragilité et les électeurs se décident de plus en plus tard. Le sort du premier tour où le ticket pour se qualifier est très bas, va largement dépendre du taux de participation. Et puis après ? À l’issue de l’élection, le système politique risque fort de rentrer en crise.

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