Présidentielle – Une fessée et aux urnes !

Sébastien le Fol | 18 avril 2022

ÉDITO. 70 % des électeurs ont protesté au premier tour. « Ils ne savent pas ce qu’ils font », pense-t-on. Une erreur de diagnostic qui coûtera cher.

Soixante-dix. C’est le pourcentage que l’on obtient, selon la Fondation pour l’innovation politique, en additionnant les électeurs qui, au premier tour, ont voté pour un candidat « antisystème », choisi le vote blanc ou préféré l’abstention. Face à cette défiance grandissante, les défenseurs de la raison ne varient pas de position. Ils analysent toujours ce comportement électoral comme un geste passionnel, enfantin, une furie dominicale : « Ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Sous-entendu : « Ça leur passera. »

Mais ça ne passe pas. Il y a des votes Le Pen de conviction ! Ce n’est pas une aigreur d’estomac qui dicte leur choix mais le programme de la candidate du Rassemblement national. Ne pas prendre en compte cette dimension nous empêche de penser la situation politique de notre pays dans sa complexité. Avec de telles œillères, on ne voit pas le nouveau paysage défiler.

Face à de tels choix politiques, un autre réflexe consiste à déclarer à la cantonade : « Il faut entendre le message adressé par les électeurs de Marine Le Pen… » Comme un médecin dirait à des parents : « Surveillez la fièvre de votre enfant. » Mais quel message ? Pourquoi exclure a priori qu’une bonne part de ces Français souhaitent vraiment porter Marine Le Pen au pouvoir ? Et en toute connaissance de cause !

Les gouvernants ont leur part de responsabilité dans le désenchantement démocratique, mais les gouvernés aussi. Pour un certain nombre de Français, la citoyenneté revêt une attitude inédite : la négation exclusivement. Le coup de pied au cul permanent. On l’a vu encore cette semaine avec le blocage et le saccage de la Sorbonne par des bébés révolutionnaires écœurés par les têtes d’affiche du second tour de la présidentielle. Faut-il réellement se plier à leurs caprices ?

« On a perdu de vue l’horizon de la démocratie : permettre à chacun d’être adulte et de le rester tout au long de sa vie », note le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, dans Comment gouverner un peuple roi ?, un livre que tous nos dirigeants devraient avoir lu. Ce véritable art de gouvernement veut réconcilier la liberté du peuple et l’efficacité du pouvoir.

Les gens de gauche qui se pincent le nez

Nos dirigeants ont certes oublié le peuple, observe Tavoillot, en ne le regardant plus que « comme une somme de petites zones à défendre : les minorités, les victimes, les opprimés, les méprisés ». Mais nous autres individus du XXI siècle voulons être citoyens sans jamais obéir. Et encore moins sans chercher à comprendre nos gouvernants. Nous pensons qu’«  être libre, c’est être contre » ; qu’on agit parce qu’on s’indigne.

Cette année encore, l’argument d’autorité a été dégainé : ne votez pas Le Pen, c’est mal ! Il est souhaitable que cet épouvantail fasse encore l’affaire. Faute de mieux. Ce n’est pas certain. Toute une gauche gribouille dit préférer Macron tout en se pinçant le nez à l’énoncé de son nom. En ce mois d’avril 2022, une question brûle toutes les lèvres : qu’allons-nous faire des cinq prochaines années ? Et là, c’est le boulevard de l’angoisse.

 

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