Confucius et les automates : l’avenir de l’homme dans la civilisation des machines.     

22 septembre 2017

« La science va plus loin que ne l’avait imaginé la science-fiction.  L’homme a vraiment inventé des créatures qui sont en passe de s’affranchir de leur créateur :  pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine vont entrer en concurrence ». Quel sens donner aux mutations technologiques multiples et à l’accélération du temps qui façonnent le nouveau visage de notre avenir ? Peut-on aujourd’hui dessiner une sorte de carte des mondes futurs ? Pour Charles-Edouard Bouée, auteur de« Confucius et les automates », rien n’est moins sûr, car il ne s’agit plus du même cadre : si l’homme est au cœur du projet d’entreprise, les nouvelles technologies de l’information ont favorisé l’émergence progressive de ce qu’Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis appelle «  Earth Inc », un monde complètement intégré et connecté, au sein duquel « les politiques nationales, les stratégies régionales et les théories économiques qui nous ont longtemps été familières ne sont plus compatibles avec tout ce que nous ont apporté les technologies révolutionnaires ». Et les ruptures qui caractérisent notre époque vont s’accélérer, dans la continuité des deux vagues successives de cette révolution : la première était l’euphorie pour des NTIC dans les années 2000 puis la période actuelle de normalisation, d’expansion et de domination de certains acteurs comme Facebook ou Google. Notre nouveau monde transcende les espaces géographiques et politiques traditionnels, dans une logique qui n’a plus grand chose à voir avec les hiérarchies anciennes.

 

 

Dans quel type d’entreprise allons-nous travailler demain ?

 

Les ruptures impactent également l’organisation interne de l’entreprise et la technologie est la clé de la compétition. Des changements qui concernent aussi bien les outils industriels que l’utilisation des nouvelles technologies dans le rapport entre l’entreprise et ses clients. « Une nouvelle ère s’ouvre dans ce domaine où les robots ne seront plus seulement au service des opérateurs, mais où ils seront en mesure de se commander les uns les autres », précise Charles-Edouard Bouée. Ces dernières décennies, de grandes entreprises multinationales ont dû procéder à des changements majeurs au sein de leur organisation afin de gagner en souplesse et en rapidité, tirant les leçons des marchés émergents, allant jusqu’à y installer leurs centres stratégiques, comme l’américain Cisco, dont le second siège social se trouve à Bangalore en Inde.

Les forces économiques sont passées maîtres dans l’art d’observer les militaires et d’enrichir leurs stratégies des leçons tirées des conflits internationaux. « Elles ont analysé la façon dont les stratèges avaient totalement modifié leur approche du monde d’aujourd’hui en misant sur les techniques nouvelles du pilotage à distance, des virus informatiques destructeurs (une révolution au moins aussi importante que celle de la machine à vapeur) et un déploiement de leurs forces basé sur la qualité et l’efficacité plutôt que sur la quantité, qui a donné lieu au concept d’- Empreinte Légère– ». Une armée inépuisable de machines autonomes va voir le jour, dotées d’intelligence au sein de laquelle les hommes devront être en mesure de trouver leur place.

 

Les machines traitent très mal ceux qui ne les aiment pas. 

 

La diffusion des robots de services s’est considérablement accélérée : plus de 45 000 robots de services professionnels se sont vendus entre 2009 et 2012, dont près de 40% dédiés à des applications militaires comme les drones aériens, maritimes et terrestres. Parallèlement, l’agriculture est un consommateur de robots de plus en plus important : entre 2012 et 2015, la vente de robots agricoles avoisine les 95 000 unités. « Quant au marché des robots de services à usage personnel, il est en plein ascension, avec près de 2 millions d’unités vendues dans le monde en 2011, dont près de 50% sont des robots de loisir, des robots-jouets, dont les Japonais et les Coréens sont particulièrement friands » souligne l’auteur. Dans la période 2012-2015, il s’est vendu dans le monde près de 10 millions de robots-aspirateurs, 900 000 robots d’assistance personnelle, 2,7 millions de robots-jouets, 2 millions de robots destinés à l’enseignement et à la recherche. Et il ne s’agit ici que des prémisses d’innovations qui concerneront tous les secteurs, du robots valet de chambre au robot industriel, en passant par le robot de chirurgie au vigile automate. Une reconstruction totale de notre univers est en gestation.

 

La révolution souterraine de l’industrie 4.0

 

L’industrie 4.0 permettra la mise en place des lignes de production dynamiques. Pourquoi ne pas envisager des voitures qui seront des produits intelligents qui évolueront de façon autonome, entre différents postes de production ? De la même façon, le technicien du futur ne se connectera plus à la machine, car les systèmes de production se comporteront comme des « machines sociales », au sein de réseaux similaires aux réseaux sociaux qui se connecteront automatiquement à des plates-formes de télé-présence situées dans le cloud, afin de recherche l’expert qui saura traiter le problème.

Dans cette révolution globale, des atouts permettront à la France d’encaisser les chocs technologiques et sociaux du futur à commencer par son potentiel de recherche dans le domaine de la santé, des énergies nouvelles, la robotiques, l’aéronautique, la biologie ou l’agriculture. Quant au patrimoine de l’hexagone, il est pour Charles-Edouard Bouée une source de richesse considérables à la condition de trouver des formes nouvelles pour le mettre en valeur, « proposons à tous les états-majors des grandes entreprises mondiales, des programmes de travail et de séjour « autour des Lumières », faisons-en un centre de profit à part entière », propose l’auteur. Dans les décennies à venir, la France pourrait ainsi prouver que l’altruisme n’est pas une valeur du passé, mais une valeur tout court, créatrice de richesses insoupçonnées, un moyen de survivre à l’ère des robots et des automates tout en restant un « point d’ancrage », un repère de sens dans le monde à venir.

Farid Gueham

Pour aller plus loin :

–       « Charles-Édouard Bouée : « Nous disposerons tous d’une intelligence artificielle portative », le Figaro.fr

–       « L’IA rend le pouvoir aux groupes industriels », Charles Edouard Bouée, PDG de Roland Berger, l’Usine Nouvelle.

–       « Le robot n’est pas nécessairement l’ennemi de l’emploi », Le Monde.fr

 

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