L'Arabie saoudite doit aller plus loin dans sa modernisation
05 mai 2019
L’avenir de l’Arabie saoudite est au coeur de nombreuses interrogations, tant au plan économique que géopolitique, énergétique, diplomatique ou religieux. Longtemps immobile, corseté dans le wahhabisme et paralysé par le système de consensus prévalant au sein de la famille royale, le royaume saoudien est entré dans le XXIesiècle à l’occasion de la prise de pouvoir du prince Mohammed ben Salmane.
Avec son plan Vision 2030, il a lancé une politique globale visant à assouplir la société et à libérer l’économie saoudienne de sa dépendance au pétrole. Pourtant, rapidement, les annonces spectaculaires sur la libéralisation de l’économie et le droit des femmes à conduire ont été entachées par l’emprisonnement des princes à l’hôtel Carlton, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi ou encore l’enlisement de la guerre au Yémen.
Dans ce contexte, le Prince Saud Al-Faisal Institute for Diplomatic Studies organisait, à Riyad, le premier forum de réflexion franco-saoudien. Que retenir de ce qui se joue aujourd’hui en Arabie saoudite : la modernisation à marche forcée du pays ou un regain d’autoritarisme, à l’image de ce qui se passe à Ankara ou Pékin ?
Diversification de l’économique
Tout d’abord, le royaume saoudien est incontestablement un pivot du Moyen-Orient : protecteur des lieux saints de l’islam, membre du G20, premier détenteur des réserves prouvées de pétrole (260 milliards de barils), premier exportateur de pétrole en valeur (près de 18 % des exportations mondiales), il occupe 80 % de la surface de la péninsule Arabique et abrite 32 millions d’habitants (46 millions à l’horizon 2050).
Ensuite, MBS, malgré les défauts de son inexpérience politique, fait bouger les lignes grâce à sa Vision 2030. Sur le plan politique, le système de décision par consensus a cédé la place à un mode de décision vertical. Sur le plan économique, Riyad sanctuarise les recettes générées par le pétrole pour diversifier l’économie et en finir avec l’Etat rentier.
Les projets en matière d’énergies renouvelables progressent. MBS veut également ouvrir son pays au tourisme, en aménageant le site nabatéen d’Al Ula et les îles de la mer Rouge, ou encore en créant des parcs de loisirs. Sur le plan social, les avancées sont aussi présentes : Fondation Misk pour encourager l’art, autorisation d’écouter de la musique, ouverture de cinémas, mixité des terrasses des cafés.
Ouverture économique
Enfin, et cependant, les défis demeurent gigantesques pour Riyad, tant au plan régional (conflit au Yémen, blocus du Qatar, rivalité avec l’Iran) qu’au plan intérieur, avec 60 % de la population qui a moins de 25 ans.
Il faut ouvrir les lieux saints aux non-musulmans et abolir la peine de mort.
C’est pourquoi il faut encourager la nouvelle génération saoudienne à aller encore plus loin que Vision 2030: penser un Moyen-Orient sans pétrole, créer de véritables institutions régionales du Conseil de coopération du Golfe avec un passeport commun et des frontières uniques, ouvrir les lieux saints aux non-musulmans, abolir la peine de mort, encourager le secteur privé et l’innovation, bâtir des universités de taille mondiale en coopération avec les Emirats arabes unis et le Qatar, reconnaître que l’économie de la connaissance suppose la protection des libertés individuelles. L’avenir de l’Arabie saoudite, et plus largement de la région, doit être repensé avec une grande ambition, car le statu quo est intenable.
Laurence Daziano , maître de conférences en économie à Sciences Po, est membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique.
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