Le consommateur digital : les nouvelles approches pour le séduire.
Farid Gueham | 23 juillet 2019
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« Economie collaborative, réseaux sociaux, nouveaux usages du téléphone mobile… La révolution digitale bouleverse les modes de consommation et engendre la naissance d’un nouveau consommateur. Ce consommateur augmenté, véritable Uberconsommateur, dispose de plus de moyens pour agis sur sa consommation et accroît son pouvoir sur les marques. Complexe et parfois même contradictoire, il est difficile à comprendre, encore plus à séduire ». Spécialiste du consommateur et des marques, Nicolas Riou décrypte les comportements et les attentes de l’acteur central de la nouvelle économie digitale. Courtisé par les marques, son attention devient une donnée précieuse, génératrice de valeur.
A l’origine de l’économie collaborative.
« Il est un acteur discret, qui est à l’origine de la grande transformation en cours : le consommateur. Les innovations majeures viennent en général du monde de l’entreprise ou des Etats. Pour la première fois, en s’appropriant de nouveaux moyens de communication digitale, l’individu est au cœur de la quatrième révolution industrielle, il est la source du changement ». Et si les analystes avaient tort, en abordant le monde digital de façon compartimentée en silos, se focalisant sur un seul thème, au lieu de l’envisager dans sa transversalité, à la lumière des nouvelles pratiques de consommation ? Pour Nicolas Riou, le consommateur digital est le fil rouge qui unifie les grands thèmes de l’économie numérique. Il est au cœur du changement, à l’origine des transformations qui bouleversent notre consommation, les marques et le marketing. De nouvelles pratiques changent le comportement d’un consommateur, anciennement dicté par les marques, et basé sur un modèle descendant, comme la publicité télévisée par exemple. Ce nouveau consommateur est libre, il prend ses distances avec les marques, plus exigeant, plus complexe et volatil.
Génération réseaux sociaux : de la conversation à la mise en scène de soi.
« Créé en 2004, Facebook entre tout juste dans l’adolescence ! (…) Aujourd’hui, leur audience est massive : elle se compte souvent en milliards de personnes. Facebook met en avant 1,5 milliard d’utilisateurs dans le monde ; YouTube 1 milliard ; WhatsApp 1 milliard… De quoi donner le vertige ». Les consommateurs sont par ailleurs à l’origine de la visibilité des marques sur les réseaux sociaux, et non l’inverse. Ils mènent la danse et poussent les enseignes à s’adapter. Cette situation inédite et inconfortable à laissé de nombreuses marques à la traine, face à des consommateurs natifs du digital. La « génération Z » ou les « Millenials » sont emblématiques de cette génération. Cependant, une étudede l’Observatoire Cetelem de février 2016 montre qu’en France, plus d’un sexagénaire sur quatre est membre d’un réseau social. Les réseaux sociaux sont ainsi l’occasion de découvrir la vie et les goûts des autres, c’est aussi la mise en scène d’un « soi rêvé » et l’idéalisation du quotidien. « Le temps passé sur les réseaux sociaux n’est pas sans générer des craintes ». Pour le psychanalyste Carlo Strenger, les réseaux sociaux peuvent générer une « peur de l’insignifiance », dans un contexte où l’on évalue sa valeur personnelle à travers celle du nombre de « like ».
L’âge du mobile : un objet identitaire.
« Le mobile a prouvé par le passé sa capacité à évoluer. Les consommateurs se sont vite approprié cet outil et ont inventé de nouveaux usages. La décennie 1995-2005 a vu l’explosion du mobile centré sur l’usage voix. Les années 2005-2006 ont été marquées par le lancement de la 3G et de l’IPhone ». Hausse de la performance, débit plus rapide, taille des écrans, autant d’innovation qui génèrent de nouveaux usages et permettent le passage du téléphone au smartphone. Le smartphone est en passe de devenir la première clé d’accès l’Internet. Celui-ci ce faisait essentiellement par le biais de nos ordinateurs fixes ou portables. Le smartphone a su s’imposer comme le « device »de l’intimité, rappelle Nicolas Riou. Il contient nos SMS les plus personnels, nos applications, un prolongement de habitudes, de notre consommation. Le marketing est également bouleversé par le smartphone. Les trois enjeux clés de cette nouvelle interface de consommation sont les applications, l’achat et le paiement sans contact, et enfin, la publicité mobile. Le smartphone est même en train de détrôner l’ordinateur portable : Uber n’est pas accessible depuis un ordinateur et Instagram a été conçu pour les mobiles. Demain son rôle sera encore plus important : il nous aidera à contrôler nos maisons à distance, à gérer nos examens de santé. « L’avenir s’écrit sur mobile »affirme l’auteur.
Bienvenu dans le monde de la « very big data ».
« La gestion de la donnée s’est développée dans les années 90 avec l’essor de la relation client et du CRM. La fidélisation des clients reposait sur leur connaissance, et donc sur la capacité des entreprises à capter, traiter et analyser les informations relatives aux clients et aux prospects ».Mais à partir des années 2000, Internet est venu enrichir les sources de recueil des données. Le consommateur digital est la source première de la data. Et en retour, la data impacte les comportements de consommation de son émetteur. La nouvelle donne se caractérise par le passage de la data au big data. La règle des « trois v »,volume, vitesse, et variété, permet de distinguer ces différences de recueil et de traitement des données. Si la protection des données est un enjeu premier dans ce contexte, la data peut aider à proposer des solutions personnalisées, elle contribue à repositionner le consommateur au centre de la relation avec la marque, ouvrant la voie à des services sur mesure.
Huit défis pour les marques.
Pour une compréhension efficace du consommateur digital, les marques doivent relever huit défis, afin de créer de l’attachement et de l’engagement. Tout d’abord, elles doivent s’adresser à l’humain et non plus a une cible. Certaines marques ont déjà pris ce tournant en célébrant des valeurs humaines, telles que le bonheur chez Coca-Cola, la jeunesse pour Evian, l’art de vivre à la française chez Air France. La marque doit également exprimer sa raison d’être par un point de vue fort, adopter une posture de service, comme le rappelle Jean-Paul Agon, lorsqu’il souligne que « le digital permet de transformer le produit en service ». Les applications de sport « Nike + Running » s’inscrivent dans ce mouvement. La marque doit également proposer des expériences, à l’instar d’Airbnb. Elle doit être pertinente, en affinité avec ses consommateurs. La marque doit enfin produire des contenus, être ouverte et authentique, c’est à dire irréprochable sur le plan de l’éthique. La marque Dove s’est engagée dans cette dynamique, affichant des mannequins grandes tailles, et plus de diversité dans le choix de ses mannequins. « Le consommateur digital dépasse le champ stricto sensu du monde digital et de l’achat en ligne. Il a de nouvelles valeurs, baigne dans une nouvelle culture qui nourrit l’individu tout entier. Il en va de même pour la transformation digitale : il faut être convaincu qu’elle dépasse le champ du digital »,conclut Nicolas Riou.
Pour aller plus loin :
– Infographie :« Les consommateurs reprennent le pouvoir dans leurs interactions avec les marques » ecommercemag.fr
– « La peur de l’insignifiance nous rend fous : quelle place pour l’individu à l’ère de Facebook ? », franceculture.fr
– « Comment la technologie transforme le secteur de la restauration rapide », siecledigital.fr
– « Les 3 V du big data : volume, vitesse et variété », journaldunet.com
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