Perdu comme un libéral dans une campagne européenne
17 mai 2019
La construction européenne s’est traduite, dès son origine, par une ambition prioritairement économique : si le préambule du traité CEE de 1957 se conclut par une référence aux « sauvegardes de la paix et de la liberté », il envisage surtout « l’amélioration constante des conditions de vie » et « l’unité [des] économies », « grâce à une politique commerciale commune, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux ». L’Europe est d’abord un espace de libre-échange, fondé sur quatre grandes « libertés » (libre circulation des biens, services, personnes et capitaux), appuyé sur une politique de concurrence et ouvert à l’international.
De quoi séduire les libéraux.
Ceux-ci doivent dès lors être un peu perdus dans l’actuelle campagne française des élections européennes : les partis en tête des sondages (RN, LREM, LR) proposent tous dans leurs programmes de taxer les importations, réviser la politique de concurrence pour la rendre moins puissante, contrôler plus les travailleurs détachés, stabiliser (supprimer pour le RN) Schengen, être sévères envers les migrants…
Si le RN ne cache pas son hostilité à l’Europe et que les LR se concentrent principalement sur les questions d’identité et d’immigration, le projet de la liste conduite par Nathalie Loiseaufait des choix économiques déroutants.
La matière fiscale n’y fait pas défaut. Alors qu’à la sortie de la crise des Gilets jaunes, le programme LR clame son refus de « toute nouvelle taxation des entreprises ou des ménages » (tout en renforçant les droits de douane et créant une taxe GAFA…), celui de LREM ne manque pas d’imagination et promeut des taxes diverses : sur le carbone « aux frontières », sur le transport aérien, sur les « géants du numérique », sur les transactions financières. Il ressort également l’antienne de l’harmonisation fiscale, d’autant plus facile à avancer qu’elle est illusoire, et promet de « mettre un terme à l’évasion fiscale », d’« harmoniser l’impôt sur les sociétés » et même d’instaurer un « niveau minimal d’impôt mondial » !
Pour bien utiliser ces recettes, rien de mieux que les subventions ! Les promesses de financement sont donc nombreuses. Comme LR, le parti présidentiel réaffirme son soutien à la PAC ; mais il promet aussi 15 000 euros à tous les chômeurs, 20 000 aux travailleurs « dont l’entreprise est touchée par les transformations numériques et écologiques » (sans que l’on sache comme cela sera financé) ; et s’il envisage un budget européen, c’est pour payer avec l’argent du contribuable des investissements décidés par la puissance publique.
Et comme les réglementations sociales manquaient, la liste de Nathalie Loiseau promet aussi de créer de nouveaux droits sociaux et d’instaurer un salaire minimum européen…
Etonnamment, le mot « compétitivité » n’apparaît pas une seule fois dans le texte, laissant au projet de François-Xavier Bellamy le monopole de l’appel à ce que l’Europe puisse « régler son problème de sous-compétitivité chronique ».
Alors que le Président avait, au début de son mandat, dessiné dans des discours importants une vision prospective et inspirée pour l’Europe, le projet de sa candidate est banalement social-démocrate, mâtiné d’un peu d’écologie. Impôts, dépenses publiques et normes sociales, le cocktail est un peu chargé…
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