
Les électeurs connaissent-ils bien les règles de la primaire ?
Guillaume Tabard | 16 novembre 2016
Selon une enquête de l’Ifop pour la Fondapol, 58 % seulement des électeurs « certains » de la primaire de la droite et du centre en connaissent la date exacte.
Y aura-t-il une grosse surprise dimanche pour le premier tour de la primaire ? Chacun guette évidemment le résultat et l’ordre d’arrivée entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon. Mais avant de s’interroger sur l’identité de l’élu, il convient de s’interroger sur celle des électeurs. Or, la seconde vague de l’enquête réalisée par l’Ifop pour la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique) apporte des surprises. Lesquelles pourraient peser fortement sur la participation au scrutin des 20 et 27 novembre.
UNE MÉCONNAISSANCE RELATIVEMENT FORTE SUR LA DATE
L’indicateur le plus spectaculaire porte sur le degré de connaissance de la date de la primaire. Cette deuxième vague de l’enquête Ifop a été réalisée entre le 27 octobre et le 8 novembre. Or, à cette période, 30 % seulement des Français étaient capables de citer la date exacte du premier tour. C’est certes en progression de 12 points par rapport à la première vague, réalisée au début du mois d’octobre, mais ça reste minoritaire alors que la campagne à droite est le sujet dominant de l’actualité politique depuis de nombreuses semaines. Plus inquiétant : 58 % seulement des électeurs qui se disent « certains » d’aller voter citent sans se tromper la date du 20 novembre. 21 % de ceux-là savent que le premier tour a lieu en novembre, mais sans pouvoir donner le jour précis et 16 % donnent une réponse postérieure au mois de novembre.
On peut certes dire que plus le scrutin approche et plus l’information sera connue. Mais malgré tout, il ne reste plus beaucoup de jours et le niveau d’approximation est très élevé. « Il y a un risque réel de décalage entre le corps électoral supposé et le corps électoral effectif », prévient ainsi Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol. Précision méthodologique pour cette enquête, l’Ifop a compté dans le bloc des votants « certains » tous ceux qui, sur une échelle de 0 à 10, répondent 9 ou 10 à la question sur leur intention de participer à la primaire. Soit 15 % du corps électoral. Mais par souci d’une plus grande précision, dans les sondages d’intentions de vote proprement dits, l’Ifop, comme Kantar-Sofres, partenaire du Figaro, ou les autres grands instituts ne retiennent que les plus déterminés à voter, à savoir ceux qui répondent par la note 10.
En toute hypothèse, compte tenu de cette méconnaissance relative de la date de la primaire, il peut y avoir un écart fort entre « intention de vote et action de vote », comme le dit Reynié. Autrement dit, la participation réelle à la primaire, généralement évaluée par tous les instituts de sondage, autour de 3 millions d’électeurs pourrait être inférieure aux prévisions sans surcroît.
À QUELLES CONDITIONS VOTER ? DU FLOU SUBSISTE
86 % des électeurs « certains » de la primaire se disent très bien (27 %) ou bien informés (59 %) des règles de ce scrutin inédit pour la droite. Pourtant, lorsqu’on entre dans le détail des modalités, on mesure que cette information est moins précise que les sondés le croient eux-mêmes.
C’est le cas à propos du corps électoral. Deux tiers des Français savent que « toute personne inscrite sur les listes électorales » a le droit de voter à la primaire, un résultat en augmentation de cinq points par rapport à la vague réalisée le mois dernier. Cette proportion passe aux trois quarts (76 %) sur les votants certains. Un quart de ses électeurs pourtant les plus motivés ne connaissent donc pas précisément les contours exacts du corps électoral. 11% de l’ensemble des Français pensent que seuls les adhérents encartés aux Républicains ont le droit de vote, et 10 % qu’il faut être adhèrent d’un des partis de la droite ou du centre (LR, UDI, MoDem, Debout la France ). Ce qui signifie qu’un cinquième environ des électeurs autorisés à voter les 20 et 27 novembre ne le sait pas. Appliquons une simple projection arithmétique avec un même taux de réponses. 10 sur l’échelle de 0 à 10 exprimant un désir maximal de participer au choix du futur candidat de la droite, cela signifie que 500 à 600 000 électeurs manqueront dans les bureaux de vote par simple méconnaissance des règles. C’est énorme. Surtout si ce manque s’ajoute au volume d’électeurs déterminés mais ignorants de la date.
De même, toujours sur le seul échantillon des votants les plus sûrs, un quart croit en la possibilité d’un vote Internet (4 % pensent que le vote se fera exclusivement ainsi, 19 % qu’il pourra se faire « aussi bien dans un bureau de vote que sur Internet »), alors que cette possibilité est réservée aux seuls Français établis hors de France. Là encore, c’est une source de confusion qui pourrait dissuader une fraction non négligeable d’électeurs au moment de passer de l’intention à l’acte de vote. Sans oublier l’ignorance fréquente de l’adresse des bureaux de vote retenus. Un flou plus important que prévu plane donc sur la participation à la primaire. II est cependant impossible d’en tirer des conclusions politiques. Nul n’est en mesure de dire si cette accumulation d’inconnues frappera plus d’électeurs sarkozystes, juppeistes ou lemairistes.
LES 2 EUROS, FREIN AU VOTE?
On constate enfin une part équivalente de méconnaissance quant aux démarches demandées à chaque participant à la primaire. Toujours sur les seuls électeurs certains d’aller voter dimanche, 15% ignorent l’obligation de verser 2 euros, 28 % celle de signer un registre d’émargement, et 18 % celle de ratifier la charte des « valeurs républicaines de la droite et du centre ». Or, quand ces obligations sont rappelées explicitement aux sondés, elles ont un effet dissuasif. Et dans une proportion non négligeable entre 22 et 24 % des électeurs pourtant « certains » à ce jour d’aller voter. Si là encore on projette ce résultat de manière strictement arithmétique, c’est près d’un million d’électeurs qui pourraient finalement renoncer à aller voter. Ce serait énorme. L’ensemble des critères de cette étude prouvent à tout le monde le travail colossal d’information que les organisateurs de la primaire doivent accomplir d’ici à dimanche.
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