Primaire de la droite, le grand doute des sondeurs

Richard Werly | 16 novembre 2016

France. Face aux incertitudes sur la participation électorale au premier tour de La primaire, et après la surprise Donald Trump aux Etats-Unis, la prudence règne dans l’Hexagone.

«Qui seront les électeurs ?» Posée mardi lors d’un débat organisé à Paris par la Fondation de l’innovation politique (Fondapol.tv) sur la primaire de la droite, cette question sera la clé du premier tour, dimanche 20 novembre. Jusque-là, un objectif était affiché par la Haute autorité de la primaire, présidée par l’universitaire Anne Levade et emmenée par le député Les Républicains Thierry Solère : égaler la primaire du PS à l’automne 2011, qui avait vu 2,5 millions de Français se déplacer. Mais à l’approche du premier tour, les deux favoris de la course Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, et leur principal challenger François Fillon, rêvent chacun de ratisser plus large, dans les franges de votants qui leur sont le plus favorables. Il suffira de payer deux euros et de signer une charte de soutien aux valeurs de la droite et de l’alternance «afin de réussir le redressement de la France» pour déposer son bulletin dans les 10 000 bureaux (les Français de l’étranger voteront électroniquement).

Le troisième débat télévisé des primaires, jeudi soir, devrait donc se conclure par leurs appels à la mobilisation: «II ne faut jamais oublier que cet exercice est inédit pour la droite, et très contraire à sa culture du chef , explique Thierry Solère au Temps. Or, comme les électeurs n’ont pas besoin de s’enregistrer, notre visibilité est très limitée.» «La primaire est un objet étrange, non régulier, qui émane des partis, poursuit Dominique Reynié, président de la Fondapol et… ancien candidat (battu) Les Républicains aux régionales. Elle n’est pas inscrite dans les esprits, d’autant qu’elle dépossède le peuple de son droit de choisir. Elle contraint le pouvoir d’élection. Il y a de fortes raisons pour la droite gaulliste de ne pas se sentir à l’aise avec cette modalité, alors que la gauche y est par tradition plus favorable.»

Trois incertitudes

Cette interrogation sur le corps électoral qui décidera du candidat conservateur à la présidentielle de mai 2017 a une autre conséquence : elle trouble le jeu des enquêtes d’opinion, décriées depuis l’élection de Donald Trump. «En clair, nous avons trois incertitudes: nous ne savons pas si nos sondés iront voter, nous ne savons pas quel candidat saura le mieux mobiliser et nous ignorons si les électeurs de gauche et du centre se déplaceront», résume un sondeur de l’institut Sofres, dont la dernière enquête place toujours Alain Juppé (allié aux centristes et perçu comme le plus rassembleur) en tête avec 36% des intentions de vote.

Comment, par exemple, quantifier la remontée de François Fillon, donné possible finaliste hier par Opinionway, et crédité de 20% des voix par Odoxa, soit un bond de 8 points par rapport à la veille du second débat TV, suivi par 2,9 millions de téléspectateurs le 3 novembre : «Fillon a vendu plus de 100.000 exemplaires de son livre Faire et 50.000 de Vaincre le terrorisme islamiste (Ed. Albin Michel). Son meeting de vendredi à Paris affiche complet, explique son porte-parole Jérôme Chartier. Pour nous, cette dynamique vaut tous les sondages.»

«Pas de scénarios écrits d’avance»

Le camp Sarkozy, lui, regarde du côté des Etats-Unis où l’ancien chef de l’Etat avait dépêché des observateurs pour suivre la «campagne de la colère» de Donald Trump. «On voit bien que les électeurs ne veulent pas des scénarios écrits d’avance, juge un de ses porte-parole. Or, qui se comporte déjà comme un président? Qui est déjà couronné par les sondages? Alain Juppé…» Un constat nuancé par le politologue Pascal Perrineau, invité mardi par la Fondapol: «La colère ambiante en France ne change pas grand-chose, juge-t-il, car elle profite surtout au Front national. La question, c’est de savoir si Nicolas Sarkozy est perçu comme le seul capable de briser l’inertie à droite. Or, il a un problème: contrairement au nouveau venu Donald Trump, il a déjà présidé la France. Et il a été battu.»

Plutôt que d’égrener les chiffres – Juppé entre 35 et 39% (toutefois en net recul ces derniers jours), Nicolas Sarkozy entre 28 et 31% et François Fillon entre 17 et 20% (un seul sondage le donne finaliste) – les instituts de sondage hexagonaux insistent sur les tendances. «Juppé continue de faire la course très nettement en tête et l’on voit que la campagne de Fillon a bien fonctionné, note Pascal Perrineau. Tandis que tous les autres candidats (Le Maire, Copé, Kosciusko-Morizet, Poisson) sont loin derrière.» Autre aspect: selon l’institut IFOP, les Français «certains» d’aller voter (environ 20% des sondés, surtout recrutés parmi les sympathisants des Républicains), se trouvent en majorité dans la France urbaine de province. Ils mettent en avant la lutte contre l’insécurité, les migrants, la délinquance, l’islam, les questions d’identité, tout en plaidant pour plus de libertés économiques. Soit l’approche de… François Fillon.

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