
Les propositions de la Fondation pour l'innovation politique au Grand Débat National
Fondapol | 18 mars 2019
La Fondation pour l’innovation politique souhaite apporter, à travers son Conseil scientifique, présidé par Christophe de Voogd, sa contribution au Grand Débat National. Classée premier think tank politique français selon l’index de l’université de Pennsylvanie, elle se doit à l’évidence de participer à cette délibération collective sur des enjeux décisifs qu’elle a abordés à travers ses notes et ses enquêtes, tant sous l’angle de l’expertise que des propositions.
C’est dans ce contexte et dans cet esprit que nous avançons les propositions suivantes répondant de façon transversale et cumulative aux différentes préoccupations exprimées dans la crise actuelle et à travers les Grand débat national. Elles visent toutes à retisser le lien démocratique et à faire valoir davantage les transformations réelles du pays, insuffisamment perçues, comme ses atouts insuffisamment mis en valeur : il y va de la confiance dans l’action publique et plus encore des Français en eux-mêmes, qui font montre, dans tous les sondages et enquêtes, d’un « franco-pessimisme » excessif et contre-productif.
Proposition 1 – Pour une évaluation démocratique des politiques publiques
Le constat :
La complexité du processus de la décision publique, l’abondance des bonnes résolutions peu suivies d’effet (à l’image, par exemple, de la « simplification administrative » promise de quinquennat en quinquennat), le retard persistant des décrets d’application de la loi ou le très partiel des recommandations de la Cour des comptes contribuent fortement à la perte de confiance des citoyens dans l’État. Mais, de plus, l’absence totale de ces mêmes citoyens dans les processus de décision aggrave cette crise de confiance. Il est ainsi à noter que la Cour des comptes, en avril 2018, a publié un rapport d’évaluation de la politique en faveur des énergies renouvelables, rapport très critique au demeurant mais qui validait les hausses programmées de la taxe carbone, fondant son analyse sur la décroissance prévue des prix des énergies fossiles. La confrontation du point de vue de la Cour avec un comité de citoyens aurait été des plus utiles, à en juger par la révolte fiscale qui allait éclater six mois plus tard sur ce sujet précis.
La Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui a valeur constitutionnelle, prévoit au demeurant que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » (art. 14) et que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (art. 15).
Il est de plus indispensable, en même temps que son contrôle, de renforcer la visibilité de l’action publique et de ses résultats pour que l’enjeu de la transformation soit enfin perçu et cru.
Les propositions :
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Évaluation systématique de la prestation des administrations, des autorités indépendantes, des comités, des associations subventionnées et des politiques publiques par la Cour des comptes, assistée d’un conseil de citoyens tirés au sort. Les recommandations finales seront contraignantes. Le Parlement sera chargé, à travers ses commissions spécialisées, du suivi de ces recommandations dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale.
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Suivi annuel par la Commission nationale du débat public, assistée également d’un conseil citoyen tiré au sort, des mesures décidées à l’issue du Grand Débat.
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Communication de chaque ministre, chaque année, au Parlement sur quelques indicateurs qualité pour son administration.
Proposition 2 – Pour une justice digne d’un véritable État de droit
Le constat :
La justice en France souffre de graves faiblesses par rapport à nos voisins d’Europe occidentale et, plus profondément, par rapport aux exigences d’un État de droit accompli. Simple « autorité » (et non « pouvoir ») aux termes mêmes de la Constitution, son médiocre financement est l’un des signes le plus inquiétants de la dérive d’un État qui a délaissé ses fonctions régaliennes au profit de ses missions sociales (sur 1 000 euros de dépenses publiques, seuls 4 euros vont à la justice). Son fonctionnement reste opaque aux yeux de la plupart de nos concitoyens, qui s’alarment des délais de jugement, du coût des procédures en dépit d’une gratuité proclamée, voire de l’indépendance et/ou de l’impartialité des jugements rendus.
De ce fait, la confiance dans l’institution judiciaire est l’une des plus faibles parmi les grandes démocraties et elle est en déclin : 45 % des Français affirment ne pas avoir confiance dans leur justice, soit 8 points de plus qu’en 2008.
Or les réformes successives de la justice en France ont été aussi nombreuses qu’inefficaces pour remédier à ses deux principaux problèmes : son financement insuffisant et une confiance populaire défaillante. Une toute récente loi, adoptée en février 2019, bien que marquant un net progrès au niveau des moyens et de la simplification des procédures, ne résout toujours pas le problème de l’indépendance du Parquet, explicitement écartée par le gouvernement. Votée par seulement trente et un députés, signe supplémentaire du désintérêt politique qui règne sur le sujet, elle reste de plus soumise aux aléas budgétaires, qui ont eu raison des meilleures intentions en d’autres matières (défense, transition énergétique…), et à la censure, au moins partielle, du Conseil constitutionnel.
Les propositions :
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Hausse des crédits budgétaires pour parvenir dans un délai de cinq ans à la moyenne des grandes démocraties pour les dépenses judiciaires par habitant.
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Définition constitutionnelle de la justice comme « pouvoir judiciaire ».
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Nouvelle réforme du Conseil de la magistrature, commencée en 2008 : introduction de cinq citoyens tirés au sort siégeant dans les trois formations du Conseil.
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Indépendance du Parquet par rupture du lien hiérarchique avec le garde des Sceaux (qui conserve la détermination de la politique pénale) et nomination des procureurs par un Conseil de la magistrature réformé.
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Élargissement du recours en récusation d’un magistrat aux cas d’engagement politique ou syndical de nature à fausser leur impartialité à l’égard du justiciable (article 668 du code de procédure pénale).
Proposition 3 – Rapprocher l’action publique des citoyens : services publics de proximité et organisation territoriale
Le constat :
Une des raisons initiales du mouvement des Gilets jaunes provenait de la disparition des services publics ou privatisés des villes moyennes, des communes et des zones rurales : écoles, hôpitaux, lignes ferroviaires, postes, tribunaux, centres des impôts, couverture électronique… La fracture sanitaire apparaît d’ailleurs parmi les priorités des débats organisés partout en France.
Dans le même temps, le mille-feuille administratif est l’objet de critiques générales. Il n’apporte pas de réponses aux demandes de services de proximité, il accroît l’absence de visibilité, il est source de lourdeurs administratives et il est coûteux. La création des grandes régions et des communautés de communes n’a rien résolu, elle a même augmenté la confusion et n’a pas produit les économies d’échelle attendues. Mais les grandes régions ont redonné une forme de légitimité aux départements, à la fois par leur enracinement historique et leur proximité. Comme il ne paraît pas possible (ni souhaitable) de revenir en arrière, il faut trouver d’autres propositions conciliant la simplification des échelons administratifs, la proximité et les économies budgétaires.
Les propositions :
- Organisation territoriale
La proposition consiste à distinguer, d’une part, les instances de décision et de pouvoir, et, d’autre part, l’implantation des services. Pour chaque mission – transports, éducation, santé, action sociale, aménagement du territoire, développement économique, agriculture, culture, état civil… –, on procédera à une identification des politiques adéquates au territoire considéré et de leur mise en œuvre. La définition des politiques générales dépend des échelons centraux. Les mises en œuvre exigeant des relations avec les usagers seront traitées par les échelons de proximité. Les trois objectifs visés sont : lisibilité, simplification, économie.
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Fusion des communes et des communautés de communes, fusion des départements et des régions en tant qu’instances administratives (impôts et budgets décidés et votés aux échelons regroupés).
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Transformation des services municipaux en antennes de proximité des communautés de communes.
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Transformation des services départementaux en antennes de proximité des régions.
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Identification des actions relevant des échelons de proximité et de celles relevant des échelons regroupés.
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Cette identification devrait faire l’objet de concertation avec les citoyens. Ce serait un bon sujet de débats citoyens. De tels débats répondraient à l’attente de participation et de proximité restée jusqu’ici sans réponse.
- Les services de proximité
Les services de proximité ne peuvent être traités de façon unique. Certains dépendent directement de l’État (justice, hôpitaux, impôts…), d’autres de partenariats entre les régions et entreprises (lignes ferroviaires, par exemple), de stratégies d’entreprises privées, comme pour Internet, ou de décisions individuelles, comme pour les médecins libéraux. De plus, les conditions d’exercice des métiers peuvent justifier des regroupements, par exemple de spécialités médicales. D’une façon générale, il faut rappeler que l’analyse économique ne peut se limiter aux coûts directs calculés par usager mais doit intégrer les stratégies d’aménagement du territoire. Ces surcoûts sont couverts par des économies concernant des dépenses improductives, notamment dans les centres-villes. De plus, la perspective de long terme est essentielle : elle conditionne des décisions d’implantation d’entreprises et des logements pour les particuliers.
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Engagement de l’État et des collectivités, au terme du Grand Débat, à reconstituer le maillage territorial de la France.
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Définition des stratégies de localisation des services de proximité à l’échelon régional, en partant des conditions d’accès par les transports publics et/ ou l’électronique.
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Les politiques régionales des transports, des voies ferrées ou des dessertes par cars sont définies en cohérence avec la localisation des services publics.
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Aucune fermeture de service public ne peut être décidée dans des territoires où les conditions d’accès ne sont pas garanties.
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L’accès aux services publics est formalisé dans la loi (sur le modèle du RSA) en précisant les responsabilités partagées de l’État, des Régions et des prestataires lorsqu’il y en a. Les surcoûts entraînés pas des services publics dans des régions à faible densité font l’objet d’un engagement législatif de l’État à l’égard des Régions. Ils sont formalisés dans les différents accords contractuels entre les acteurs.
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Pour les lignes ferroviaires, l’État, les Régions et la SNCF doivent s’engager à leur maintien. Mais cela ne suffit pas : ils doivent aussi garantir des fréquences indispensables pour les différents types de publics, avec une fiabilité à 100 % et la confiance dans leur maintien.
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Dans le cas de services privés comme le téléphone et Internet, les engagements des prestataires peuvent être précisés dans leur cahier des charges. L’exécution peut être vérifiée. Les prestataires ne doivent pas demander de couverture de surcoûts qu’ils peuvent financer sur leurs résultats.
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Il reste le cas des médecins généralistes, dont l’implantation ne peut être obtenue que par des mesures incitatives.
Proposition 4 – Pour une révolution fiscale par la liberté : l’impôt volontaire
Le constat :
La résistance à l’impôt est un phénomène bien connu dans notre pays, traversé depuis l’Ancien Régime par des révoltes fiscales à répétition. La crise actuelle des Gilets jaunes, née du refus d’une hausse des taxes sur les carburants, en est une illustration paroxystique. De façon générale, l’État prend aux contribuables sans explication suffisante. L’État-providence, tel qu’il s’est développé au xxe siècle, s’est substitué aux solidarités traditionnelles (communautés locales, Églises, syndicats…). Désormais, c’est vers lui que se tournent les citoyens. La mutualisation des dépenses à travers l’État a conduit à une baisse de la solidarité : pourquoi donner, quand on paie déjà pour que l’État assume cette responsabilité ? Selon le philosophe allemand Peter Sloterdijk, « le lien social s’érode lorsqu’on rabaisse les prestations des personnes fiscalement actives au niveau d’un automatisme contraint ». L’impôt volontaire permettrait au contraire de valoriser la générosité, de montrer l’importance qu’il y a, dans la cité, à se préoccuper de ses concitoyens.
De plus, la fiscalité est envisagée uniquement sous l’angle de l’égalité, comme un instrument au service de la redistribution. Elle est aussi pensée sous l’angle de la contrainte. La relation fiscale est unilatérale et descendante. Enfin, elle s’exprime sur le mode de l’injonction de payer (à un niveau qui peut d’ailleurs devenir confiscatoire).
La proposition :
L’impôt volontaire laisserait les citoyens déterminer une partie de leur contribution et son affectation. Il favoriserait la confiance entre les contribuables et l’administration fiscale, celle-ci n’ayant plus (ou moins) pour fonction de contrôler leurs vies.
En pratique, il est possible d’envisager plusieurs déclinaisons de l’impôt volontaire : liberté totale ou fléchage de la contribution, par exemple. Une déclinaison, la plus souhaitable sans doute, combinerait bouclier fiscal et impôt volontaire. Elle prévoirait que les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent dépasser, par exemple, 50 % de ses revenus. Dans le même temps serait créée une contribution volontaire doublée d’un fléchage. Techniquement, cette solution ne semble pas insurmontable : le bouclier existait hier, il peut être rétabli demain. Il suffit d’y inclure le financement volontaire. Cette disposition, qui existe aux États-Unis, pourrait être prévue dès la prochaine loi de finances.
Au total, l’impôt volontaire permettrait de répondre de façon transversale aux demandes diverses exprimées par la société française ainsi qu’aux thèmes du Grand Débat : il renforcerait la dimension participative de la fiscalité, revaloriserait la culture du don, c’est-à-dire l’expression d’une solidarité consciente et volontaire. Il permettrait enfin de penser la fiscalité sous l’angle de la liberté.
Proposition 5 – Pour une administration plus proche et plus efficace : un conseiller personnel dans chaque service public
Le constat :
La crise actuelle a bien mis en évidence le fossé croissant entre les citoyens et l’État. Illisibilité de l’action publique, maquis administratif, prolifération des normes et défaut de considération élémentaire sont autant de maux dénoncés tant dans les « cahiers de doléances » que sur les réseaux sociaux.
Afin de remédier, au moins partiellement, à tous ces maux, la personnalisation de la relation entre agents publics et citoyens offre une clé simple et ouvrant de vastes perspectives. Aujourd’hui, en effet, tout le monde se perd dans le dédale des procédures et des formulaires, qui se double de l’enfer des mots de passe pour accéder à la myriade des sites officiels. Certes, les pouvoirs publics investissent, se remettent en question et s’améliorent. Mais la dématérialisation peut aussi aller de pair de la déshumanisation. Des expériences sectorielles sont déjà menées pour enrayer ce processus. Dans le jargon administratif, ce conseiller personnel s’appelle « référent unique ». Ainsi pour les allocataires du RSA : un référent unique est théoriquement désigné pour les accompagner dans le dispositif et vers sa sortie, lors du retour à meilleure fortune.
Sur un plan plus général, dans la loi votée en 2018 sur « un État au service d’une société de confiance », il est prévu d’aller « vers une administration de conseil et de service », avec « une administration qui dialogue ». Et le législateur de prévoir l’institution d’un « référent unique à même de faire traiter des demandes qui lui sont adressées pour l’ensemble des services concernés ». Un récent décret fait la liste des administrations potentiellement concernées et possibles candidates à l’expérimentation. Car il ne s’agit pour le moment que de cela, et sans grande précision. Par ailleurs, même si là aussi des efforts sont entrepris, la qualité de l’accueil ne correspond pas toujours au minimum qui peut être attendu.
La proposition :
Pour progresser dans toutes ces voies, une orientation s’impose donc : la personnalisation intégrale et systématique du service public. Un peu à la manière des banques et assurances (quand elles aussi ne versent pas dans la bureaucratie numérique), il s’agirait de disposer d’un conseiller personnel, précisément en charge de votre dossier. Concrètement, pour les contacts avec les impôts, la CAF, l’Assurance maladie, bref, pour toutes les agences fonctionnant sur des prélèvements obligatoires, un agent serait nommément désigné. Responsable d’un portefeuille de dossiers individuels, il serait joignable sur un numéro de téléphone – aux heures de bureau, naturellement – et une adresse électronique parfaitement identifiés. À charge pour lui de résoudre vos problèmes, en orientant, le cas échéant, vers un agent plus spécialisé. Mais c’est vers lui que convergeraient les demandes individuelles. De cette personnalisation systématique ressortirait une refonte radicale, car concrète et quotidienne, de l’État et de ses relations avec le citoyen. Il est donc essentiel de ne pas en rester à l’expérimentation, mais de passer directement à la généralisation du dispositif.
Proposition 6 – Services collectifs et prestations sociales : pour une « contribution à l’utilité sociale »
Le constat :
Tous les partis de gouvernement se sont inscrits peu ou prou dans le paradigme de l’État-providence. Aujourd’hui, ils subissent tous les conséquences de son effondrement. La démographie, la globalisation et le niveau de l’endettement public conduisent à penser qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Il est donc vain de chercher à restaurer l’État-providence sous sa forme classique. Sa soutenabilité dépendait de conditions qui n’existent plus. Il faut, au contraire, proposer un nouveau cadre politique afin de rendre compte de la réalité du possible et d’œuvrer ainsi au retour de la confiance vis-à-vis des partis de gouvernement. Conditionné durablement par la crise de la dette, le modèle qui se met d’ores et déjà en place sous nos yeux reposera sur une logique de distribution moins automatique et universelle que conditionnelle et ciblée. Les populistes proposent de réserver les prestations sociales aux « nationaux », mais il est possible de récuser une telle approche en lui opposant l’idée d’une meilleure évaluation des bénéficiaires des politiques sociales, ceci afin de répondre à l’impératif de préservation de la solidarité collective menacée par la crise des ressources financières et par la gestion souvent inéquitable des prestations sociales.
La proposition :
La vision développée par la Fondation pour l’innovation politique depuis 2011, serait d’assurer à chacun le niveau de vie minimum en dessous duquel il est admis qu’on ne peut ni vivre dignement, ni trouver la force et les moyens permettant de surmonter un revers imposé par l’existence. La définition d’une vie digne dépend de critères matériels, que sont le logement, le revenu et la santé, mais aussi de critères immatériels comme l’éducation. Elle doit aussi intégrer la prise en charge d’une fonction d’intérêt collectif ou ce que l’on propose de nommer « contribution à l’utilité sociale ». Cette notion désigne l’obligation faite à chaque individu de rendre à la société un service d’intérêt général, autant qu’il est possible, en contrepartie de la solidarité dont il bénéficie. Ainsi, les personnes à la recherche d’un emploi devraient consacrer deux demi-journées par semaine au service de la communauté afin de prendre en charge l’une de ces fonctions d’intérêt collectif (accompagnement de personnes âgées, encadrement d’un soutien scolaire, entretien d’infrastructures, surveillance de site, etc.). Cette contrepartie immédiate serait obligatoire, sauf cas particulier, afin de satisfaire au principe de réciprocité sans lequel il ne peut y avoir de vraie solidarité.
Proposition 7 – Répondre à la fracture numérique et générationnelle : pour l’apprentissage intergénérationnel d’Internet
Le constat :
Un adulte sur cinq n’a pas accès ou ne sait pas utiliser un ordinateur ou un smartphone. Ces personnes qui n’ont pas accès à Internet voient progressivement leur place dans la société s’estomper derrière un mur d’écrans informatiques. Car Internet représente, pour les familles modestes, à la fois un moyen d’ouverture sur le monde et de nouvelles manières de vivre sur le territoire local. Sans parler de l’obligation de se connecter pour obtenir des documents administratifs, la carte grise par exemple depuis novembre 2017. Le plus souvent, ce manque de maîtrise trouve son origine dans l’âge, ce qui accentue encore davantage le poids social et la stigmatisation liée à cet âge.
L’enjeu de la formation et de l’accompagnement de ces personnes est fondamental. Les ressources existantes dans ce domaine sont soit inconnues, soit mal exploitées. Constatant que 18 % des adultes en France n’utilisent jamais d’outils numériques ou se retrouvent bloqués en cas de difficulté, le Baromètre numérique 2018 décrit ainsi la situation : « Le recours à des structures spécialisées en cas de difficultés est extrêmement rare (1 %), alors même que les enquêtes connaissent dans certains cas, près de chez eux, de tels lieux ressources comme les cyber bases (12 %), les maisons de service au public (14 %) ou les EPN (22 %). Enfin, 63 % des personnes de 18 ans et plus connaissent, près de chez elles, une médiathèque. Parmi les personnes qui se disent prêtes à se former, une proportion non négligeable n’a pas connaissance, dans son entourage, de lieux où de telles formations pourraient être dispensées (26 % de ceux qui envisagent une petite formation gratuite, 30 % pour ceux qui évoquent une formation un peu plus complète). »
Avant même le problème de l’accès aux connaissances numériques persiste le problème de l’accès au réseau. La géopolitique de la France fait apparaître des régions privées de haut débit. Un article récent du Monde relevait ainsi que 15 % de la population n’avait pas accès à un Internet de qualité, notamment dans les campagnes du nord-est de l’Hexagone.
La proposition :
Celle-ci répond à deux objectifs bien identifiés dans la crise actuelle :
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Un objectif de considération, en s’adressant aux personnes concernées pour reconnaître de manière solennelle le problème de leurs difficultés/impossibilités de participation à certaines activités sociales et citoyennes ;
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Un objectif de participation, en consolidant les dispositifs de formation à Internet par le moyen d’échanges intergénérationnels.
La mesure pourrait sur le plan pratique, prendre deux formes :
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Le stage obligatoire de classe de troisième pourrait consister en des transferts de savoirs informatiques entre les élèves et des habitants de leur commune souhaitant une formation. Les modalités pourraient être prises en charge par les communes ;
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Les expériences associatives sur ce thème pourraient être davantage valorisées dans le parcours scolaire des élèves des collèges et lycées (à l’image de ce qui se fait aux États-Unis), en particuliers pour les cursus à majeure numérique. Les modalités pourraient être prises en charge par les lycées et les régions.
Proposition 8 – Pour une fiscalité écologique neutre
Le constat :
Face à l’inefficacité croissante de l’État-providence et à la révolte fiscale que constitue le mouvement des Gilets jaunes, la mère des batailles est la baisse de la dépense publique et de la dépense sociale. La démocratie est née du consentement à l’impôt, toute révolte fiscale manifeste donc une crise de la démocratie.
Certaines taxes relevant de la fiscalité écologique sont d’un genre nouveau : elles ne visent pas prioritairement à créer une nouvelle ressource pour financer les besoins publics mais à dissuader certains comportements : tel est le cas, par exemple, des péages urbains ou de la taxe carbone. La première chose à faire est de refuser le politiquement correct et les postures idéologiques, et de regarder les faits. La production électrique française est déjà presque totalement décarbonée : est-il utile d’augmenter la taxe carbone ? De même, les énergies renouvelables sont financées par la contribution au service publique de l’électricité (CSPE), taxe qui pèse sur les ménages puisqu’elle est acquittée par la facture d’électricité et qui, jusqu’à 2015, échappait à tout contrôle et toute approbation du Parlement ; son montant annuel atteint désormais à peu près un montant de l’ordre de 100 euros par Français : est-ce bien raisonnable, alors que cette taxe est sans effet sur le changement climatique puisque la production électrique est, dans notre pays, décarbonée grâce au nucléaire ?
Or, pour rétablir le consentement à l’impôt, il ne s’agit pas seulement de dépenser moins mais aussi de dépenser mieux. Par ailleurs, on ne peut pas abandonner purement et simplement l’outil fiscal en tant que signal donné aux opérateurs économiques. En l’occurrence, la taxe carbone doit viser en priorité à diminuer les émissions de CO2 dans le transport automobile qui reste quasi totalement dépendant des énergies fossiles.
Les propositions :
Pour concilier les objectifs de baisse globale de la fiscalité et de sa meilleure efficacité, deux pistes pourraient être explorées :
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Utiliser la voie des comptes d’affectation spéciale qui permet de contourner la règle d’universalité budgétaire en affectant une ressource fiscale à une dépense précise, et plus précisément en affectant en tout ou partie certains impôts à aider les gens qui pâtissent de la taxe : ainsi la taxe carbone, si on tient absolument à la maintenir, voire à l’augmenter, devrait-elle être totalement affectée à la transition écologique. Dans ce cadre, son produit serait partiellement affecté à des subventions à la mobilité des ruraux qui, contrairement aux habitants des grandes villes, doivent absolument se servir de leur voiture. L’exemple de la création de la vignette, affectée à l’origine à la retraite des personnes âgées montre que c’est là un puissant instrument d’acceptabilité de l’impôt mais qui permet aussi de prévenir le détournement d’une taxe de son objectif initial ;
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Graver de façon solennelle par une loi organique le principe de la neutralité de la fiscalité écologique : selon ce principe, toute création d’une taxe nouvelle ou toute augmentation d’une taxe existante devrait avoir comme contrepartie la baisse ou la suppression d’un autre impôt.
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