Critique de la note de Dominique Schnapper sur nonfiction.fr

Pierre-Henri Ortiz | 27 juin 2011

Nonfiction.fr a publié une critique sur la note de Dominique Schnapper, L’Engagement.

Dominique Schnapper est inflexible : une société démocratique saine ne peut faire l’économie du sens de l’engagement. Car le risque est grand « que l’individu démocratique, soucieux de ne pas voir borner ses conduites, finisse paradoxalement par se conduire comme le « grand seigneur » dans les gouvernements « despotiques » qui, selon Montesquieu, « n’était point obligé de tenir sa parole ou son serment lorsqu’il bornait par là son autorité »  .»

Pour la sociologue et ancienne membre du Conseil constitutionnel, « la transformation du sens du mariage et la diffusion du Pacs sont une illustration de (ce) risque de dérive  de la société démocratique, celui de passer de l’autonomie des individus-citoyens à l’indépendance des individus, oublieux de la dépendance qu’implique tout véritable échange avec l’Autre, oublieux de l’ensemble des contraintes de l’ordre collectif légitime qu’organise la démocratie « réglée » ».

Un rappel des origines chrétiennes de la spiritualité du mariage – oublieux, lui, du phénomène de christianisation d’une pratique lui ayant préexisté   – et de son intégration à la société toujours organique du XIXe siècle laïcisé souligne la tendance à l’individualisation de la société démocratique dont le Pacs ne serait que le signe. Reprenant les conclusions de Jean-François de Montgolfier  , Dominique Schnapper remarque en effet que ce serait désormais celui-ci qui servirait de modèle au mariage, lui imprimant sa marque de contrat purement interindividuel, relevant de la seule sphère privée, et fondé en principe sur « l’authenticité (des) sentiments du moment. » Fondamentalement, cette évolution serait donc symptomatique d’une certaine évacuation de la transcendance, laquelle seule pourrait présider à l’inscription de tout lien dans la durée, c’est-à-dire à toute forme d’ « engagement ».

Tel est donc l’enjeu : la transcendance, dans une « société autonome, dont la légitimité ne repose plus sur une transcendance politique ou religieuse, mais sur la volonté de l’ensemble des citoyens organisés en une « communauté des citoyens » qui est à la source de la légitimité politique. » Or, pour reprendre les catégories d’Alain Renaut  , si la « société autonome » se fixe elle-même ses règles, « l’indépendance » nierait la société, l’absence de toute règle sur soi-même serait une nouvelle forme de despotisme : uniquement soucieux « de valoriser son moi », « l’individu démocratique » qui cèderait à la tentation de l’indépendance « risquerait alors de perdre tout sentiment d’obligation à l’égard des autres et de négliger radicalement le destin collectif » aussi bien que la loi et les institutions qui structurent et donnent un sens à la vie sociale tout en protégeant les plus faibles.

Faisant le constat des risques que feraient peser la « démocratie « extrême » » et sa métaphysique du plaisir immédiat sur nos sociétés, ce texte mobilisateur et saisissant sur L’engagement publié par la Fondation pour l’innovation politique pourrait sembler en appeler à la promulgation d’une loi sur la transcendance, le destin collectif et la préservation du lien social. Dominique Schnapper se garde de le proposer, rejoignant peut-être finalement son lecteur dubitatif devant l’appartenance d’un tel sujet – aussi stimulant soit-il – au champ politique.

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