Espace Social Européen : Contre la mendicité avec des enfants par Julien Damon

Anne Parian | 22 avril 2014

Interview parue dans l’Espace social européen, le 18 avril 2014.

Professeur associé à Sciences-Po Julien Damon est l’auteur d’un petit fascicule pour la Fondation pour l’innovation politique, dans lequel il fait des propositions pour faire cesser la mendicité avec des enfants. Il dit y répondre prioritairement à la question de tout citoyen confronté à ces situations et en quête d’une action adaptée.

Quelles sont vos propositions pour faire cesser la mendicité avec enfants ?

La première est très simple et part du constant que la plupart des gens qui voient, croisent, côtoient des enfants mendiants sont désemparés et ne savent pas quoi faire. La première chose est d’appeler la police, car c’est interdit de mendier avec des enfants. Mais elle n’intervient pas toujours. C’est pourquoi je propose qu’Allô enfance maltraitée fonctionne désormais par application smartphone pour faire des signalements sur Internet, simultanément aux services sociaux et à la police, en prenant même des photos, et que I’on soit tenu au courant des suites.

Deuxièmement, je pense qu’il serait extrêmement judicieux au regard de cette situation de l’ensemble des rues des grandes métropoles de produire une circulaire à l’attention des parquets et des préfets pour rappeler l’ensemble des dispositions, qui sont copieuses, pour punir les adultes qui exploitent des enfants et protéger les enfants ainsi exploités.

La troisième est qu’il y ait un placement plus systématique. II y a des revirements de jurisprudence a attendre car, en 2005, la cour de cassation a estimé qu’il n’y avait pas forcément mise en danger de petits enfants accompagnant des parents qui mendient. Or, je pense que l’on doit pouvoir désigner de fait, comme mauvais traitement, l e fait de se trouver à mendier avec des enfants.

D’ailleurs le tribunal correctionnel de Paris a condamné deux parents il y a deux ou trois semaines, et leurs deux jumeaux de moins de trois ans ont été placés. Les enfants ne mendiaient pas mais étaient mis en avant pour solliciter la commisération des passants.

La difficulté est sans doute d’identifier les situations dans lesquelles des enfants accompagnant leurs parents et celles dans lesquelles ils sont exploités par eux ou d’autres adultes ?

C’est aux services sociaux de qualifier la situation de l’enfant et, le cas échéant, de le présenter au juge pour qu’il prenne la décision d’établir une assistance auprès des parents ou d’aller jusqu’au placement. C’est au juge de le faire, mais il ne le peut qu’avec des textes et une jurisprudence qui le lui permettent. Je trouve la jurisprudence sur laquelle on s’appuie aujourd’hui trop tolérante à l’égard de l’exploitation de ces enfants. Ce n’est pas un problème de relations intrafamiliale s mais un problème de trafic organisé d’enfants, et nous sommes trop bienveillants. Donc j e suis pour le placement le plus systématique possible, sachant que c’est au juge des enfants de se prononcer. L’aide sociale à l’enfance devrait, en outre, pouvoir prioriser ces situations là.

Votre quatrième proposition concerne le traitement de ces situations au niveau européen, notamment en créant une agence dédiée à la coopération intracommunautaire…

Ce sujet ne peut être géré qu’à deux échelles : celle des villes et celle de l’Union européenne. Plus l’aide sociale française sera généreuse, plus les autres pays se déchargeront sur elle de ces questions. Il faut donc que la commission européenne leur impose de faire au moins un petit peu en matière de droit d’asile, de droit d’hébergement, d’obligation de scolarisation. Soit on ferme les frontières, soit c’est aux institutions européenne de traiter ce dossier. Une agence spécialisée sur cette affaire de très grande pauvreté et d’errance serait fondamental pour, techniquement, repartir et suivre la répartition des fonds de la politique européenne et traiter le cas des ressortissants de certains pays qui se trouvent en errance dans un autre Etat membre. II faudrait condamner les Etats qui ne font aucun effort, voire qui font l’inverse, comme en Hongrie.

Propos recueillis par Anne Parian

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