Matteo Salvini : un (autre) populiste à la conquête de l'Italie
Rémi Velez | 12 février 2015
Matteo Salvini : un populiste comme les autres
Par Rémi Velez
Après la crise des subprimes et à la différence d’une grande partie de l’Europe, l’Italie semblait épargnée par la montée de l’extrême-droite, elle ne déroge désormais plus à la règle. Depuis que Matteo Salvini a pris la tête de la Ligue du Nord en décembre 2013, l’ancien parti sécessionniste a décuplé ses perspectives électorales et est redevenu aussi populaire qu’il l’était au cours des années 1990. Il avait accompagné à l’époque le succès de Silvio Berlusconi. Le quadragénaire est aujourd’hui la seconde personnalité politique préférée des Italiens et les sondages classent le parti europhobe et xénophobe au même niveau que Forza Italia de Berlusconi (13 à 14%).
Un renouveau idéologique qui copie Marine Le Pen
Avant Matteo Salvini, le parti d’Umberto Bossi, crée en 1989, périclitait et récoltait seulement 3% d’intentions de vote. Il s’est effondré en deux temps. D’abords en 2011 avec le départ de Berlusconi, son ancien allié, puis en 2013 à cause du scandale de corruption entourant la famille Bossi. Lorsque Matteo Salvini a été nommé secrétaire général, un élan semblable à celui imposé par Matteo Renzi au Parti Démocrate a réveillé la Lega Nord. L ’« autre Matteo » a imposé au vieux parti autonomiste et ultralibéral un renouvellement idéologique copié sur le nouveau programme du Front National de Marine Le Pen. L’argumentaire régionaliste, en faveur d’une indépendance des provinces italiennes du Nord ou du moins de leur indépendance fiscale, a été mis de côté au profit d’un discours plus large s’opposant à l’Union Européenne, et en particulier à l’euro, à l’Islam, aux politiques d’austérité instaurées par l’ancien gouvernement de Mario Monti et aux technocrates de l’administration italienne. Vêtu de simples T-shirt, souvent décorés des slogans du parti, le jeune milanais est parti très tôt faire campagne à Rome et au Sud de l’Italie pour récupérer les électeurs déçus par le centre-droit et le Mouvement 5 Étoiles de Beppe Grillo. Autrefois accusés d’être au mieux des assistés, au pire complices de la mafia, les électeurs du Mezzogiorno sont aujourd’hui très courtisés par la Ligue du Nord. Leur nouveau chef s’y déplace régulièrement pour faire son mea culpa à propos de ses anciennes déclarations contre les Italiens du Sud.
Ligue du Nord – affiche de campagne (février 2015)
« Je suis fier d’être populiste ! »
Au congrès du FN de décembre dernier à Lyon auquel il était invité, Matteo Salvini s’écria dès les premières minutes de son discours : « Vive les populistes en Europe! Je suis fier d’être populiste! ». À la manière de Marine Le Pen qui assume tout à fait d’être « national-populiste », il se proclame volontiers populiste pour mieux se démarquer du reste du personnel politique. Avant lui, le comique Beppe Grillo et sa formation citoyenne M5S ont banalisé ce terme dans la sphère politique italienne. Dans un pays où le professionnalisme politique et la connivence entre l’État et le crime organisé atteignent des niveaux inégalés dans l’Union européenne, l’antiélitisme fait mouche chez des électeurs désabusés par la succession des scandales de corruption (Expo 2015 à Milan en mai 2014, puis Mafia Capitale à Rome en décembre). Le rejet de la technocratie accompagne celui de la fiscalité : le parti d’extrême-droite prévoit d’organiser tous les 14 novembre une journée de grève fiscale; une initiative poujadiste voulu expressément par Salvini. À la différence de son alter ego français, la Ligue du Nord a conservé des idées très libérales et propose un impôt sur le revenu unique de 20%. Mais les dépenses publiques italiennes s’élèvent à 50,8% du PIB. Un tel abaissement de l’imposition des ménages est inenvisageable sans un affaiblissement drastique de l’État-providence que Matteo Salvini promet de défendre. En Italie, comme ailleurs en Europe, les nouveaux populistes de droite sont peu soucieux de proposer des politiques cohérentes.
Un nouveau projet pour rassembler la droite
L’idée du quadragénaire est de détrôner Silvio Berlusconi comme candidat de la droite aux élections générales. Sans rien cacher il a l’intention de lancer une OPA sur le centre-droit, affaibli par le soutien au gouvernement Renzi et la guerre des chefs entre le Cavaliere et ses dauphins. Il le dit et le répète : « Je vais prendre le centre-droit pour reconstruire l’Italie ». Son programme est clair : moins de prélèvements fiscaux ; moins d’immigration et de mosquées ; tout refuser à l’Union européenne. Son premier objectif est la mairie de Milan en 2016. Pour cela, il a besoin de rassembler toute la droite, plus que jamais divisée. Dès lors il se présente volontiers comme le principal opposant de Matteo Renzi et propose un « nouveau projet culturel » pour la famille, l’identité traditionnelle italienne et ses origines chrétiennes ; un programme qui est contre l’entente avec la gauche et sa bienveillance envers les immigrés clandestins. Il accord aussi une grande place à la question de la souveraineté, politique et monétaire, grâce à laquelle il espère renverser la dichotomie droite-gauche au profit d’un clivage entre pro et anti européen, afin d’attirer auprès de lui les électeurs indépendants qui avaient été séduits par Beppe Grillo. Sa stratégie semble réussir : en décembre dernier Roberto Calderoli, vice-président du Sénat, déclara que Matteo Salvini était le leader du centre-droit « nei fatti » [NDLR : « dans les faits »], peu après qu’une enquête eut montré qu’un vingtième des anciens électeurs du M5S soutenait désormais la Lega.
Rémi velez est étudiant, stagiaire à la Fondation pour l’innovation politique.
Crédit photo : Matteo Salvini et affiche de campagne Ligue du Nord
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