Vieillissement de la population en France : les défis à relever pour le bien-être des personnes âgées
22 novembre 2017
Cet article est le premier d’une série dont l’objectif est de proposer une nouvelle approche qui donne aux individus les moyens de faire un choix plus rationnel face à la perte d’autonomie liée au vieillissement, et la nécessité de trouver une solution d’hébergement adaptée. Ce choix s’effectue généralement entre 2 options : rester à domicile ou rejoindre une maison de retraite.
Face aux enjeux du vieillissement de la population en France, ces articles s’inscrivent dans une volonté de rendre plus envisageable l’option de demeurer à domicile : encourager les individus à anticiper et à s’informer, et inciter les acteurs pertinents (publics et privés) à leur fournir des outils d’information et d’accompagnement.
Le vieillissement de la population en France
En 2005, 1/5e de la population en France métropolitaine était âgé de plus de 60 ans. Selon l’Insee, cette proportion atteindra une personne sur trois d’ici 2050, reflétant une augmentation en valeur de 10 millions de personnes dans cette catégorie. Si la proportion dans la population résulte de projections démographiques, l’augmentation en valeur, elle, est une certitude : ces personnes sont déjà nées aujourd’hui. En 2060, 23,6 millions de personnes seront âgées de plus de 60 ans. Le pic de l’augmentation de cette catégorie devrait survenir autour de 2035, avec l’entrée des baby-boomers nés entre 1946 et 1975.
Le coût pour le gouvernement
La perte d’autonomie des personnes âgées coûte très cher aux pouvoirs publics (sécurité sociale, État, collectivités locales) qui versent des APA – Allocation Personnalisée d’Autonomie – aux personnes dépendantes de plus de 60 ans, à domicile et en établissement. Les pouvoirs publics financent les trois quarts des soins nécessaires aux personnes âgées dépendantes ; cela couvre principalement la santé et la perte d’autonomie, le reste étant à la charge des individus (notamment l’hébergement).
D’après une étude de la DREES, en raison du vieillissement de la population, ces dépenses vont continuer d’augmenter en proportion des ressources du pays : elles représentaient 1,11% du PIB en 2014 (soit 23,7 milliards d’euros) et devraient atteindre 2% du PIB d’ici 2060, leur montant doublant de valeur.
Cette augmentation s’explique par l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes (environ 8% des personnes de 60 ans ou plus), qui passera de 1,17 millions au 1e janvier 2012 à 2,3 millions en 2060 selon l’Insee. Or d’après AG2R La Mondiale, le coût de la dépendance d’une personne, à domicile ou en établissement, varie entre 2000 et 2200€ par mois, et ce montant continuera probablement d’augmenter avec la hausse des dépenses de soins de longue durée aux personnes âgées.
Le manque de capacité d’accueil et d’accessibilité des établissements
D’après la DREES, fin 2015, 728 000 personnes âgées fréquentaient un établissement d’hébergement pour personnes âgées, dont 80% sont des EHPAD.
Il est difficile de déterminer la proportion des personnes qui restent à domicile par choix, par manque de moyens ou à cause d’une capacité d’accueil insuffisante :
Par choix : C’est l’option que préfèreraient 8 personnes sur 10 selon une étude menée par la DREES. Les personnes de catégorie aisée restent à domicile en plus grande proportion que les personnes avec moins de ressources, ce qui laisse à penser que ces dernières, même si elles le souhaitent, ne se sentent pas les moyens financiers d’adapter leur mode de vie et leur logement à leur perte d’autonomie de façon sécurisée.
Par manque de moyens : les résidents de maisons de retraite, bien qu’aidés par les pouvoirs publics, doivent encore payer leur hébergement, une part du forfait dépendance et de nombreuses dépenses annexes. Selon une étude de KPGM de 2013, une place en maison de retraite revient en moyenne à 1857€ par mois à son résident (2242€ en Ile-de-France, soit 423€ de plus qu’en province en moyenne). Or, la pension moyenne des retraités, de 1256€ en 2013, ne suffit pas à couvrir ces frais (notamment pour les femmes qui touchent 1102€ en moyenne selon l’Insee), sans patrimoine ou soutien familial complémentaire. La nécessité financière de rester à domicile peut engendrer des problèmes de sécurité pour les personnes concernées si ce manque de moyens s’applique également à l’adaptation de leur logement et au paiement des soins liés à la perte d’autonomie progressive. Quant aux ressources complémentaires disponibles, il faut préciser qu’aujourd’hui, d’après la DREES, environ un quart des personnes âgées dépendantes éligibles à l’APA n’en font pas la demande (par méconnaissance ou complexité du système, ou par choix).
Par une capacité d’accueil insuffisante : Le taux d’occupation moyen des résidences de type EHPAD est très élevé, de 98%, avec un système de liste d’attente quasi systématique. En outre, la couverture géographique des instituts spécialisés n’est pas optimale : si le maillage est fin, le taux d’équipement varie fortement entre les départements, entre 22 et 185 places pour 1000 personnes en 2011. La fourchette basse comprend la petite couronne parisienne, le littoral méditerranéen et les DOM. Si la capacité d’accueil est insuffisante à proximité de leur domicile, il est possible que des individus choisissent de rester chez eux par peur des complications de déménagement. La qualité et les tarifs des établissements ne sont d’ailleurs pas homogènes. Pour toutes ces raisons, fin 2011, 70% des résidents en EHPAD ont changé de commune, et près des deux tiers ne résident pas dans l’établissement le plus proche de leur ancien domicile.
Face à l’augmentation du nombre de demandes, les établissements ont augmenté leur capacité d’accueil de 5,3% entre 2007 et 2011. Mais cet élargissement ne pourra pas suivre le niveau des prévisions démographiques citées précédemment : il sera nécessaire à la fois d’augmenter largement le nombre d’établissements et d’encourager fortement le maintien à domicile. Il est par ailleurs possible de discuter des conséquences de l’élargissement de la capacité d’accueil déjà opéré en termes de bien-être des résidents : malgré une forte augmentation du personnel à plein temps dans les EHPAD sur cette période, seul un tiers de cette augmentation a contribué à améliorer le taux d’encadrement, de 50% en 2007 à 54% en 2011 (nombre d’emplois en équivalent temps par rapport au nombre de résidents) ; le reste n’est qu’une augmentation proportionnelle à l’augmentation du nombre de résidents. Or la proportion de personnes dépendantes et celle des personnes très dépendantes parmi les résidents continuent d’augmenter (respectivement 84 % et 55% à la fin 2007, et 89 % et 51% fin 2011) : les seniors requièrent plus de soins et d’attention, donc plus de personnel. Cette dynamique s’explique en partie par l’augmentation de la moyenne d’âge en EHPAD : fin 2015, l’âge médian est de 87 ans et 5 mois, soit un an de plus que fin 2011 d’après la DREES, et l’âge d’entrée a augmenté de 9 mois (85 ans et 2 mois).
Le coût pour les personnes âgées et leurs familles
Les personnes âgées sont les premières à souffrir de cette situation. En EHPAD, elles vivent entourées de personnes dont la moyenne d’âge et le taux de dépendance augmentent d’année en année, avec un taux d’encadrement qui ne croît pas assez pour suivre la hausse des besoins en soins et en attention des personnes hébergées.
Les personnes âgées en perte d’autonomie et conduites à rejoindre de tels établissements voient disparaître simultanément leurs capacités physiques et/ou mentales et leurs points de repères spatiaux et affectifs, en quittant brutalement leurs habitudes et leur environnement familier. Ce bouleversement de leur quotidien peut affecter fortement leur santé mentale et leur bien-être moral, leur mémoire, leur volonté de vivre. Ce phénomène est encore renforcé par un encadrement et une stimulation intellectuelle qui ne sont pas toujours à la hauteur de leurs besoins dans des établissements où le personnel est de moins en moins disponible et les activités proposées peu diversifiées (notamment pour les personnes grabataires).
Pour les familles, il devient plus difficile psychologiquement de rendre visite à leurs aînés lorsque ceux-ci ne vivent plus chez eux, dans la maison familiale où ils étaient reçus auparavant, mais dans un environnement étranger où évoluent des personnes souffrant de troubles de cohérence, de maladies neuro-dégénératives, des personnes en fin de vie… Pour bien des gens, une maison de retraite évoque un hôpital morbide, ennuyeux voire inquiétant pour les enfants que l’on n’emmène que rarement voir leurs grands-parents. Les visites se faisant rares, la stimulation et le moral des personnes âgées s’en ressentent également.
Le choix de l’hébergement : une décision rationnelle ?
Avec l’augmentation de la moyenne d’âge en maison de retraite, celle-ci prend des allures d’hôpital pour les personnes en fin de vie et les individus attendent généralement le dernier moment pour prendre la décision d’y partir eux-mêmes ou d’y installer un parent.
Le contexte ambiant d’une telle décision est donc souvent irrationnel, douloureux, conflictuel : les familles des personnes concernées, les enfants voire les personnes âgées elles-mêmes, ont parfois du mal à s’accorder sur l’option à privilégier, le stade de dépendance, la qualité, le prix, la situation géographique de l’établissement… Cela s’accompagne fréquemment d’un fort sentiment de culpabilité lorsqu’il faut décider, par sécurité, de mettre un parent en maison de retraite : la décision longtemps retardée n’a été prise que lorsque le niveau de dépendance et la perte d’autonomie de la personne ne permettaient plus d’envisager une autre solution.
Comment transformer le contexte du choix du lieu de vie des personnes âgées ? Nous croyons qu’un choix plus rationnel et informé ne sera rendu possible que par une meilleure anticipation et un meilleur accès à l’information. Nous détaillerons nos suggestions dans les articles suivants de la série, où nous étudierons les solutions existantes ainsi qu’une nouvelle approche que pourraient adopter des acteurs publics et privés afin de soutenir les individus dans leur choix.
Jessa Coleman, Joséphine Noël du Payrat, Alice Pannetrat
Sources :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906664?sommaire=1906743
http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1015.pdf
http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1032.pdf
http://www.silvereco.fr/maison-de-retraite-ou-maintien-a-domicile-comment-bien-choisir/3151961
http://www.lesmaisonsderetraite.fr/maisons-de-retraite/chiffres-statistiques.htm
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2569388?sommaire=2587886
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