Le monde selon Obama

Coralie Pereira | 02 octobre 2012

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Le monde selon Obama

Par Coralie Pereira

LAÏDI Zaki, Le monde selon Obama – la politique étrangère des Etats-Unis, Flammarion, collection « Champs essai »,  2012, 409 pages, 10 €

Une politique étrangère moins agressive

Zaki Laïdi se plie au constat évident, partagé à l’international que la politique étrangère de l’administration Obama est, de fait, moins clivante que celle développée par son prédécesseur. Conscient de l’image dégradée que les Etats-Unis offraient depuis les années 2000 au monde, et surtout au Moyen-Orient, Obama a immédiatement perçu la nécessité de modifier la politique étrangère mise en place par son prédécesseur.

Ruptures et continuités

De fait, les Etats-Unis depuis l’élection d’Obama, sont devenus moins interventionnistes. Le rapatriement des troupes présentes en Irak – promis lors de la campagne présidentielle de 2008 – tout comme le retrait définitif d’Afghanistan prévu d’ici 2014 semblent aller dans ce sens. Avec impartialité, Zaki Laïdi souligne toutefois une donnée importante : concernant les retraits d’Afghanistan et d’Irak, Obama ne fait que mettre en application les décisions déjà prises par l’administration précédente.

La guerre selon Obama

L’auteur voit cependant une rupture idéologique considérable dans la conception de la guerre développée par l’administration Obama. Effectivement, si son prédécesseur pratiquait la « guerre par choix », l’actuel président se targue, du moins dans ses discours, de ne faire que la « guerre par nécessité », comme l’illustrent les réticences américaines à s’impliquer dans le conflit libyen.

Le verbe témoigne ainsi des changements stratégiques opérés depuis 2008. En comparant l’ensemble des discours prononcés par Bush puis par son successeur, Zaki Laïdi note une rupture sémantique. Le terme de « guerre contre la terreur », utilisé par Bush, par son caractère indéfini, maintenait l’Amérique et la scène internationale dans la peur d’un nouveau 11-Septembre et permettait de justifier le déclenchement de plusieurs guerres.

A l’inverse, Obama nomme son adversaire, en l’occurrence Al-Qaïda : en la désignant, son discours circonscrit la menace. Evaluant chaque danger pour ce qu’il est, il rompt ainsi avec la peur floue qui a conduit au désastre irakien, et la dimension idéologique de l’action internationale de son prédécesseur.

De la politique « idéologique » à la politique « réaliste »

Cette rupture dans le discours trouve sa traduction dans la stratégie : la politique étrangère américaine prend un tour fondamentalement réaliste. Obama a rompu avec l’idée de « libérer les peuples » par l’apport de la démocratie au Moyen-Orient. Il offre ainsi au monde l’image d’un combat « plus justifié » mené contre la menace réelle que représente le terrorisme. Autre façon de justifier la guerre, c’est là surtout le moyen d’améliorer l’image des Etats-Unis dans l’opinion publique arabe, en exprimant son respect pour la souveraineté de chaque pays,  quel que soit son mode de gouvernement.

Ce « réalisme » s’illustre également dans les choix d’interventions faits par Obama depuis quatre ans : ce sont seulement les endroits stratégiques pouvant servir aux Etats-Unis qui ont retenu son attention.  Ainsi, les réticences américaines face à un engagement en Libye n’ont disparu que lorsqu’Obama fut assuré des bonnes dispositions des rebelles libyens à l’égard des Etats-Unis.

Composer avec les contraintes

S’il est en partie le fruit d’un choix, le « réalisme » d’Obama résulte en partie des lourdes contraintes qui pèsent sur sa politique étrangère.

La première d’entre elles est l’héritage des administrations précédentes. Obama a dû composer avec les conflits (Afghanistan, Irak, Iran, Corée du Nord), les alliances (Grande-Bretagne, Europe) et les rivalités (Russie) existant, ainsi qu’avec la peur de l’après 11-Septembre toujours ancrée dans les mentalités américaines.

De manière intéressante, Zaki Laïdi développe l’idée selon laquelle une seconde contrainte serait la personnalité du président. Les suspicions dont son patriotisme fait l’objet, du fait notamment d’un second prénom à consonance musulmane, le procès en inexpérience qui a été instruit contre lui en début de mandat, entraveraient le président dans son action.

Le système institutionnel américain serait une autre limitation interne, le Conseil national de sécurité (NSC) tout comme le Congrès (actuellement à faible majorité démocrate)  imposant parfois au président de changer de cap.

Enfin, l’ultime contrainte est la remise en cause de la bipolarité du monde qui existait depuis 1945. L’émergence d’un monde multipolaire impose aux Etats-Unis d’agir de tenir compte des nouveaux acteurs désormais essentiels.

Un nouveau rôle pour l’Europe

Ainsi, l’importance du rôle de l’Europe a été relativisée : dans la mesure où la menace soviétique a disparu depuis 1991, le Vieux Continent ne tient plus pour les Etats-Unis une place aussi stratégique. Le retour récent de la Russie dans les relations américano-européennes d’aujourd’hui montre le que le nombre de ses acteurs tend à s’élargir.

De nouveaux partenaires à la politique étrangère américaine

En Asie, l’affirmation de la Chine et de l’Inde comme partenaires de premier plan des Etats-Unis est une autre manifestation de ce changement. De même, certains pays du Moyen-Orient (tel l’Arabie Saoudite et pendant un temps le Pakistan) sont essentiels à la lutte contre le terrorisme et se trouvent associés par partenariats aux Etats-Unis.

La politique d’Obama est donc multirégionale. Selon les zones du monde où ils agissent, les Etats-Unis s’arrogent le soutien du principal acteur. Zaki Laïdi ajoute à demi-mots que le partage des responsabilités politiques avec les acteurs régionaux a permis à Obama de réduire – quoique que faiblement par rapport au montant total – les coûts de sa politique étrangère (nécessité primordiale compte tenu de la crise mondiale), tout en conservant sa première place par sa présence dans chaque région du monde.

Une politique étrangère « au milieu du gué »[1]

Quoique parfois plus affirmatif que démonstratif, Zaki Laïdi offre une dans cet ouvrage une vision claire, à la fois politique et économique, de la politique étrangère américaine menée par Obama. Complexe, cette politique semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Depuis son installation, l’administration Obama n’a eu de cesse de promouvoir le partage des responsabilités, appelant chaque acteur du monde à s’impliquer dans le jeu international. Mais si les Etats-Unis souhaitent partager le fardeau de l’action collective internationale sont-ils pour autant prêts à risquer leur place de première puissance mondiale ?

Coralie Pereira.

Crédit photo: Flinckr, C4Chaos


[1] Cf. Titre de la conclusion de l’ouvrage

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