Barack Obama en route pour la COP 21 : le dossier chaud de l’Alaska
Hadia Baïz | 21 septembre 2015
Barack Obama en route pour la COP 21 : le dossier chaud de l’Alaska
Par Hadia Baïz
Réchauffement climatique, environnement en danger, élévation du niveau des mers,… autant de termes qui peuvent paraître effrayants, mais aussi abstraits car complexes et éloignés de notre quotidien.
A seize mois de la fin de son dernier mandat et à trois mois de la COP 21, Barack Obama s’est lancé dans une campagne de sensibilisation aux dégâts du changement climatique, de manière pour le moins inédite: alors qu’il participe à l’émission de télé-réalité Running wild with Bear Grylls, le Président des Etats-Unis a braqué le feu des projecteurs sur les glaciers d’Alaska, à coup de selfies sur le compte Instagram de la Maison Blanche et de tweets recensés sur le site President Obama’s Trip to Alaska.
L’urgence climatique
Pendant les trois jours de tournage, Barack Obama s’est rendu à des milliers de kilomètres de Washington, en plein cœur des paysages surprenants de ce 49ème État des États-Unis. Entre rencontres joviales avec la population locale et cours de danse dans une école primaire, c’est entouré de journalistes que le Président a longé les côtes de la Ressurection Bay, visité le Kenai Fjords National Park et qu’il s’est alarmé, entre autres, du recul “spectaculaire” du célèbre glacier Exit. “Nous n’avançons pas assez vite”, “le climat change plus rapidement que nos efforts pour y répondre”, a-t-il déclaré. En effet, la région de l’Arctique se réchauffant deux fois plus vite que le reste de la planète[1], le dérèglement climatique a déjà altéré le mode de vie des habitants de l’Alaska, preuves à l’appui (cf. le compte Instagram présidentiel). Afin de mobiliser les émotions et d’éveiller les consciences, Barack Obama s’est alors improvisé en guide devant la caméra tendue au bout d’un selfie stick, offrant aux internautes le panorama d’une nature en danger: “Nous voulons nous assurer que nos petits-enfants pourront en profiter aussi”[2], a-t-il commenté, la mine soucieuse.
Un double discours?
De la part du dirigeant d’un pays classé second au palmarès des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, ce discours alarmiste peut cependant apparaître comme une façade pour cacher des intérêts tout autres que ceux de la préservation de l’environnement. Et pour cause, cette visite en Alaska a provoqué l’indignation de nombreuses associations écologistes qui reprochent au Président d’avoir autorisé la compagnie pétrolière Shell à forer dans la mer des Tchouktches au nord de l’Alaska. «Parler de l’urgence du changement climatique tout en autorisant une extraction massive de combustibles fossiles n’est pas une manifestation de leadership mais d’hypocrisie», dénonce notamment une pétition lancée par le groupe progressiste Credo. En effet, cette autorisation peut étonner lorsqu’on sait qu’à son discours du 3 août 2015, Barack Obama a fait de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et contre l’utilisation des énergies fossiles l’une des priorités de son second mandat[3]. Cependant, ce qui se passe en Alaska se situe bien au-delà d’une simple contradiction rhétorique.
L’Alaska, “pas seulement une carte postale”
C’est ce qu’a rappelé le représentant de l’Alaska au Congrès, le Républicain Don Young, quant à l’expansion des zones de forage à laquelle il est favorable. En effet, dans un pays aux difficultés économiques et budgétaires de plus en plus prononcées suite à la chute des prix du baril, les énergies fossiles et leur exportation constituent un vivier de richesses à laquelle il serait difficile de renoncer. L’Association des producteurs de gaz et de pétrole d’Alaska (AOGA) a d’ailleurs rappelé à Barack Obama que ce secteur est une source directe et indirecte de 110 000 emplois, et l’a appelé à réorienter ses choix énergétiques pour trouver un « équilibre raisonnable ». Ainsi on comprend pourquoi à l’arrivée du Président américain à l’aéroport de Seward en Alaska, une immense bannière était déployée dans les champs avec l’inscription « Bienvenue, M. le Président, merci pour l’autorisation accordée à Shell. »[4]
Une transition énergétique tout en mollesse
Entre la pression du changement climatique et celle des élus de l’Alaska (dont 90% des revenus viennent du pétrole et du gaz[5]), tenir un discours cohérent et convaincant n’est pas chose aisée, surtout lorsque la côte de popularité de Barack Obama est de plus en plus fragile.
A défaut d’actions significatives en Alaska en faveur du développement durable, le Président américain a tout de même su s’attirer les faveurs de ses habitants en jouant sur le symbolique : ainsi, le mont Mc Kinley, plus haut sommet d’Amérique du Nord, a été, sur décision présidentielle, rebaptisé en mont Denali, ce nom étant celui utilisé par les populations locales.
Quant aux accusations de tenir un double discours, Barack Obama a répondu en expliquant que selon lui, tant que la transition énergétique vers le renouvelable ne sera pas réalisée, l’économie américaine “doit encore s’appuyer sur le pétrole et le gaz”[6]. De plus, il préfèrerait favoriser la production énergétique américaine en Alaska plutôt que d’être dépendant aux importations.
[1] http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/01/2168570-obama-face-aux-glaciers-que-verront-nos-petits-enfants.html
[2] http://www.leparisien.fr/environnement/nature/obama-veut-que-les-generations-futures-voient-les-glaciers-d-alaska-02-09-2015-5055181.php
[3] http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/quelles-sont-les-mesures-d-obama-en-faveur-du-climatbr-905378.html
[4] http://www.lanouvellerepublique.fr/France-Monde/Actualite/Environnement/n/Contenus/Articles/2015/09/02/Obama-au-milieu-des-glaciers-de-l-Alaska-Spectaculaire-2448319
[5] http://www.liberation.fr/terre/2015/08/31/obama-en-alaska-un-voyage-controverse_1372980
[6] Idem
crédit photo: Malicom Mali
À noter: les points de vue exprimés par les auteurs dans leurs papiers ne reflètent pas nécessairement les positions de la Fondation pour l’innovation politique et ne peuvent en aucun cas lui être systématiquement attribués.
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