Développement durable, et si on recommençait tout ?

Pierre Colson | 24 mai 2016

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Par Pierre Colson 

Décideurs publics comme journalistes sont à la recherche de l’élément de langage, de la petite phrase, du concept venant ériger le développement durable au rang d’enjeux majeurs de notre société. Beaucoup font ainsi de l’écologie  un cheval de bataille régie par l’idéal immaculé du bien-être commun. Thèmes éminemment centraux dans les futures politiques publiques du XXIe siècle, le développement durable, l’écologie, l’environnement, sont d’autant de boucliers brandis pour un même objectif. Mais où placer le curseur ?

Les termes du débat

« Au départ, l’écologie est une utopie critique de l’État productiviste tel qu’il a dominé  » les Trente Glorieuses » »[1]. En identifiant ce point de départ, Pierre Lascoumes pose le principe d’une idéologie originellement contraire à nos modes de vie. Le premier ministère de l’environnement est pourtant instauré pendant les Trente Glorieuses (1971) sous l’autorité du premier ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas.

Protection des cours d’eau et des forêts, lutte contre la pollution atmosphérique, gaz à effet de serre : les blasons de l’Écologie ne manquent pas. L’image d’un combat réside, avant tout, dans la désignation qu’en fait le sens commun. Aujourd’hui, loin des clivages partisans rétrogrades, le développement durable s’incorpore dans notre paysage politique. La sphère sémantique du débat glisse progressivement vers le concept de développement durable. Ainsi depuis 2002, le ministère de l’environnement évolue ainsi en ministère de l’écologie et du développement durable[2].

« Tout n’est pas politique peut être, mais la politique s’occupe de former un tout »[3]. Le bât blesse lorsque la politique prend le dessus sur la conception même de développement durable. Tel que nous l’explique Bruno Latour, la politique occupe une part nécessairement importante et croissante au sein de cette idée de durabilité. Si l’une des volontés premières des écologistes fut initialement de créer une troisième voie politique, le résultat est aujourd’hui sensiblement inverse à une large adhésion citoyenne. Sauf exceptions, beaucoup associent, en raison des alliances politiques, l’écologie à une valeur de gauche. Finalement, cette entrée en politique de l’écologie n’a-t-elle pas échoué ? Les luttes idéologiques passées font parfois de l’écologie un thème inaudible, incompatible avec les valeurs globales qui sont les nôtres.

Aujourd’hui, l’écologie est à la gauche un argument de marketing politique. Il existe à gauche comme à droite, des personnalités qui ont ce souci de durabilité et de protection de l’environnement, tout comme il peut exister des libéraux de part et d’autre de ce prisme.

Lucidité, progrès et pragmatisme

Et si chacun accordait ses violons ?

A l’instar du chirurgien en pleine opération, la lucidité et le pragmatisme doivent être de rigueur face à l’évolution d’un cas ou d’une situation. Cette rigueur se doit d’être l’écho des stratégies à adopter face aux mutations croissantes qu’impulsent le changement climatique.

N’est-il pas temps de sortir des débats stériles, parfois vieux de près de trente ans, afin de se donner les moyens de faire face aux défis qui se bousculent à nos portes ? Cette idée du progrès, utilisée par beaucoup pour capter les foules, ne réside-t-elle pas dans la capacité de nos sociétés à innover et non à ressasser ?

L’enjeu du développement durable est certes, comme le prêchent beaucoup de ses apôtres, la nécessité de changer de paradigme. Notre système est depuis longtemps ancré dans une démarche libérale fondée sur un système capitaliste. La remise en cause de ce système peut en séduire plus d’un. Mais elle n’est toutefois pas l’objet du débat. Impulser un changement de paradigme en stimulant sans cesse l’opposition au sens commun ne suscite pas véritablement l’adhésion. Or, rien ne se fait sans un engagement massif des citoyens[4]. L’ « économie de la connaissance »[5], développée par Idriss Aberkane, apparaît comme l’une des voies nouvelles transcendant des débats appauvris. À l’heure d’une transition écologique, donnons-nous les moyens pour que chacun accepte cette nécessaire évolution.

Il apparaît primordial que le développement durable ne soit pas seulement une série de gesticulations intellectuelles ou un excès de romantisme, mais bel et bien un véritable projet pour l’avenir. L’équilibre est complexe, parfois hasardeux. Mais une seule nécessité demeure, celle qui permettrait à l’ensemble des citoyens, et non à une poignée d’élites, de se saisir d’un tel projet.

Le devoir  d’efficacité

Loin du souci de limiter les gens dans leur action, la fonction principale de ce modèle de développement est de garantir à chacun un espace de vie pour demain. Si certains appellent aujourd’hui à une recomposition politique, ils doivent s’interroger précisément sur le curseur qui permettrait ce nouveau découpage. Jusqu’à présent, le curseur politique ne favorise pas un vote écologiste vers un représentant libéral.

L’offre n’est-elle donc pas la bonne ou bien le système est-il dépassé?

Aujourd’hui, chacun des principaux partis français se targuent d’une place faite à l’environnement dans leur programme politique. Toutefois, à trop parler de programme, on en oublierait presque la vision.

Un véritable développement durable, par sa faculté d’adhésion du sens commun, doit pouvoir stimuler à travers l’ensemble des composantes politiques et non être l’apanage d’une seule.

 

[1] Action publique et environnement, Pierre Lascoumes, PUF, 2012

[2] http://archives.gouvernement.fr/fillon_version2/gouvernement/roselyne-bachelot-narquin/biographie.html

[3] Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Bruno Latour, Éd. La Découverte, coll. « Armillaire », 1999

[4] Le crépuscule fossile, Geneviève Férone-Creuzet, Stocks, 2015.

[5] http://www.fondapol.org/etude/idriss-j-aberkane-economie-de-la-connaissance/

 

crédit photo Flickr: Solange B

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