« TVA sociale » : comment faire ?

03 novembre 2011

03.11.2011Après l’analyse des principes, avantages et inconvénients de l’instauration d’une « TVA sociale » ou « TVA de compétitivité », consistant à remplacer une partie des charges sociales assises sur les salaires par des points de TVA supplémentaires, la présente contribution vise à apporter au débat des éléments chiffrés, afin d’éclairer les choix possibles.

Les paramètres en jeu dans une telle réforme sont les suivants :

–        faut-il supprimer les cotisations salariales (ce qui revient à hausser les salaires nets, à coût du travail constant) ou les cotisations patronales (ce qui baisse le coût du travail et favorise les entreprises) ?

–        faut-il augmenter le taux normal de TVA ou le taux réduit ?

Plusieurs études ont évalué entre 2005 et 2007 l’impact d’une hausse de TVA couplée à une baisse des cotisations salariales ou patronales, ces baisses étant ou non ciblées sur les bas salaires.

La réduction des charges patronales

En 2007, Eric Besson, alors secrétaire d’Etat en charge de la prospective, a remis au Premier ministre un rapport [1] qui confirme que le transfert sur la TVA d’une partie des cotisations patronales réduirait les coûts de production en France et augmenterait le prix des importations, de manière favorable à la compétitivité de l’économie française. Une telle réforme créerait des emplois, et ce d’autant plus que les baisses de charges seraient ciblées sur les bas salaires. Ainsi, ce rapport évalue à plus de 300.000 le surcroît d’emplois induit à moyen terme par une baisse des cotisations concentrée sur les bas salaires, pour une hausse de 1,5 point du taux normal de TVA. Par ailleurs, l’effet de l’instauration d’une TVA « sociale » serait également positif sur la compétitivité, mais cette fois d’autant plus  que les baisses de charges seraient ciblées sur les emplois qualifiés, et non sur les bas salaires.

« Effet emploi » ou « effet compétitivité »

 

Si l’on choisit de réduire les cotisations patronales, un choix politique est donc nécessaire pour cibler cette mesure sur les bas salaires ou sur les hauts salaires, ce qui revient à choisir entre l’«effet emploi» (réduction des cotisations patronales des bas salaires) et l’«effet compétitivité» (réduction des cotisations patronales des emplois qualifiés). Enfin, les prix des produits français devraient rester globalement stables si les entreprises répercutaient correctement les baisses de charges. Les prix des produits importés devraient augmenter, ce qui devrait conduire les consommateurs à substituer une consommation de produits français à une partie de leur consommation de produits importés. Sur des sujets aussi complexes, le rapport recommande une concertation avec les partenaires sociaux.

Quid de l’argument anti-redistributif ?

 

Ce rapport examine par ailleurs l’effet « anti-redistributif » dénoncé par les opposants à la TVA sociale, selon lequel cette réforme aurait un impact négatif sur les ménages les moins favorisés. L’argument est que ces derniers, qui consomment à peu près tout leur revenu, subissent pleinement une hausse de TVA, tandis que les ménages aisés ne sont concernés par une hausse de TVA que sur une partie de leurs revenus, leurs dépenses, et non sur leur capacité d’épargne. Or, selon le rapport, ce raisonnement ignore le fait que certains revenus de transferts sont indexés sur l’inflation et sont ainsi protégés contre une hausse de TVA, tandis que même les personnes à faible salaire profiteront de la baisse de leurs cotisations salariales. En prenant ce fait en compte, le rapport estime ainsi qu’une hausse du taux normal de TVA de 3 points entraînerait une inflation de 1%, mais qu’en contrepartie l’effet favorable des baisses de cotisations sur l’emploi entraînerait in fine un gain de pouvoir d’achat de 0,1 % pour les déciles de ménages à faible revenu, contre une perte de 0,1 % pour les plus hauts revenus. L’instauration de la TVA sociale apparaît ainsi quasiment neutre sur le pouvoir d’achat (voire très légèrement favorable pour les ménages à faible revenu).

Le choix du taux réduit

 

Le rapport Besson étudie aussi l’effet produit dans le cas où la hausse de TVA porterait sur le taux réduit et non sur le taux normal. Dans ce cas, pour être financièrement équivalente à l’hypothèse étudiée précédemment, la hausse  devrait être de 7,5 points, portant ainsi le taux réduit de TVA à 13%. Le rapport indique qu’une telle hausse réduirait de 0,2 % le pouvoir d’achat des premiers déciles de ménages à faible revenu (qui consomment proportionnellement plus de produits de première nécessité) et majorerait de 0,1 ou 0,2% celui des déciles supérieurs. Une telle mesure peut donc apparaître comme injuste socialement.

Le choix de relever le taux normal ou le taux réduit est donc bien, lui aussi, un choix de nature politique [2].

La réduction des cotisations salariales

 

L’EDHEC a également publié en 2007 une étude [3] portant cette fois sur l’augmentation de 4 points du taux normal de TVA, compensée par une augmentation de 25 milliards d’euros des salaires nets, obtenue en réduisant les cotisations à la charge des salariés. Cette mesure aurait un effet net positif sur le PIB en volume (+ 0,4 %) et sur l’emploi (+ 114 000 emplois nets créés). Selon cette étude, le montant moyen de la TVA supplémentaire acquittée par les ménages serait de 594 euros par an, soit une augmentation de la TVA pesant sur les ménages de l’ordre de 23 %. Une augmentation du salaire net (à hauteur de 3,8 % du salaire brut) et une indexation des revenus sociaux sur l’inflation feraient plus que compenser la hausse de la TVA. En effet, le montant moyen d’augmentation des ressources par ménage serait de 953 euros.

Des choix techniques… et politiques

 

Pour récapituler, avant de remplacer une partie des cotisations sociales par une hausse de TVA, il faut trancher entre les options suivantes :

–  baisse des cotisations patronales, axée sur les bas salaires pour un effet emploi maximal, ou bien axée sur les emplois qualifiés pour un effet compétitivité maximal.

Si cette baisse est compensée par une hausse du taux normal de TVA, l’effet est quasiment neutre sur le pouvoir d’achat (voire légèrement favorable pour les bas revenus), l’inflation estimée à 1% étant compensée par l’effet favorable sur l’emploi ; si la hausse concerne le taux réduit de TVA, l’effet est plus défavorable aux ménages à faibles revenus.

–  baisse des cotisations salariales : dans ce cas il n’y a pas d’effet compétitivité, le coût du travail étant constant, mais un gain financier pour les ménages supérieur à l’inflation attendue. Ce surcroît de pouvoir d’achat entraînerait de la croissance et des créations d’emplois.

Les deux études, Besson et EDHEC de 2007, confirment ainsi que l’instauration d’une TVA dite « sociale » (ou « TVA de compétitivité », ou « TVA emploi »…), de l’ordre d’une hausse de 3 ou 4% du taux normal de TVA, en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales,  peut avoir un effet positif à la fois sur l’emploi, le PIB et les ressources des ménages, notamment ceux à faible revenu, malgré l’inflation induite. La répartition exacte de cet effet positif dépend des choix effectués quant aux charges supprimées.

Sabine Mattatia


[1] TVA sociale, septembre 2007.

[2] Ce scénario est examiné plus en détail dans l’Etude sur la possibilité d’affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale en contrepartie d’une baisse des charges sociales pesant sur le travail, remise au Premier ministre par Christine Lagarde le 11 septembre 2007.

[3] La TVA Emploi, mars 2007.

 

Crédit photo, Flickr: Tor Kristian

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