Ce sont des chiffres qui ne laisseront pas Emmanuel Macron indifférent, alors qu’il entame jeudi sa première visite officielle en Israël à l’occasion du cinquième Forum mondial sur la Shoah et du 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Selon une étude inédite conduite par l’institut Ifop pour la Fondation pour l’innovation politique et l’American Jewish Committee, dont nous dévoilons les résultats, un tiers (34 %) des Français de confession ou de culture juive déclare se sentir régulièrement menacé, en raison de son appartenance religieuse. A comparer avec un modeste 8 % dans la population française en général.

Antisémitisme : 34% des juifs de France se sentent menacés
Nathalie Schuck | 21 janvier 2020
C’est le premier enseignement, édifiant, de cette radiographie. « La société française est devant une poussée de l’antisémitisme », alerte Dominique Reynié, directeur de la Fondapol. Les faits sont là, avec 541 actes recensés en 2018, contre 311 en 2017, soit un bond de 74 %. Début décembre, une centaine de tombes ont été profanées à coups de croix gammées dans un cimetière juif alsacien. « Depuis le début des années 2000, on n’a pas réussi à descendre sous la barre des 350 actes par an », constate Simone Rodan, présidente de l’AJC France. Et ce ne sont là que les faits dûment déclarés.
Or, selon ce baromètre, sept Français juifs sur dix confient avoir été déjà victimes d’un acte antisémite. Près des deux tiers (64 %) indiquent avoir subi une agression verbale au moins, que ce soient des moqueries ou des injures, et presque un quart (23 %) une agression physique, des gifles, des coups ou des bousculades. Des faits qui ont le plus souvent lieu en pleine rue et dans les transports publics mais aussi, plus préoccupant, au sein des établissements scolaires ou sur le lieu de travail.
L’élément le plus inquiétant du baromètre? Les plus jeunes sont les plus concernés : 43 % des Français juifs de moins de 35 ans avouent se sentir menacés dans leur vie quotidienne. « Et si rien n’est fait, ces 43 % deviendront le chiffre toutes tranches d’âge confondues dans quelques années », met en garde Dominique Reynié. Les 18-24 ans apparaissent dangereusement surexposés : 84 % déclarent avoir subi un acte antisémite; 79 % une agression verbale; et même 39 % une agression physique. « Des proportions spectaculaires, qui montrent que ce phénomène est montant », achève le politologue.
«Un indice du mal-être de la société»
Pour se protéger, les juifs de France multiplient ce que l’étude appelle des « stratégies d’invisibilité » afin de se fondre dans la masse. On évite certaines rues ou certains quartiers (43 % des sondés). On renonce à afficher des symboles d’appartenance religieuse, par exemple apposer une mezouza ( NDLR : étui contenant un parchemin religieux ) sur sa porte (37 %). Un tiers se résigne aussi à ne pas porter de signe vestimentaire ostensible, comme la kippa (33 %). Un quart, enfin, préfère taire sa religion au travail. « Sans parler d’autres stratégies d’évitement, qui ne sont pas mesurées par l’étude, comme d’éviter d’utiliser les mots juif ou Israël en public », complète Simone Rodan de l’American Jewish Committee France.
Seul élément d’optimisme de ce sombre diagnostic, une prise de conscience semble se dessiner dans la population française en général, fruit probable des drames qui ont endeuillé tant la communauté juive que la communauté nationale. C’est Mohammed Merah qui abat en 2012 des juifs et des militaires. C’est la tuerie de Charlie Hebdo en janvier 2015, suivie par la prise d’otages de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes.
Comme le constate le grand rabbin de France Haïm Korsia, « ce qui nous arrive est un indice du mal-être de la société ». Si 72 % des Français juifs interrogés par l’Ifop déclarent se sentir concernés par une recrudescence de l’antisémitisme, c’est aussi le cas de 73 % des citoyens en général. « Une note d’espoir », achève Simone Rodan, alors qu’on a comptabilisé plus de 7 000 départs (« alya ») vers Israël en 2014.
Ultime avertissement, toutefois, aux pouvoirs publics. Ce n’est pas vers l’exécutif que se tournent les juifs de France lorsqu’ils se sentent menacés. Dans leur écrasante majorité (77 %), ils font d’abord confiance aux associations (CRIF, Consistoire), aux forces de l’ordre (60 %), avant le chef de l’Etat (47 %) et le gouvernement (41 %).
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