Bruno Le Maire : « Je n’envisage pas d’échouer »

Jannick Alimi, Matthieu Pelloli, Olivier Beaumont, Thibault Raisse | 26 octobre 2016

Présidentielle : Bruno Le Maire est le quatrième invité de notre série sur la primaire de la droite. Au programme, un référendum pour changer la classe politique.

IL EST ARRIVÉ au siège de notre journal au volant de sa Peugeot 5008, sans gyrophare ni officier de sécurité. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Agriculture de Sarkozy et candidat à la primaire de la droite, est l’invité de notre série « Demandez le programme », en collaboration avec la Fondation pour l’innovation politique. L’homme du renouveau patine dans les sondages, loin du duo Juppé- Sarkozy. Et ce n’est pas la maigre audience d’un documentaire que lui a consacré lundi soir France 3 (3,9 % du public) qui le consolera. Mais il y croit encore. « J’ai l’espoir », martèle-t-il. Son mantra : renverser la table, dans un chamboule-tout de la « vieille » classe politique à la Sarkozy, Juppé ou Bayrou. Sans excès de modestie, celui qui veut devenir « président ou rien » met ses pas dans ceux du général de Gaulle en proposant « son » référendum un 18 juin (2017). Objectif : renouveler le personnel et la manière de faire de la politique. Prochains auditionnés par notre journal et les experts de la Fondapol de Dominique Reynié, François Fillon et Nicolas Sarkozy (Jean-Frédéric Poisson du parti chrétien-démocrate fera l’objet d’un entretien à part). Et avant le 1er tour le 20 novembre, nous comparerons les programmes.

Votre objectif de réduction des dépenses publiques — 85 Mds€ — est ambitieux. Comment comptez-vous y parvenir ?

BRUNO LE MAIRE. J’ai proposé 500 000 effectifs d’emplois publics en moins — je dis bien emplois publics et pas fonctionnaires. Ce n’est ni excessif ni déraisonnable, car il y a aura 700 000 départs à la retraite dans la fonction publique entre 2017 et 2022. Je propose d’éteindre progressivement le statut de la fonction publique territoriale. Je propose aussi la suppression des emplois aidés, et notamment des 180 000 emplois aidés qui sont des contrats publics.

Quels seront les ministères les plus touchés ?

Tous les ministères sauf la police, la gendarmerie, les armées, la justice et tout ce qui est du domaine de la santé. En revanche, dans la police et la gendarmerie, je propose de rétablir 6 000 emplois publics supplémentaires.

Et dans l’Education nationale ?

Je propose d’augmenter le temps de travail des enseignants, sur la base du volontariat ou à leur recrutement, avec la rémunération correspondante. Dans le primaire, le passage à 26 heures par semaine permet de récupérer environ 60 000 postes d’emplois publics. Au collège et au lycée, le volume horaire hebdomadaire passera à 20 au lieu de 15 ou 18 aujourd’hui.

Pourquoi privatiser Pôle emploi ?

Aujourd’hui, seulement 14 % des demandeurs d’emploi retrouvent un travail grâce à Pôle emploi. Pourquoi alors ne pas demander à des entreprises ou des associations de fournir cet accompagnement personnalisé dont les demandeurs ont impérativement besoin ?

L’avenir de l’agriculture française passe-t-il par l’exploitation familiale ou concentrée, mécanisée, spécialisée ?

Les deux modèles ne sont pas antagonistes. Si demain, je devais être président de la République, je serais président et ministre de l’Agriculture. Pas en termes institutionnels mais symboliquement et par le cœur. II est essentiel de retrouver un président de la République qui au Conseil européen tape du poing sur la table en disant que l’agriculture c’est central et prioritaire pour la France. Comme Angela Merkel le fait pour l’industrie allemande.

Vous proposez une diminution de la CSG pour augmenter le salaire net des Français. Pourquoi pas une baisse d’impôts ?

Je propose la diminution de la CSG (NDLR : la contribution sociale généralisée est un prélèvement obligataire qui participe au financement de la protection sociale) parce que c’est rendre de l’argent à tous les Français, y compris ceux qui ont des revenus modestes. Un salarié au niveau du smic, si vous baissez l’impôt sur le revenu, ne sera pas concerné par cette mesure. J’entends toujours parler des impôts directs – comme l’impôt sur le revenu — parce qu’ils sont plus visibles, mais la réalité, c’est que les impôts indirects – comme la CSG – sont plus importants. Au smic, la diminution de la CSG correspond à 245 € de rémunération en plus par an.

La gauche est en train de mettre en place le prélèvement des impôts à la source. Reviendrez-vous sur cette mesure si vous êtes élu ?

C’est une façon pour la gauche de faire diversion. Si je suis élu, je reporterai cette mesure parce qu’elle n’est pas prête. Entraînera-t-elle une hausse des impôts pesant sur les ménages ? Pèsera-t-elle sur la compétitivité de nos entreprises ? Pour le moment, le flou est total.

Vous êtes actuellement à la peine dans les sondages, en quatrième position derrière François Fillon Que se passe-t-il ? Le renouveau n’imprime plus ?

La seule chose qui compte dans une course c’est la ligne d’arrivée. On verra où en seront les compteurs le 20 novembre, au soir du premier tour. Le vote du renouveau, c’est un vote d’espoir. Je vois bien la tentation ici ou là de voter pour Alain Juppé dans le seul but de faire barrage à Nicolas Sarkozy. Mais a tous ceux-là je veux dire de ne pas voter par défaut. Parce que les élections par défaut donnent toujours des déceptions.

Cela vous frustre de ne pas être dans le duo de tête ?

II n’y a aucune frustration de ma part. Le dégel des glaces peut arriver très vite. On a vu lors des dernières élections qu’il pouvait y avoir de grandes surprises. Regardez la primaire des Verts ! Je veux montrer aux Français qu’il est temps de passer en 2017 à autre chose.

Vous excluez tout ralliement après le premier tour et vous refuserez la place de Premier ministre en cas d’alternance. N’y a-t-il pas là une trop grande part de vanité ?

Aucune ! Mon état d’esprit est clair : je veux gagner et je n’envisage pas d’échouer. Mais je soutiendrai le vainqueur quel que soit le résultat. Et je me prononcerai au soir du premier tour si je ne me qualifie pas. Ce que je n’envisage pas en revanche c’est en effet un ralliement pour négocier une place de Premier ministre. Cela ne serait pas honnête par rapport au projet que je porte. Il y a entre mon projet et ceux de Nicolas Sarkozy ou d’Alain Juppé des différences importantes. Elles excluent d’être leur potentiel numéro deux.

Beaucoup de Français qui se disent certains d’aller voter ignorent la date du premier tour. N’y a-t-il pas un problème de communication ?

Cela me confirme que les choses ne sont absolument pas figées et que tout peut bouger jusqu’au dernier jour. Je veux dire à nos électeurs que tout est possible. Le prochain quinquennat ne peut pas être le quinquennat de rattrapage de Nicolas Sarkozy et François Fillon. En 2007, la droite avait rendez-vous avec le peuple français et ce rendez-vous a déçu.

Beaucoup de sarkozystes s’élèvent contre François Bayrou, qui fait campagne pour Alain Juppé. Vous aussi ?

François Bayrou est là depuis trente ans, il fait partie des meubles. Quand on s’est engagé pour François Hollande, on est comptable du bilan. Le drame de la politique française, c’est de dire que tout peut s’effacer sur une ardoise. Sortons de ce cynisme ! Avec moi, on ne négocie ni les places ni les postes. On s’engage derrière un projet.

Remettre en cause le collège unique, n’est-ce pas risquer de renforcer ces inégalités ?

C’est le choix qu’on a fait depuis trente ans, à droite comme à gauche. Emmener tout le monde sur la voie générale, vers les études supérieures, se solde par plus de reproduction des inégalités sociales. Et il n’y a pas de plus grand scandale, rien de plus décourageant, que de savoir que ses enfants ne réussiront pas mieux que soi-même. Avant le collège, la priorité, c’est d’abord la maîtrise de la langue française. C’est la raison pour laquelle je veux faire passer l’apprentissage du français au primaire de dix à quinze heures. Ensuite, je propose de supprimer le collège unique, pour offrir la possibilité à un enfant de diversifier ses choix d’orientation professionnelle.

Souhaitez-vous une meilleure application ou un renforcement de la loi contre la burqa ?

La burqa et le niqab aboutissent à l’asservissement de la femme et remettent en cause le principe fondamental de l’égalité hommes-femmes. Ils sont aujourd’hui interdits par la loi. Mais est-ce que cette loi est efficace ? Non. Est-elle appliquée partout ? Non. Je propose donc que le port du niqab et de la burqa devienne un délit et non plus passible de contraventions. Ce qui permettra de sanctionner durement les récidivistes et de les ficher. La lutte contre l’islam politique est une priorité.

Iriez-vous jusqu’à interdire le voile à l’université ?

Ce sera l’objet du débat que j’ouvrirai et qui conduira à une loi qui précisera les règles.

Vous proposez des mesures préventives fortes, comme l’incarcération automatique pour les rentrants de Syrie. N’est-ce pas contraire à l’Etat de droit?

Nicolas Sarkozy propose que ce soit l’administration qui s’en charge. Moi, je confierai cette mission au juge antiterroriste, indépendant du pouvoir politique. Mais il faut lui donner toutes les armes possibles. II faut élargir la définition du délit d’association de malfaiteurs terroristes. Si, par exemple, un membre de la famille d’un suspect a connaissance d’une volonté de passer à l’acte sans la dénoncer, il faut le poursuivre et le condamner. Le juge doit pouvoir arrêter et incarcérer de manière préventive tous ceux qui menacent la sécurité des Français. Et s’il s’agit d’un ressortissant étranger, il doit pouvoir l’expulser du territoire. L’Etat de droit est ici respecté puisque c’est le juge qui décide et qui contrôle ces mesures.

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