
Cigéo: un pas de plus vers le stockage des déchets nucléaires
Muriel Motte | 17 janvier 2023
Le site de Bure doit accueillir les déchets les plus radioactifs, aujourd’hui en attente d’une solution pérenne
Construire de nouveaux réacteurs, exploiter le parc existant plus longtemps, organiser le stockage des déchets les plus radioactifs : après bien des tergiversations et des consultations, la France veut accélérer sur le nucléaire. Hasard du calendrier, au moment où débutent au Sénat les débats autour du texte relatif à la simplification des procédures pour la construction de nouveaux réacteurs, l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) vient de transmettre au ministère d’Agnès Pannier-Runacher sa demande d’autorisation de création de Cigéo (Centre industriel de stockage géologique).
Situé à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, le futur centre de stockage des déchets nucléaires incarne le temps long de l’atome. Depuis 1991, des recherches ont été menées sur la gestion des déchets radioactifs les plus dangereux. Ces recherches ont abouti au choix du stockage géologique profond, en 2006, dont les études ont été confiées à l’Andra. Seize ans plus tard, c’est-à-dire l’été dernier, le projet Cigéo a été déclaré d’utilité publique.
Instruction technique. La demande d’autorisation de création qui vient d’être déposée va maintenant être instruite par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), une phase d’instruction technique qui devrait durer trente mois, précise l’Andra. Puis, « une enquête publique prévue à l’horizon 2026 permettra de solliciter l’avis du public ». A l’issue de tout ce processus, et sur avis de l’ASN, un décret d’autorisation devra être délivré par le gouvernement, si tout va bien en 2027.
Son coût a été évalué à 25 milliards d’euros en 2016, mais il sera remis à jour pour l’enquête publique prévue en 2026
L’aventure Cigéo pourra alors entrer « dans le dur » : plusieurs années de construction sont programmées pour la première tranche du site (bâtiments de surface, galeries de stockage, funiculaire qui permettra de descendre les déchets à 500 mètres de profondeur, puits de ventilation…). L’autorisation de mise en service par l’ASN est attendue vers… 2035. « Pour répondre à une demande exprimée dans les débats publics, le site fera auparavant l’objet d’une phase industrielle pilote dont l’objectif est de tester et vérifier le bon fonctionnement des installations », note l’Andra.
Si tout se passe comme prévu, la mise en service de Cigéo coïncidera avec le lancement de la première tranche d’EPR2, qui mobilise aujourd’hui toute l’énergie du gouvernement. La loi actuellement en discussion au Sénat doit permettre de faire gagner deux à trois ans en procédures administratives et contentieux divers et variés pour agrandir le parc d’EDF. Les deux futurs réacteurs prévus sur le site de l’actuelle centrale de Penly (Seine-Maritime) devraient être raccordés au secteur en 2035-2037, espère Agnès Pannier-Runacher. Ils seront rapidement suivis de deux paires supplémentaires, avant, peut-être, la construction de huit autres réacteurs.
Surveillance. De facto, la création de Cigéo va accompagner la stratégie aujourd’hui volontariste des pouvoirs publics en faveur de l’atome. Mais concrètement, plus de la moitié des déchets qui ont vocation à être stockés à 500 mètres sous terre sur le site de Bure existent déjà, issus de la production d’électricité, notamment. Ils sont actuellement entreposés au sec à La Hague, sur des installations du CEA à Marcoule ou à Cadarache, dans l’attente d’une solution pérenne. Il s’agit des déchets qui resteront hautement radioactifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années.
A terme, une infime minorité, à savoir 3 % des déchets nucléaires produits en France, seront stockés à Cigéo. Soit 83 000 m3 parqués dans les galeries souterraines. Le site sera en exploitation pendant un peu plus de 100 ans. Il sera fermé et mis sous surveillance vers 2150 prévoit déjà l’Andra. « En résumé, pour les siècles à venir, nous avons des solutions d’entreposage des déchets nucléaires, avec des systèmes de colis et des matrices de verre qui tiennent la route depuis déjà une quarantaine d’années. Nous avons aussi des solutions à très long terme, à l’échelle des millénaires, autour des stockages géologiques et de la diminution des quantités de déchets », observait, dans les colonnes de l’Opinion, Jean-Paul Bouttes, auteur l’an dernier d’une étude pour la Fondation pour l’innovation politique, intitulée « Les déchets nucléaires : une approche globale ».
Reste à financer Cigéo. Son coût a été évalué à 25 milliards d’euros en 2016, mais il sera remis à jour pour l’enquête publique prévue en 2026. « Son financement est assuré dès aujourd’hui par les producteurs de déchets radioactifs. Ils doivent provisionner les sommes correspondantes dans leur compte et sécuriser ces dépenses futures en constituant des fonds dédiés à cet effet », rassure l’Andra.
Retrouver l’article sur lopinion.fr
Jean-Paul Bouttes, Les déchets nucléaires : une approche globale, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2022.
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