Dominique Reynié : à droite, « une petite primaire dont le résultat déterminera pourtant la présidentielle »

Dominique Reynié, Pierre-Alain Furbury | 01 décembre 2021

Alors que les adhérents des Républicains votent à partir de ce mercredi pour choisir leur candidat, le directeur général de la Fondation pour l'innovation politique analyse la course présidentielle 2022 à droite. « La position des LR est très contrainte », observe le politologue.

Quel regard portez-vous sur la bataille chez les Républicains ?

La particularité de cette primaire est qu’elle émane d’une organisation qui fut un grand parti de gouvernement mais qui, depuis 2017, présente l’apparence d’une organisation sans tête composée principalement d’élus. Cette primaire est une sorte de nouveau départ, avec des candidatures dont aucune ne s’impose comme une évidence.

Deuxième caractéristique, la position des LR est très contrainte entre, d’un côté, le macronisme, qui fait sur le plan économique et social ce que la droite aurait fait, peu ou prou, si elle avait gouverné et, de l’autre côté, une droite dure devenue la composante majoritaire au sein de la droite. La droite de gouvernement est dans une situation de faiblesse inédite depuis 1945.

En conséquence, nous assistons à ce qui est en apparence une petite primaire mais dont le résultat déterminera pourtant la présidentielle. Ainsi, le choix d’ Eric Ciotti constituerait la configuration la plus favorable à Emmanuel Macron en fractionnant le camp de la droite dure et en libérant une part supplémentaire de la droite modérée, tandis que le choix de Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Michel Barnier déboucherait sur un jeu plus incertain.

Pourquoi l’immigration domine-t-elle à ce point les débats ?

D’abord parce que les candidats s’adressent aux électeurs de la primaire que ce sujet préoccupe vivement. Ensuite parce qu’ils doivent bloquer les transferts électoraux au profit de la droite dure dans une France plus marquée encore qu’en 2016 par ces thèmes dits de droite (immigration, insécurité, islamisme…).

Enfin, c’est le sujet sur lequel ils parviendront à se distinguer du macronisme. Les Républicains n’ont plus le choix des armes. Le parti n’est pas en mesure d’imposer ses propres thèmes. C’est aussi la conséquence d’une procédure interne mise en route laborieusement et tardivement.

Cela enferme-t-il le futur candidat pour la suite de la campagne ?

En l’état actuel de l’opinion, je ne le crois pas. L’immigration, l’insécurité ou l’islamisme inquiètent profondément les Français. Mais ces thèmes sont pris en charge d’une telle manière par la droite dure que le candidat LR aura du mal à se faire entendre.

Les Républicains doivent donc parvenir à se distinguer de Macron sur le terrain économique et social tout en concurrençant Le Pen et Zemmour sur les enjeux régaliens, sans effrayer la droite modérée par un discours trop marqué ni exaspérer la droite dure par un discours trop mesuré…

À vous entendre, il n’y a guère l’espace pour la droite…

Nul ne sait quel sera l’état de l’opinion dans quatre mois. Les acteurs seront dépendants d’une conjoncture politique, économique, sociale et sanitaire à l’évidence instable.

Mais les Républicains sont les moins bien servis par le jeu. L’opposition systématique, c’est simple : on est toujours contre. De son côté, si Emmanuel Macron subit les inconvénients du président sortant, il en a aussi les avantages. En revanche, la position intermédiaire, celle des LR, est la plus inconfortable. Entre la puissance de la fonction d’un côté et la puissance du verbe de l’autre, les LR devraient faire émerger la puissance d’un caractère.

Il reste que si la qualification pour le second tour se situe toujours autour de 15 %, la droite peut y hisser son candidat puis espérer ensuite le soutien des électeurs qui voudraient manifester leur hostilité à Emmanuel Macron sans risquer de tout briser.

Comment analysez-vous le corpus idéologique de la droite aujourd’hui ?

Sur la sécurité, l’immigration, l’idée de Nation et l’ordre républicain, la ligne est grosso modo conforme à ce qu’elle fut toujours. Sur le programme d’action, on peine à voir. Le discours est encore peu structuré et il reste de nombreuses zones d’ombre sur des sujets majeurs que les débats n’ont pas permis d’éclairer : la recherche, les biotechnologies, l’agriculture, la défense, pourtant dans le domaine régalien, etc.

Chez Eric Ciotti et Valérie Pécresse on retrouve des bribes du libéralisme de François Fillon mais, dans l’ensemble, le social-étatisme reste très prégnant. Beaucoup de propositions sont des idées de dépenses, d’intervention, de normes, ce qui ne peut qu’en partie s’expliquer par la crise de la Covid .

Les candidats promettent plus de souveraineté française par rapport aux règles européennes. La droite a-t-elle dérivé vers le souverainisme ?

Il peut être légitime de considérer qu’il y a un problème avec la manière dont fonctionne l’Union européenne. L’idée que nous n’avons plus la maîtrise de notre destin hante l’opinion. Mais quelques saillies contre les juridictions européennes ne font pas une doctrine. À l’état embryonnaire, ces attaques ne relèvent que d’un jeu tactique mobilisant des thèmes dont on sait la popularité dans le pays.

Éric Zemmour est-il pour la droite une chance ou un danger ?

Aujourd’hui, pour le premier tour, la droite populiste se situe autour de 35 % des intentions de vote. Si Eric Zemmour s’effondre, Marine Le Pen en sera confortée et il deviendra difficile pour les LR d’atteindre le second tour.

Pour autant, succès ou échec, la candidature d’Eric Zemmour aura fait progresser l’idée d’une fusion électorale des droites. Affirmer la puissance régalienne, réduire la pression fiscale, réguler l’immigration et combattre l’islamisme combine les trois droites identifiées par René Rémond. Dans un pays où la droite est majoritaire, une candidature réussissant une telle synthèse dominerait le jeu politique.

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