Un électorat hésitant surtout entre la gauche et le centre

Françoise Fressoz | 12 janvier 2012

Article paru dans Le Monde du 12/01/2012.

Longtemps, les classes moyennes ont servi de réservoir électoral au Parti socialiste. Courtisées par Valéry Giscard d’Estaing qui tenta, sans succès, de les convertir au centrisme politique dans les années 1970, elles ont massivement voté pour François Mitterrand dans les années 1980, rappelle Elisabeth Dupoirier, chercheuse associée au Cevipof (centre de recherches politiques de Sciences Po). Mais ce temps est révolu.

Dans une note sur « Le vote des classes moyennes » publiée par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) en novembre 2011, la chercheuse met en évidence les bouleversements intervenus dans cet électorat et pronostique « une situation politiquement ouverte pour les élections de 2012 ».

NOUVELLE DÉFINITION

Les classes moyennes d’aujourd’hui ne sont plus exactement celles d’hier. Si l’on s’en tient à la définition de « professions intermédiaires » décrites par l’Insee, elles forment un peu plus de 17 % de l’électorat contre environ 15 % à la fin des années 1970. On y comptabilise désormais les contremaîtres et les agents de maîtrise, mais les employés n’y figurent plus. Ils ont rejoint les ouvriers pour former les catégories populaires. Contrairement à Dominique Goux et Eric Maurin dans leur livre Les Nouvelles Classes moyennes (Seuil, 78 p., 11,5euros), MmeDupoirier n’inclut pas, dans son étude, les petits indépendants (commerçants, artisans).

Les classes moyennes, selon sa définition, travaillent à 53 % dans le secteur privé et peuvent être regroupées en quatre pôles : salariés de l’éducation, de la santé et du travail social, groupe dynamique à domination féminine ; cadres moyens généralistes des fonctions publiques, à majorité féminine, mais où les difficultés de revenus sont plus souvent évoquées ; cadres moyens du secteur privé, qui se répartissent à égalité entre hommes et femmes et au sein desquels les difficultés financières du foyer sont le plus souvent invoquées ; techniciens et agents de maîtrise, à forte domination masculine (84 %).

Malgré l’hétérogénéité de leurs situations, ces quatre groupes sont soudés par le sentiment d’appartenance à la classe moyenne et par un système de valeurs propre. Ils adhèrent au libéralisme culturel, c’est-à-dire aux valeurs hédonistes, humanistes, universalistes et anti-autoritaires, ce qui les rapproche des catégories supérieures, mais ils se rangent au côté des classes populaires pour dénoncer le libéralisme économique.

POLITISATION NÉGATIVE

Leur autre point commun est d’avoir un rapport de moins en moins serein à la politique. « Les classes moyennes font partie des catégories sociales les plus politisées, mais leur intérêt pour la politique est lié à leur acharnement à la dénoncer », souligne l’auteure. Contrairement aux années 1980, la politique ne les fait plus rêver.

En décembre 2009, 63 % faisaient état d’un intérêt pour la politique mais 22 % disaient faire confiance aux partis politiques, et 64 % affirmaient ne faire confiance ni à la gauche ni à la droite. Conséquence : les classes moyennes présentent une volatilité politique très supérieure à celle de l’ensemble du corps électoral.

AVANTAGE À LA GAUCHE MAIS…

Sur la période 1978-2010, les classes moyennes ont avantagé la gauche à chaque élection nationale. Leur vote en faveur de partis extrêmes a été inférieur à la moyenne nationale. Cette situation est a priori favorable au PS pour 2012, mais MmeDupoirier introduit des bémols. Elle souligne que, en 2002 comme en 2007, dans la composante peu diplômée des classes moyennes –la plus masculine, la plus âgée, celle où les difficultés de revenus concernent un foyer sur deux–, le Front national a atteint des scores élevés, proches de ceux réalisés dans les catégories populaires : 20 % en 2002 et 12 % en 2007. D’où l’offensive de Marine Le Pen auprès des classes moyennes.

Elisabeth Dupoirier rappelle par ailleurs le très bon score obtenu par Nicolas Sarkozy au premier tour de 2007 (25 % des suffrages et même 33 % parmi les classes moyennes aux revenus les plus élevés) tout en jugeant peu probable qu’il se renouvelle. Elle insiste davantage sur l’attrait qu’exercent les candidats revendiquant un positionnement « ni droite ni gauche », en rappelant que François Bayrou a recueilli 24 % de leurs suffrages en 2007.

Elle constate enfin que, aux élections européennes de 2009 et régionales de 2010, Europe Ecologie est parvenu à faire jeu égal avec le PS. « Aujourd’hui comme demain, il est probable que c’est entre la gauche et le centre que se jouera le vote des classes moyennes en 2012 », conclut-elle.

 

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