
L’Europe, championne du libre-échange
Antoine d’Abbundo | 05 janvier 2020
L’Union européenne continue de croire aux vertus du libre-échange, mais doit prendre en compte les nouvelles attentes de la société civile.
Prise entre l’enclume américaine et le marteau chinois, l’Union européenne reste le premier acteur commercial mondial, du fait d’une stratégie particulièrement offensive qui s’est traduite, cette dernière décennie, par l’entrée en vigueur d’une quinzaine d’accords, dont plusieurs signés avec des pays de premier rang comme la Corée du Sud, le Japon et le Canada. Sans parler de ceux en cours de discussion avec le Mercosur (Amérique du Sud), le Mexique ou l’Australie.
« Cet activisme s’explique par la crise du multilatéralisme, patente depuis l’échec du cycle de pourparlers lancé à Doha en 2001 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », explique Jean-Marc Siroën, professeur à l’université Paris-Dauphine.
Dès cette date, l’Union engage une série de négociations bilatérales pour conclure des traités dits de « nouvelle génération ». Ceux-ci prétendent non seulement supprimer les droits de douane sur les marchandises, mais aussi abaisser les barrières non tarifaires, harmoniser les normes et, surtout, inclure les services, les marchés publics et les capitaux, tout en prévoyant le recours à des tribunaux d’arbitrage privés en cas de litiges.
Cette stratégie s’est avérée jusqu’ici payante. Cinq ans après sa mise en œuvre, l’accord passé avec la Corée du Sud a transformé « un déficit historique de 10 milliards d’euros avec ce pays en excédent de 5 milliards », souligne-t-on à Bruxelles. De même, le Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta), signé avec le Canada en septembre 2017, a permis d’accroître de 7 % les exportations européennes. Quant au Japan-EU Free Trade Agreement (Jefta), en vigueur depuis février 2019, il devrait doper de 25 % sur dix ans les ventes de produits agroalimentaires au Japon.
Ces bons résultats sont aujourd’hui menacés par un contexte international défavorable, voire hostile. « Face au protectionnisme agressif de Donald Trump et au double jeu de Pékin, l’Europe ne peut plus se contenter de s’afficher en championne du multilatéralisme et du libre-échange. Elle doit prendre acte de la guerre commerciale en cours et renforcer ses instruments de défense, notamment les mesures antidumping et antisubventions », plaide Emmanuel Combe, professeur à Skema Business School (1).
« L’autre défi majeur à relever est de mieux intégrer les attentes de la société civile, notamment en ce qui concerne le climat et l’environnement, mais aussi les normes sociales ou de qualité », ajoute Jean-Marc Siroën.
Bruxelles est-elle prête à revoir sa doctrine commerciale ? Il faudra attendre les premières décisions concrètes de la nouvelle commission présidée par Ursula von der Leyen pour s’en assurer.
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