Emigration, fuite des cerveaux, le phénomène s’amplifie

Dominique de Montvalon | 05 mai 2014

Article de Dominique de Montvalon paru dans l’Opinion, le 6 mai 2014

Il y aurait 2 millions de Français établis hors de France. Et le nombre de ceux qui quittent l’Hexagone ne cesse d’augmenter

Démographie

L’auteur du livre Trop d’émigrés ? Regards sur ceux qui partent de France tire la sonnette d’alarme : « L’émigration d’une population jeune et désenchantée ne peut être perçue que comme un signal d’alerte. » Il propose, entre autres, la création d’un ministère des questions migratoires.

Diplômé de l’Institution d’administration des entreprises d’Aix-en-Provence et de Sciences Po Aix, Julien Gonzalez, 27 ans, publie, sous l’égide de la Fondation pour l’innovation politique, un petit livre Trop d’émigrés ? Regards sur ceux qui partent de France, doublement passionnant. Le sujet d’abord : il y a l’immigration, mais pourqui parle-t-on si peu de ceux, de plus en plus nombreux, de plus en plus divers aussi, qui émigrent (ou en rêvent) ? Le ton, ensuite : sans a priori, pas idéologique, modeste. Ainsi, quand les chiffres sont flous, on ne les invente pas.

Julien Gonzalez estime qu’on ne peut pas parler d’immigration sans évoquer l’émigration, d’autant qu’elle s’accentue, au-delà des péripéties (le « hollandisme » passerait difficilement pour un élément d’attractivité), avec la globalisation des échanges. Autrement dit : la mondialisation. La concurrence est désormais partout et, pour peu que certains se sentent mal-aimés ou craignent d’être chômeurs à vie, les portes ailleurs s’ouvrent. Surtout pour accueillir des compétences, des talents, bref des cerveaux : chercheurs, entrepreneurs, jeunes diplômés, managers de grandes entreprises ou détenteur de patrimoines qui, tous, sont courtisés. Car la concurrence internationale se généralise.

Pour mettre les choses en perspective, l’auteur n’hésite pas à évoquer les deux vagues historiques d’émigration : celle qui a succédé à la révocation de l’édit de Nantes au XVIIe siècle (et qui a entraîné la perte de tant « d’éléments productifs » issus du monde huguenot) et « l’exil patrimonial » (plus ambigu, dit l’auteur, mais pas sans fortes conséquences non plus) engendré par la Révolution de 1789.

Pour analyser le phénomène actuel, Julien Gonzalez s’essaie à une topologie des émigrés en dégageant trois profils qui en disent long (et cela date d’avant 2012, même si cela s’est accéléré récemment) sur la crise de confiance que traverse la France.

Pourquoi ils partent. 1. L’émigration patrimoniale (qui a encore « de beaux jours devant elle »). Autrement dit les détenteurs de patrimoines qui quittent la France en raison du niveau d’imposition élevé qui les frappe. Quelles pertes cela représente-t-il pour les finances publiques (pour s’en tenir à cet aspect des choses) ? Les chiffres varient, mais il est une évidence : plus ces citoyens là s’en vont, plus les classes moyennes voient (par compensation) leurs propres impôts grimper.

2. Les émigrés économiques. Là aussi, le niveau d’imposition compte mais tout autant un écosystème «  peu propice à la création d’entreprises et de richesses ». Avec la conviction que les mérites et la prise de risque ne sont pas (ou plus) reconnus en France.

3. Troisième catégorie, la plus récente, celle qui ne cesse de grossir : les « émigrés désabusés ». Un sondage de 2013 n’indiquait-il pas que 51 % des 25-35 ans, s’ils le pouvaient, quitteraient la France, et pas seulement pour passer une année à Londres ? Ce serait déjà le cas d’un diplômé sur cinq issus des grandes écoles de commerce. Perte de productivité, perte sèche aussi pour les finances de la France.

« L’émigration d’une population jeune et désenchantée ne peut être perçue que comme un signal d’alerte » estime l’auteur, avocat du progrès et pas nostalgique pour deux sous. Il propose, entre autres, la création d’un ministère des questions migratoires. Indépendant, insiste-t-il, du ministère de l’Intérieur.

 

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