Présidentielle : l'argent et le parti... Les talons d'Achille d'une candidature Zemmour

Laurent Fargues, Thierry Fabre | 01 novembre 2021

Différence de taille avec l'ex-président américain, le polémiste français prépare sa campagne sans formation politique. Un handicap mais aussi un avantage.

Le contrôle d’un grand parti

À première vue, c’est un handicap pour Eric Zemmour: sans grand parti politique – il veut créer le sien en vue des législatives -, il n’a pas la logistique, les militants et le financement public, dont bénéficient LR ou LREM. En fait, cela pourrait être un plus. « C’est un avantage d’opinion, décrypte Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique. Il y a un rejet des professionnels de la politique. Être porté par un parti classique est aujourd’hui jugé négativement. »

Pour autant, conquérir l’Élysée sans parti est-il possible ? L’exemple d’Emmanuel Macron montre que oui. « Il a précipité l’effondrement des partis traditionnels et a réussi à remporter la présidentielle sans la logistique d’un parti », souligne Reynié. Et le système français, qui plafonne les dépenses de campagne, permet à un outsider de briser l’oligopole des organisations politiques établies. Seul bémol: les 500 parrainages d’élus, exigés pour se présenter, que Zemmour pourrait avoir du mal à collecter, notamment chez ceux de LR, qui vont être accusés de jouer contre leur camp.

À l’inverse, aux États-Unis, le système politique n’offre aucune chance de victoire à un candidat indépendant. Ainsi, Ross Perot, ce milliardaire populiste qui s’était lancé dans la campagne en dehors des deux grands partis, avait échoué en 1992, ne récoltant que près de 19% des voix. Donald Trump le savait. Il avait donc choisi de conquérir le Parti républicain grâce aux primaires, qui ont permis à sa base, ultra-motivée, d’éliminer un à un tous ses rivaux. Cette pression de ses partisans a continué pendant sa présidence, s’exerçant sans relâche sur les élus du Congrès, menacés d’être battus lors du rendez-vous des primaires s’ils ne soutenaient pas Trump.

L’argent et les moyens de la campagne

Impossible de comparer le Gulliver américain et le Lilliput français, quand il s’agit des frais de campagne: Donald Trump a dépensé quelque 1,3 milliard d’euros en meetings, tracts et publicités en 2020, un tiers de plus qu’en 2016, et presque 60 fois plus que le plafond légal de 22,5 millions d’euros, imposé aux candidats à la présidentielle française présents aux deux tours. Et encore, ce chiffre ne prend pas en compte l’amplification du phénomène Trump par des médias fascinés: selon mediaQuant, de juillet 2015 à octobre 2016, cette « pub gratuite » a représenté l’équivalent de plus de 5 milliards d’euros.

Trump a su aussi séduire une poignée de donateurs milliardaires, surtout lors de sa première campagne, qui ont renforcé sa crédibilité de candidat et ouvert les portes de l’Amérique du big business . Le magnat des casinos Sheldon Adel-son et sa femme, Miriam, lui ont par exemple versé une contribution combinée de 82,5 millions de dollars. Mais lors des deux présidentielles, une grande partie de ses ressources a été fournie par les petits donateurs, ses fans.

Eric Zemmour rêve d’un tel engouement populaire qui se transformerait en euros sonnants et trébuchants. Son staff communique sur un « afflux continu de dons » allant de quelques dizaines d’euros à plusieurs milliers. Et le démarrage en flèche des ventes de son livre lui a déjà rapporté environ 1,5 million d’euros. Mais une campagne présidentielle coûte a minima 10 millions. En 2017, Marine Le Pen avait dépensé 12,5 millions et Emmanuel Macron 16,5 millions. Ainsi, depuis quelques semaines, l’ex-journaliste du Figaro se prête aux rituels des dîners pour séduire de riches mécènes, qui peuvent donner jusqu’à 7.500 euros ou prêter des sommes bien plus importantes. Début octobre, l’homme d’affaires Charles Gave, proche de l’extrême droite, a révélé qu’il avait prêté 300.000 euros à l’association Les Amis d’Eric Zemmour. Cette dernière vient d’ailleurs de louer un QG de près de 400 mètres carrés dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris.

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