5anspourdesidées.fr : Dans votre premier ouvrage, vous estimez que la « France est prête » pour des réformes profondes. L’est-elle vraiment ?
Robin Rivaton : La France est effectivement prête et plus exactement ce sont les Français qui le sont. En une décennie, une véritable révolution culturelle s’est opérée dans notre pays, même si elle est passée inaperçue.
Les Français ont profondément changé. Ils ont tout d’abord changé leur regard sur l’entreprise et le travail : plus de la moitié des Français préféraient aujourd’hui être indépendants plutôt que salariés.
Les Français ont également fait évoluer leur regard sur la création de richesses – considérée désormais comme vertueuse – et sur la mondialisation. Nos concitoyens se sont en effet davantage ouverts aux influences extérieures par la consommation mais aussi par l’expatriation : on compte environ 3 millions d’expatriés français. Plein d’optimisme enfin, les Français ont confiance en eux et en leur avenir individuel. Ces changement culturels offrent à la France une opportunité de rebond : les Français sont prêts pour des réformes considérables, pour ré-ancrer leur pays dans le présent. Il ne reste plus qu’aux responsables poli-tiques à saisir cette opportunité.
5anspourdesidées.fr : Vous prônez « le lib-réalisme ». De quoi s’agit-il ?
Robin Rivaton : Ce néologisme permet avant tout de prendre le contrepied du libéralisme. Les Français sont davantage réalistes que libéraux. Ils ont changé leur rapport à la liberté : s’ils veulent être plus libres, leur exigence de liberté ne l’est pas au nom d’un grand principe, c’est un souhait de liberté pragmatique. Il s’agit là de réalisme. Le lib-réalisme apparaît ainsi comme une possibilité pour les Français de construire les institutions qu’ils désirent et de participer aux réformes.
5anspourdesidées.fr : Les Français et le small business : une combinaison gagnante ?
Robin Rivaton : Les Français se distinguent aujourd’hui par de très fortes intentions entrepreneuriales. ils sont aujourd’hui le peuple qui souhaite le plus entre-prendre au sein des pays développés. En 2012, 17 % des Français déclaraient vouloir créer une entreprise dans les trois prochaines années, contre 13 % des Américains et seulement 6 % des Allemands. Il s’agit d’une évolution considérable puisqu’en 2002, la France comptait à peine 3 % d’individus souhaitant devenir entrepreneurs. La France est ainsi passée du dernier au premier rang des pays de l’OCDE. Le problème est que depuis longtemps la politique économique des différents gouver- nements favorise les grandes entreprises. Or celles-ci vont être amenées à rétrécir, ne conserver qu’un cœur restreint de salariés du fait de la baisse des coûts de transaction, Ainsi, pour développer l’emploi, il faut favoriser la création et le développement des petites entreprises. L’autoentrepreneur doit devenir la règle et non plus l’exception. Les Français ont d’ores et déjà cette fibre entrepreneuriale en eux, l’économie française a tout à gagner avec le small business.
5anspourdesidées.fr : Selon vous, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi complexifie plus qu’il ne libère. Pouvez-vous nous expliquer ?
Robin Rivaton : L’objectif du CICE était de freiner la hausse continue des coûts de la maind’œuvre en France, à l’origine d’une part importante de la dégradation des marges des entreprises et de la perte de compétitivité à l’export. Si l’objectif est louable, la mesure n’est absolument pas en adéquation avec notre époque et repose sur un postulat erroné. En effet, le CICE est basé sur la masse salariale or ce n’est pas parce que l’on créé beaucoup d’emplois que l’on créée de la valeur ajoutée. Au final, seulement une TPE sur quatre en a profité. Il aurait mieux valu supprimer l’impôt sur les sociétés, ce qui aurait servi les petites entreprises comme les grandes, les entreprises basées en France et surtout envoyer un signal positif en faveur de l’ambition. C’est une bonne chose de vouloir faire des profits !
5anspourdesidées.fr : Comme le think tank 5 ans pour des idées vous défendez l’impôt pour tous. Quelles sont vos raisons ?
Robin Rivaton : L’impôt est aujourd’hui trop souvent perçu comme punitif : de plus en plus de Français ont le sentiment de payer injustement pour leurs concitoyens qui échappent à l’impôt. Le concept de l’impôt pour tous est simple : un tel impôt remplacerait l’impôt sur le revenu, la CSG-CRDS, les prélèvements sur les capitaux mobiliers et l’impôt sur la fortune. Acquitté par tous, il repose sur deux taux : 5 % pour les revenus inférieurs à 12 000 euros et 20 % au-dessus et suppose la suppression de toutes les niches fiscales. Si le concept est simple, il n’en est pas moins vertueux. Il a tout d’abord une vertu économique : l’impôt tel qu’il est conçu aujourd’hui est trop élevé, il est dissuasif en freinant la capacité à travailler et à entreprendre des citoyens. Il faut changer la donne. L’impôt pour tous a ensuite une vertu politique : il rend les citoyens maîtres de leur fiscalité, une fiscalité claire et visible. La dernière vertu est sociale : si chacun paye l’impôt, chacun contribue au financement du service public et prend conscience du coût de celui-ci, ce qui évitera bien des comportements de gaspillage qu’induit le sentiment de gratuité.
5anspourdesidées.fr : La France est-elle encore une grande puissance mondiale ?
Robin Rivaton : Techniquement elle l’est encore : la France est un pays riche, avec une production globale élevée et une population qui vit bien. Mais sur la dynamique, nous nous trouvons sur la pente descendante, nous sommes ainsi une puissance moyenne en devenir. Est-ce un mal ? Absolument pas, nous pouvons vivre heureux en étant au dixième ou au quinzième rang des pays en terme de création de richesse, tout en restant au cœur d’une Europe qui doit demeurer la première puissance mondiale.
Robin Rivation, économiste et essayiste, est membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique, et auteur de «La France est prête» (Les Belles Lettres, oct. 2014).
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