Cela ne signifie pas que c’est invariablement le cas, mais cet objectif est vertueux et l’entreprise qui s’en écarterait trop est sanctionnée. Il suffit d’observer le marché pour le constater : l’entreprise qui établit ses prix au-delà de ses concurrents régresse ; parce qu’elle recherche le profit, elle devra se corriger. Si elle veut avoir un « impact », son défi n’est pas de vendre des produits écoresponsables à une élite fortunée, mais de les rendre accessibles au plus grand nombre : cela l’oblige à optimiser ses coûts, à innover. C’est un parcours plus difficile que réclamer une restriction de concurrence pour profiter d’une rente.
À qui rendre compte ?
Autre raison de se réjouir : les dirigeants n’ont à rendre de comptes qu’aux actionnaires. C’est à eux – et à personne d’autre – qu’appartient l’entreprise. Non seulement parce qu’ils en ont acquis une part, contribuant à la financer, mais aussi parce qu’ils ne bénéficient d’une rémunération qu’ultimement, c’est-à-dire une fois que les fournisseurs, les salariés et l’État ont été servis. Cela ne signifie pas que les autres « parties prenantes » n’ont pas droit de cité, mais il est faux de prétendre qu’elles doivent l’avoir à égalité.
Ce rappel indique également la voie par laquelle l’entreprise peut adapter ses objectifs : celle de la démocratie actionnariale. C’est dans ces assemblées de propriétaires qu’ont été votées des résolutions exigeant des dirigeants qu’ils clarifient leurs rémunérations (say on pay) ou accélèrent leur transition écologique (say on climate).
Entreprise politique
Enfin, il n’est pas sain de mêler entreprise et politique. Dans son texte de 1970, Milton Friedman rappelle cette évidence et explique qu’un dirigeant qui déciderait de mobiliser l’entreprise au nom de telle ou telle cause serait en réalité amené à détourner une partie des marges (au détriment des consommateurs) et des dividendes (au détriment des actionnaires), dans le but de financer ses préférences personnelles. Or, explique le Prix Nobel, il n’est pas sain que des dirigeants non élus par la voie démocratique se mêlent d’influencer la politique.
La consommation devient ainsi politique. Acheter une marque de yaourt, de glace ou de café devient un acte militant. Plus encore, la vie dans l’entreprise suit cette voie, ce qui peut mobiliser certains salariés mais semble en démotiver une part plus grande. Celle-ci désapprouve cette invasion ou est déstabilisée par les divergences partisanes qu’elle ressent avec son management. Au total, l’entreprise perd sa fonction de rassembler des individus différents et se mue en un instrument supplémentaire de segmentation de la société.
Le capitalisme, meilleur outil
Contribuer à un monde plus tolérant et favoriser la transition écologique sont des objectifs hautement légitimes et louables. Le discours sur la RSE, probablement emporté par son enthousiasme (et parfois manipulé par quelques militants), a tendance à en faire cependant un absolu et à encourager par conséquent une confusion malvenue des moyens.
Le capitalisme a les outils pour répondre aux défis sociaux ou environnementaux qui se présentent devant lui. Il est même le seul système économique qui, avec ses défauts, est capable de le faire, car le seul à pouvoir s’amender sans cesse. Surtout, il est le seul susceptible de les relever tout en préservant la liberté et en favorisant le confort du plus grand nombre.
*Erwan Le Noan, essayiste, est membre du conseil scientifique et d’évaluation de la Fondapol, un laboratoire d’idées qui se définit comme libéral, progressiste et européen.
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