Signes des temps - Comment rester de gauche par temps d'asphyxie idéologique ?

Dominique Reynié, Marc Weitzmann | 09 mai 2021

40 ans après le 10 mai, tandis qu'une bonne partie de la gauche renoue avec l'anathème et les certitudes, sondages et études pronostiquent un basculement de l'opinion à droite. Comment conserver dans ce paysage « le courage de la nuance » selon le titre du livre de Jean Birnbaum.

Le 09 mai 2021, Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, était l’invité de Marc Weitzmann dans l’émission Signes des temps sur France Culture.

Quarante ans après la fête du 10 mai 1981, et à, un an des élections présidentielles, sur fond de terrorisme, de montée populiste, et d’isolement dû à la pandémie le débat public est redevenu brutal et renoue avec l’idéologie. A gauche en particulier, des livres sont vilipendés, accusés de faire le jeu de l’extrême-droite, tandis que des journalistes sont pris à parti, traités non plus de « chiens à la solde Wall Street », comme à l’époque de la guerre froide, mais « d’arabes ou de noirs de service ».  Dans le même temps, un sondage Ifop sorti le 25 avril dernier nous apprenait que les intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon, ne dépassaient pas 12 à 13 % au mieux, et une étude de la Fondation pour l’innovation politique (La conversion des Européens aux valeurs de la droite, mai 2021) qui sort en ce moment confirme le basculement à droite des opinions européennes, notamment les plus jeunes.

Le livre de Jean Birnbaum sorti ce printemps Le courage de la nuance, s’ouvre sur une citation d’Albert Camus : « Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison ». Cette phrase de Camus date des tous débuts de la guerre froide, une époque où le parti communiste très stalinien, contre lequel Camus se battait dominait les milieux intellectuels et artistiques en France. Nous n’en sommes plus du tout là aujourd’hui, et pourtant, entre intersectionnalité, islamo-gauchisme et peur de faire le jeu de l’extrême droite, elle résonne avec une étrange actualité, comme si une gauche désormais minoritaire s’obstinait à vouloir bégayer la langue de la guerre froide. Comment rester de gauche en ces temps d’asphyxie idéologique ? Et le faut-il ?

Un nouvel équilibre de la terreur ?  

Jean Birnbaum interroge l’héritage du stalinisme. Il cite Georges Bernanos pour évoquer la lâcheté qui altère le débat public.

« Il ne s’agit pas du tout pour moi de vouloir taire les désaccords. Mais de trouver un espace de discussion loyal, c’est-à-dire à la fois honnête et frontal. (…) L’idée était de creuser des failles, des non-dits de ma propre culture politique de gauche sur les questions religieuses en général, sur la question du djihadisme en particulier. (…) Il y a une crispation idéologique. (…) Il faut transmettre aux jeunes générations qu’il n’y a pas d’espérance radicale qui n’est pas doublée de mémoire. » Jean Birnbaum

« Libération est le journal de toutes les gauches ; au sein de la rédaction, il y a toutes les nuances. » Alexandra Schwartzbrod

« La tension diminue quand l’homogénéité idéologique s’impose. La comparaison avec la guerre froide est intéressante ; cela renvoie à un moment où on a des systèmes de partis et des systèmes idéologiques de part et d’autre qui favorisent cette confrontation. Mais dans un cadre comme celui de la la démocratie libérale et du pluralisme des médias. Aujourd’hui, on a un cadre médiatique, encastré dans une numérisation du monde qui est une des explications de ce qui nous arrive ; nous sommes plus soucieux d’appartenance. » Dominique Reynié

Retrouvez l’émission dans son intégralité sur franceculture.fr.

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