Abstention, la grande favorite des élections
18 mars 2014
Abstention, la grande favorite des élections
La grande inconnue des élections municipales est sans aucun doute le taux d’abstention pour le scrutin des 23 et 30 mars 2014. Sujet de discordes à l’occasion des soirées électorales et d’interprétations à froid, l’abstention est protéiforme et ne saurait être définie par un paramètre unique. L’abstention pour les municipales 2008, lors du premier tour, était relativement élevée dans les régions Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur avec de grandes disparités selon les communes. D’emblée, précisons que cet article vise les régions précitées, en ne prenant que les villes comptant plus de 30 000 habitants.
Trois grandes régions de France passées au crible : le Nord, l’IDF et la PACA
33,5 %. C’est le taux d’abstention enregistré lors du premier tour des municipales de 2008 en France. De profondes disparités se cachent derrière ce « score » et il serait hasardeux de dresser des théories générales. Il n’en demeure pas moins que les données issues de notre panel (pour mémoire, les résultats dans les villes de plus de 30 000 habitants au premier tour des municipales 2008) viennent rappeler que la participation sera peut-être loin d’être acquise les 23 et 30 mars prochains.
Le Nord-Pas-de-Calais, région minière en proie au chômage de longue durée et touchant une multitude de catégories socioprofessionnelles connaissait une abstention des plus élevées. Lors des précédentes élections municipales de 2008, l’abstention affichait un taux de 46,2 % pour les villes de plus de 30 000 habitants. Plus spécifiquement, l’abstention pouvait passer du simple au double. La commune de Roubaix présentait un taux de 60,5 % contre à peine 37,1 % pour Arras.
La région Ile-de-France collait de près celle du Nord. Son taux était à 45,7 % toujours pour la même catégorie de communes avec une pointe de 55,25 % à Sarcelles ou encore Paris qui comptabilisait une abstention à 43,07 %. Pour la région, cela avoisinait une hausse de 12 points par rapport à la moyenne nationale…
Le Sud de la France ne faisait pas exception à la règle : la région PACA totalisait une abstention proche de 40 %. Istres voyait son taux pointer à 29,7 % tandis que l’abstention à Cannes grimpait jusqu’à 41,23 %.
Derrière l’abstention, une multitude de facteurs… et de conséquences
Omniprésente -et malheureusement uniquement- lors des soirées électorales dans les médias, les municipales voient aussi l’abstention s’immiscer dans le débat. Le fait d’en parler peut permettre de se recentrer sur ses vecteurs, même s’ils sont toujours plus diversifiés.
La tendance d’une partie des commentateurs de la vie publique est d’accoler à l’abstention un caractère protestataire. C’est en partie vrai mais il ne s’agit pas de sa seule explication. Des raisons « ordinaires » peuvent venir expliquer le fait de s’abstenir : être malade ou encore avoir déménagé et ne pas avoir pensé à s’inscrire sur les listes électorales de sa nouvelle commune (et donc radiation des listes de la ville d’origine).
Quant au choix délibéré de s’abstenir lors d’un scrutin, la chose est plus complexe. Elle nécessite la bonne prise en compte des variables sociodémographiques pour y voir plus clair. Sont alors considérés le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle ainsi que le niveau d’éducation. Si l’on prend l’âge comme variable, « les taux d’inscription et de participation seront plus hauts à mesure que l’âge s’élève »[1]. On peut y voir une certaine forme de désillusion de la chose publique malgré le fait d’appartenir à une classe d’âge plutôt jeune. Et l’absence d’enjeux clairement identifiés ne vient pas faciliter le choix, bien au contraire.
Aujourd’hui, entre les communautés de communes, les départements, les régions et l’État, qui sait ce que peut précisément faire le maire ? C’est ainsi que l’on se retrouve avec une proportion d’un tiers des électeurs qui vote à chaque reprise et que les deux tiers votent la plupart du temps avec une dose d’abstention occasionnelle.
La fin de la « fatigue civique » est-elle une utopie ?
L’expression utilisée par Pascal Perrineau dans la rubrique « Etudes politiques » du Figaro du 12 mars dernier puise sa source dans le fait que l’abstention n’a cessé de croître depuis un certain nombre d’années. À 21,6 % en 1983, le taux d’abstention est grimpé de manière fulgurante pour frôler les 32,6 % en 2001, soit une hausse de près de 11 points ! On peut y voir là une augmentation importante non plus de la simple indifférence des électeurs mais de la défiance de ces derniers à l’égard du scrutin municipal. Censées être les élections les plus proches des citoyens, les municipales voient des électeurs essoufflés, fatigués. Pourtant, selon le baromètre de confiance du Cevipof de janvier 2014, 62 % des citoyens font confiance à l’institution « conseil municipal ».
La fatigue civique ne va pas être encouragée par le positionnement temporel des élections municipales : elles interviennent en tant qu’élections intermédiaires. Cela déclenche l’effet pervers qu’une partie de l’électorat de la majorité risque de ne pas se déplacer aux urnes. Le camp au pouvoir est par conséquent fortement handicapé et le processus s’alimente aussi du sentiment de déception quant aux actions mises en œuvre par la majorité gouvernementale.
Deux hypothèses peuvent intervenir en faveur d’un réveil civique :
– à l’occasion d’un scrutin à deux tours, les électeurs ont tendance à se mobiliser davantage au second tour ;
– le souhait d’en finir avec le sentiment de « déléguer » sa voix afin d’être mieux représenté.
Malgré tout, une variable de taille demeure : plus l’on augmente le nombre de scrutins dans un laps de temps resserré, plus la participation tend à baisser. Or en 2014, il y a également les élections européennes du 25 mai.
Matthieu Turpain.
Crédit photo: By Léonard, Les Temps nouveaux (BNF/Gallica) [Public domain], via Wikimedia Commons
[1] Article « L’abstention » par Françoise Subileau, pp. 1-4, in Pascal Perrineau et Dominique Reynié (sous la direction de), (2001), Le dictionnaire du vote, PUF, 997 pages
Aucun commentaire.