Administration Trump : cabale médiatique ou réel amateurisme ?

William Guebhardt | 04 mars 2017

landscape-1485881930-trumpchaosMisogyne, raciste, irresponsable… Donald Trump a été la cible, à tort ou à raison, d’un lynchage médiatique de la presse occidentale : présenté lors de la campagne présidentielle américaine comme un despote en puissance menaçant la démocratie. Le parti pris évident des médias contre lui amène donc à questionner leur objectivité et à mettre en perspective les différents couacs qui sont advenus depuis le début de sa présidence.

 

Un spoil system favorisant les discordances

Le spoil system, principe selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane de ses fonctionnaires, substitue ceux qui sont en place par des fidèles, mène à un renouveau total du personnel administratif et donc à une période de transition plus ou moins difficile, les mécaniques n’étant encore pas bien huilées.

Cette redistribution des postes de pouvoir donne systématiquement lieu à des luttes d’influence entre les différents services en début de mandat, chacun voulant asseoir son autorité, ce qui produit fuites et dissonances.

Ainsi la plupart des gouvernements font face durant les premiers temps à certaines difficultés. Il est reproché à Trump le choix de ses secrétaires d’Etat ou conseillers, dont plusieurs ont dû se retirer (Michael Flynn, Andrew Puzder, Sally Yates), néanmoins le début de mandat d’Obama, pourtant unanimement salué pour son professionnalisme, s’était déjà lui aussi vu handicapé par le retrait de Tom Daschle et Nancy Killefer pour cause d’ennuis avec le fisc. La nomination des membres de l’administration passant par un examen fouillé des sénateurs et à un vote de ces derniers, il est fréquent que certains soient récusés.

 

De nombreuses fuites, couacs et incohérences

Néanmoins, l’administration Trump a dû faire face à un nombre de faux pas inégalé.

Le décret anti-immigration, surnommé « Muslim Ban », a vu son application gelée par les juridictions américaines, jusqu’à son examen par la Cour Suprême des Etats-Unis. Ce décret a également mené au limogeage de la ministre de la justice Sally Yates, qualifiée de traître par Donald Trump : elle avait demandé aux procureurs de ne pas défendre le décret du président.

Par ailleurs, selon le New York Times, le président américain n’aurait pas réalisé l’ampleur du pouvoir qu’il accordait à Stephen Bannon en nommant celui-ci au poste de membre du conseil de sécurité.

Enfin, de sérieux problèmes de confidentialité ont été révélé lors des déplacements du président dans son club de Mar-a-Lago : l’homme transportant la valise avec les codes nucléaires a été pris en photo et identifié par un membre du club, qui a posté la photo sur les réseaux sociaux; une réunion de crise, théoriquement confidentielle avec le Premier ministre Japonais Shinzo Abe concernant les tirs de missile Nord-coréen, a été tenue en public dans ce même club. De plus, un enregistrement audio diffusé par Politico donne à entendre le président américain inviter des proches à se joindre à lui pour des entretiens avec de potentiels ministres.

Comment expliquer ces divers faux pas et les nombreuses fuites émanant de la Maison Blanche ?

 

La méthode Trump : entre amateurisme, légèreté et mise en concurrence

Selon plusieurs articles du New York Times, NPR et Politico, l’administration Trump serait divisée en deux clans, entre le chef de cabinet Reince Priebus et le conseiller en stratégie Steve Bannon, qui se livreraient une lutte sans merci, n’hésitant pas à s’attaquer l’un l’autre.

Cette division est exacerbée par la gestion managériale de Donald Trump qui semble apprécier de mettre ses équipes en concurrence. Ainsi on assiste, telle la société de cour décrite par Norbert Elias en vigueur à Versailles[1], à une lutte au sein de ses équipes afin d’être le mieux placé auprès du président. Cette ambiance de méfiance mène ainsi à un nombre plus important de fuites de documents confidentiels.

Par ailleurs, Donald Trump fait face à une réelle hostilité de la part de certains fonctionnaires, qui le voient comme une menace. Certains agents chercheraient ainsi le moyen de contrer le travail de l’administration de l’intérieur et feraient fuiter des informations pour saper son travail où agir tels des lanceurs d’alerte.

Donald Trump, homme d’affaires sans expérience politique n’emploie pas les canaux habituels de communication et ne suit pas non plus les processus classiques de prise de décisions. Les différents services ne sont pas systématiquement inclus dans le processus décisionnel ni même informés des décisions prises, ce qui mène naturellement à des incohérences dans l’action. Ainsi, le décret actant le démantèlement de l’Obamacare a été rédigé sans que le ministre de la Santé ne soit consulté, d’après le New York Times

Il semble consulter davantage ses proches que ses conseillers, preuve d’une certaine légèreté, voire désinvolture, rendant la tâche difficile pour ces derniers.

Cet amateurisme conduit à une réelle défiance dans son propre camp : ainsi le sénateur républicain John McCain a multiplié les critiques contre Donald Trump et la nomination de Betsy DeVos au secrétariat à l’Education a nécessité le vote du Vice-Président en personne pour la première fois de l’histoire américaine.

 

 

 

[1] Norbert Elias, La Société de cour, trad. de l’all. par Pierre Kamnitzer, Paris, Calmann-Lévy, 1974.

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