Après Charlie : une mixité sociale sans mixité ethnique ?

Fondapol | 29 mai 2015

MixitéAprès Charlie : une mixité sociale sans mixité ethnique ?

Par  Jean-Claude Sommaire

Début mars, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé diverses mesures destinées à favoriser la mixité sociale dans les quartiers et y combattre l’apartheid social, territorial et ethnique qui s’y est développé depuis 30 ans. À cette occasion, il a même annoncé vouloir l’imposer au moyen d’une « politique de peuplement », visant expressément à lutter contre les phénomènes de ghettoïsation.

L’une des  difficultés, cependant, est que la mixité sociale, souhaitée par le Premier ministre, est refusée par beaucoup de nos compatriotes qui savent qu’elle s’accompagne aussi d’une  mixité ethnique dont ils ne veulent pas. Ainsi, en matière scolaire, les stratégies d’évitement des familles, vis-à-vis des écoles à problèmes, sont d’abord fondées sur ce rejet de la mixité ethnique. Celles qui sont soucieuses de la réussite scolaire de leurs enfants, quelles que soient d’ailleurs leurs origines et leur sensibilité politique, ne veulent pas les scolariser dans des écoles où il y a beaucoup d’enfants arabes et noirs.

Ce rejet, au niveau des écoles où il est amplifié, existe d’abord au niveau de l’habitat. Tahar Ben Jelloun l’a bien explicité dans une tribune, très interpellante, publiée dans  Le Monde il y a quelques années. Dans cet article, dans lequel il appelait à une politique de sauvetage des banlieues, il constatait, qu’en raison du comportement de certains d’entre eux, plus personne n’avait envie d’avoir comme voisins des jeunes  issus de l’immigration.

Enfin s’ajoute maintenant, dans ces quartiers, un fort rejet de l’islam par les populations d’origine européenne qui y vivent encore, quand le port du voile, les tenues islamiques et les commerces halal, s’y sont fortement développés.

Peut-on, dans ces conditions, continuer à multiplier les injonctions à une mixité sociale, dont tout le monde sait qu’elle est aussi une mixité ethnique dont personne ne veut ? Bien sûr, pour mieux répartir les braises, selon une formule de l’essayiste Malika Sorel, il apparait indispensable de continuer à sanctionner les communes qui n’ont pas encore atteint leur quota de logements sociaux. Mais il faut aussi explorer d’autres voies.

Dans un livre publié après les émeutes de 2005, François Puponni, maire PS de Sarcelles, avait évoqué trois scénarios possibles pour les  quartiers en voie de ghettoïsation : les abandonner aux imams, les reconnaitre en offrant un avenir aux populations qui y vivent, les détruire pour reconstruire des cités idéales où régnerait la mixité sociale. Ne croyant pas à cette dernière option, il plaidait alors pour la mise en place de politiques de développement social communautaire dans ces zones ghettoïsées. Prenant l’exemple de sa ville, il considérait qu’il était tout à fait possible, dans le cadre des valeurs de la République, de mobiliser le capital social des communautés ethniques, culturelles et religieuses pour améliorer le vivre ensemble.

Une approche similaire a également été mise en œuvre, de façon intéressante, à Mantes la Jolie. Pour créer de la mixité sociale, dans le quartier du Val Fourré, des logements en accession à la propriété ont été construits à la place de logements sociaux dégradés, lesquels ont été acquis à 85% par des familles de la cité en cours d’ascension sociale.

Pour l’ancien maire UMP, Pierre Bédier, maintenant président du Conseil départemental des Yvelines, la dimension musulmane du Val Fourré (deux mosquées, une école privée musulmane, des commerces halal, etc.) a joué dans le choix de ces familles. Au lieu d’être un handicap, cet environnement a été un atout qui a permis le maintien sur place de populations qui contribueront au développement économique et social de ce quartier.

Il y a donc aussi une autre façon de faire de la mixité sociale, sans mixité ethnique, qui gagnerait à être développée dans les quartiers défavorisés.

Crédits photo :  michaeljayberlin / Fotolia

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