Au Royaume-Uni, le vote des minorités ethniques met en alerte les conservateurs
Rémi Velez | 26 mars 2015
Au Royaume-Uni, le vote des minorités ethniques met en alerte les conservateurs
Par Rémi Velez
En 2050, selon le Daily Mail, un britannique sur trois ne sera pas « blanc », ce qui fait craindre aux Tories une succession de défaites électorales. En effet, il y a cinq ans, lors des dernières élections générales, seulement 16% des non-blancs – en excluant les abstentionnistes – avaient voté pour le parti conservateur : ne pas être blanc semble être la raison principale pour ne pas voter à droite. Au sein du parti de David Cameron, l’actuel Premier ministre de la coalition réunissant les conservateurs et les libéraux-démocrates, l’expression « bombe démographique à retardement » s’impose et reflète les inquiétudes suscitées par l’exemple américain.
Aux États-Unis, la place croissante occupée par les minorités au sein de l’électoral explique en grande partie les victoires de Barack Obama. Lorsqu’elles se mobilisent peu, notamment au moment des élections législatives partielles, les Républicains l’emportent. Faute d’avoir fidélisé les électeurs issus des minorités, le GOP ne remporte jusqu’à maintenant les élections que si ces derniers ne se déplacent pas aux urnes. Le même scénario semble se dessiner sur le champ politique britannique.
Un quart des députés seront élus par une population issue de la diversité
Au mois de mai, dans 168 circonscriptions électorales sur 650, les électeurs issus de l’immigration extra-européenne seront majoritaires. Or, le système électoral britannique fait élire les députés arrivés en tête du premier tour. Si les minorités ethniques se mobilisent autant que le reste de l’électorat, elles seront en mesure de faire gagner un candidat partout où elles sont relativement ou absolument majoritaires. Aujourd’hui, elles penchent plutôt en faveur des travaillistes : d’après The Economist, le Labour a ainsi soixante-quatre points d’avance dans les intentions de vote pour les Anglais bangladais, cinquante-sept pour les Noirs et vingt pour ceux d’origine indienne. Si ces chiffres se confirment, les Tories connaitront de réelles difficultés électorales. Ces écarts pourraient d’ailleurs limiter la victoire probable des Conservateurs en mai 2015.
Cette perspective désastreuse stimule les think tank de droite qui pressent David Cameron de faire le tour des temples et des mosquées pour rallier des électeurs prêts à voter pour les Tories si ces derniers font l’effort de ne pas présenter que des candidats blancs. Ils rappellent en outre qu’il peut exister des proximités politiques réelles : les intellectuels conservateurs aiment ainsi répéter que les descendants d’immigrés sont aussi hostiles à l’immigration récente que les « britanniques de souche ». Les Tories ont, d’ailleurs, déjà des représentants issus des minorités : durant la cinquante-quatrième législature (2005-2010), deux députés non blancs siégeaient parmi le groupe parlementaire conservateur. Aujourd’hui ils sont onze et leur nombre devrait nécessairement augmenter en 2015.
L’exemple du Parti conservateur du Canada (PCC)
Quand Stephen Harper a pris la tête du parti conservateur en 2003, les Canadiens non blancs votaient trois fois plus pour le Parti Libéral alors au pouvoir. Aujourd’hui, après les victoires successives des conservateurs en 2006, 2008 et 2011, ils sont en majorité plus enclins à leur accorder leurs suffrages. M. Harper a réussi cet exploit politique en trois actes. En s’excusant pour le passé xénophobe du pays et l’ancienne taxe réservée aux immigrés chinois, il a placé la question des discriminations au centre du débat politique. Il a fréquemment souligné la faible représentation des Canadiens issus de la diversité dans les média. Il a aussi fait l’effort de montrer l’exemple en facilitant la carrière des jeunes « de couleurs » dans son parti.
Au contraire, David Cameron n’a jamais montré de l’intérêt pour les problématiques ethniques. Il est d’autant moins susceptible de le faire depuis que la rhétorique anti-immigrée de Nigel Farage et du UKIP attire la frange la plus conservatrice des Tories. Il n’a d’ailleurs jamais présenté ses excuses lors de ses visites en Inde pour les massacres commis par l’administration coloniale.
Crédit photo : World Economic Forum
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