Baisser la dépense publique pour sauver les libertés individuelles

Erwan Le Noan | 02 avril 2017

hand-517114_960_720Capitalisant sur un positionnement adopté il y a longtemps (son « je suis à la tête d’un Etat en faillite » date de 2007), François Fillon revendique être « le seul à vouloir prendre le taureau par les cornes » en matière de dette publique : dans ce but, il préconise de réduire la dépense publique de 100 milliards d’euros. De son côté, Emmanuel Macron veut « économiser 60 milliards par rapport à la trajectoire spontanée (dite tendancielle) des dépenses » et maintenir le déficit public sous le seuil des 3 % du PIB, tout en réalisant un effort d’investissement de 50 milliards. Quant à Marine Le Pen, elle promet de réduire la dette de huit points de PIB, sans expliquer comment.

Tous ces candidats abordent ainsi le sujet de la gabegie des finances publiques, déjà dénoncé par le rapport Pébereau en 2005, sous l’angle économique. Ils ont raison : il n’est plus besoin de démontrer combien les dépenses publiques sont, aujourd’hui, souvent peu efficaces, ni combien l’Etat, qui se finance sur le dos des contribuables, perturbe la création de richesses.

Il est une autre motivation pour laquelle la dépense publique doit être baissée : les libertés individuelles.

Dans une démocratie, précisément parce qu’il n’est pas un centime de dépense publique qui ne soit prélevé d’autorité sur les citoyens, ceux-ci ont le droit de surveiller comment leur argent a été utilisé. C’est la raison pour laquelle, notamment, les élus doivent rendre des comptes sur l’usage qu’ils font des deniers publics – ce que, paradoxalement, François Fillon a mis du temps à comprendre. C’est la raison pour laquelle, aussi, l’Etat se dote d’enquêteurs divers : celui qui profite d’allocations ou de subventions de manière indue abuse la collectivité. La dépense publique implique donc nécessairement le contrôle social.

Droit de regard. Cette évidence est, dans la pratique, peu partagée. Les médecins revendiquent leur liberté d’exercice, alors que c’est la collectivité publique qui solvabilise leur demande à travers la Sécurité sociale. Les industriels exigent le droit de produire sans intervention mais veulent régulièrement profiter du soutien de l’Etat. Les syndicats s’offusquent de la lutte contre la fraude sociale, alors que les dispositifs de solidarité sont financés par les prélèvements obligatoires. De la même manière, c’est parce que les contribuables financent la santé de leurs concitoyens qu’ils ont le droit de réglementer la façon dont ils boivent et fument (en ce sens, légaliser le cannabis est incompatible avec un régime d’assurance sociale collective).

Le député Guillaume Bachelay (PS) l’avait dit très clairement en 2012, expliquant la politique du gouvernement vis-à-vis de l’industrie automobile : « Là où il y a argent public, il doit y avoir droit de regard de la puissance publique ». Comme en France la dépense publique représente près de 57 % du PIB et imprègne la vie quotidienne de tous les Français, après des décennies d’impérialisme invasif de l’Etat-providence, la vision de la puissance publique sur nos activités embrasse large !

La dépense publique n’est donc pas qu’un problème économique : un fort niveau de socialisation des dépenses n’est pas compatible avec une liberté individuelle forte. En pratique, cela impose qu’un arbitrage soit fait entre ces deux opposés. Ce sujet, à travers lequel transparaît en filigrane la question du rôle de l’Etat, est malheureusement un enjeu absent du débat public.

Article initialement publié sur L’Opinion.fr le 26 mars 2017

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