#changebrazil … quand les jeunes Brésiliens descendent dans les rues

20 juin 2013

#changebrazil … quand les jeunes Brésiliens descendent dans les rues

#changebrazil, #revoltadovinagre, #PasseLivre, #OGiganteAcordou, #VerasQueUmFilhoTeuNãoFogeALuta, #protestosp, #protestori… à l’image des jeunes Turcs sur la place Gezi, la jeunesse brésilienne descend elle aussi dans les rues pour protester – environ 250 000 brésiliens manifestaient pacifiquement dans la plupart des grandes villes du pays – et utilisent massivement les réseaux sociaux.

Pour autant, la comparaison s’arrête là : bien que le mouvement brésilien emprunte les mêmes outils de mobilisation, les revendications et le contexte économique, politique et social diffèrent largement. En effet, d’après Claudia Damasceno Fonseca[1], « le Brésil est une démocratie, et aucun manifestant ne pense lutter contre une dictature ou un gouvernement autoritaire »[2].

Qui est dans la rue ? Principalement des jeunes, de 18 à 40 ans et des étudiants et, plus largement, une classe moyenne qui cherche à s’affirmer.

Le point de départ (ou le prétexte), c’est la hausse du prix des transports en commun à São Paulo[3], alors même que s’organise la Coupe des Confédérations et que l’Etat dépense des sommes mirobolantes en vue de la Coupe du Monde 2014, et que la situation économique et sociale des classes moyennes des grandes villes se dégrade : « Les manifestations ont commencé timidement à Sao Paulo il y a dix jours et se sont rapidement étendues à tout le pays, tout comme les revendications. Les protestataires, surtout des jeunes de la classe moyenne rejetant classe politique et médias traditionnels, qui se mobilisent via les réseaux sociaux, stigmatisent désormais plus largement la précarité des services publics de base au regard des milliards dépensés pour l’organisation du Mondial-2014. »[4]. A cela s’ajoute la répression policière, dont la visibilité sur les réseaux sociaux n’a pas tardé à entraîner une mobilisation massive.

Au contraire du bras de fer qu’exerce le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avec les protestataires de la place Gezi d’Istanbul, la présidente de la sixième économie mondiale, Dilma Rousseff, a lancé mardi dernier un message d’apaisement, un signe d’écoute à cette jeunesse mobilisée, elle qui sous la dictature avait été une fervente militante : « Mon gouvernement écoute ces voix en faveur du changement. Il est engagé en faveur de la transformation sociale », ajoutant que « les exigences de la population changent au fur et à mesure que nous transformons le Brésil, que nous augmentons la richesse, l’accès à l’emploi et à l’éducation »[5].

Très populaire en son pays, la présidente issue du Parti des Travailleurs de Lula da Silva a donc bien compris qu’avec l’essor économique, les populations (en particulier les nouvelles classes moyennes) aspirent à plus de droits et de libertés.

Il conviendrait, en outre, de mettre en lumière un phénomène qui n’est pas propre au Brésil ou à la Turquie : celui d’une crise de la représentation politique. En témoigne le fait que, pour la première fois au Brésil, « les gens ne descendaient pas dans les rues à l’invitation d’un syndicat ou d’un parti politique, mais de gens qu’ils connaissaient »[6], court-circuitant les canaux traditionnels de la démocratie représentative.

Charles-Antoine Brossard



[1] Claudia Damasceno Fonseca est co-directrice du centre de recherche sur le Brésil colonial et contemporain à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales).

[2] Le Monde, Au Brésil, des manifestants « à l’aise, bien instruits, mais appauvris », http://www.lemonde.fr/ameriques/chat/2013/06/19/comment-expliquer-les-manifestations-au-bresil_3432720_3222.html, 19 juin 2013.

[3] Pour aller plus loin : « La première cause, c’est la protestation contre la hausse de 20 centimes du prix des transports en commun, décidée sans concertation par les autorités. Il existe déjà depuis 15 ans au Brésil un mouvement appelé « Passe Livre », qui exige un accès gratuit aux bus et au métro, et qui organise régulièrement des manifestations. La prise de conscience à ce sujet est donc assez ancienne chez les Brésiliens. », Le Nouvel Observateur, Brésil. « Beaucoup de points communs avec Occupy Wall Street », http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130618.OBS3736/bresil-beaucoup-de-points-communs-avec-occupy-wall-street.html, 18 juin 2013.

[4] Libération, Violents heurts à Niteroi, au Brésil, http://www.liberation.fr/monde/2013/06/20/violents-heurts-a-niteroi-au-bresil_912365, 20 juin 2013.

[5] Le Figaro, Au Brésil, Dilma Rousseff tente de répondre à la colère populaire, http://www.lefigaro.fr/international/2013/06/19/01003-20130619ARTFIG00606-au-bresil-dilma-rousseff-tente-de-repondre-a-la-colere-populaire.php, 19 juin 2013.

[6] L’Express, Brésil : « L’avenir de la contestation dépend de la lecture qu’en feront les médias », http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/bresil-l-avenir-de-la-contestation-depend-de-la-lecture-qu-en-feront-les-medias_1258670.html, 18 juin 2013.

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