Chine: les avantages du sous-développement
08 mars 2013
Chine: les avantages du sous-développement
Les récentes évolutions du commerce extérieur chinois sont analysées comme les prémices de la fin du modèle extraverti « à la chinoise ». Ces remarques doivent être tempérées au vu des caractéristiques et avantages intrinsèques au système financier de la deuxième puissance économique du monde. En effet, la Chine tire avantage de sa situation de relatif sous-développement.
La Chine face à la crise économique mondiale : des résultats ambigus
De nombreux indicateurs montrent que la Chine a été victime de la contraction de l’économie mondiale. On constate en effet un ralentissement des exportations chinoises en Juillet 2012 (1% de croissance seulement, soit 10 points de moins qu’en juin) et une baisse des prix des matières premières importées. Pour la première fois depuis 2009, la croissance (7.4% au troisième trimestre) est inférieure aux objectifs du gouvernement. Cette faiblesse se lit à travers une décélération de la production industrielle (passant de 9,5% en juin à 9,3% en juillet) et des ventes de détails, représentant l’évolution de la consommation des ménages (on observe une baisse de la progression de cette dernière de 0,6 par rapport à l’année précédente).
Ces résultats confortent l’idée d’une Chine très compétitive mais trop tournée vers l’extérieur, ne comptant pas assez sur son marché national. Certains analystes comparent le modèle chinois au développement extraverti du Japon qui, pendant les années 80, a négligé son marché national et se trouve aujourd’hui piégé dans une trappe à liquidité.
Cependant, septembre a été un très bon mois pour les exportations chinoises, qui enregistrent une hausse de 9.9% dépassant les prévisions d’environ 5 points. Les importations ont aussi augmenté de 2,4% après avoir diminué de 2.6% en Août . Dans un climat de ralentissement économique mondial, le « réveil » du commerce chinois ne doit pas être imputé au hasard mais au fait que la Chine tire avantage de son sous-développement.
Miser sur le sous-développement : une stratégie payante ?
Si la baisse des taux directeurs et l’assouplissement des conditions du crédit effectués cet été ont été si efficaces, c’est grâce au système financier interne chinois. En effet, afin de bien saisir la force du modèle chinois, et ne pas l’avouer vaincu aux signes du moindre ralentissement économique, il faut comprendre le rôle joué par ses banques.
Comme l’écrit l’économiste Michel Aglietta dans le Figaro en Janvier 2011, « La Chine ne va pas libéraliser son système financier interne avant plusieurs décennies. Ce système est tenu par les banques, elles-mêmes très concentrées, et par les gouvernements locaux, qui sont très endettés et sous la menace d’insolvabilité ». Il faut aussi préciser que si les gouvernements locaux sont presque insolvables, l’Etat central reste peu endetté par rapport aux pays occidentaux.
L’absence d’un marché des capitaux développé protège les usines chinoises du sud du pays. Très nombreuses, elles forment un marché des biens de consommation durables et semi-durables extrêmement concurrentiel, avec une grosse puissance d’offre et, conséquemment, des prix très bas. Les usines chinoises ont pour mission d’améliorer la qualité de leur production jusqu’à pouvoir exporter leurs produits, unique façon d’engranger des profits pour ce genre d’entreprise. La production non-exportée est revendue sur un marché local saturé et fortement déflationniste (pour la partie littorale du pays du moins). Ce sont les banques qui sont chargées de la supervision des prêts et de la santé financière de ces usines. Propriété de l’État, historiquement orientées vers l’intérêt général, ces dernières cumulent de nombreux prêts improductifs pour soutenir ces usines non-rentables dans leur « parcours vers l’internationalisation ».
On comprend mieux la réactivité du tissu commercial chinois aux mesures de relance du gouvernement. La diminution du coût de l’emprunt fait que les usines accélèrent leur phase de démarrage et parviennent à atteindre le marché international encore plus rapidement. C’est donc l’absence de libéralisation du marché financier chinois qui fait sa force.
Faut-il ouvrir le marché des capitaux chinois ?
Les relations commerciales qui lient la Chine avec ses partenaires sont donc par nature asymétriques. Dès lors, l’analyse de l’évolution des échanges commerciaux chinois doit se faire sous un autre angle : la demande mondiale n’est pas l’unique déterminant des exportations. La Chine est capable, via un contrôle très fort des banques et une grande capacité productive, de relancer ses exportations en permettant à de nouvelles entreprises d’intégrer les marchés occidentaux. Cette forme de protectionnisme garantit à la Chine des excédents commerciaux pérennes (tant que nos marchés de biens de consommation durables ou semi-durables ne sont pas saturés).
Il est primordial de se demander si les pays développés occidentaux ont intérêt à faire évoluer cette situation. Une libéralisation du système financier chinois interne permettrait à nos entreprises occidentales d’accéder au capital des entreprises exportatrices, voire d’en prendre le contrôle. Ces dernières devront alors jouer « le jeu de la concurrence » et la Chine aura perdu la possibilité de financer des entreprises peu performantes jusqu’à ce qu’elles atteignent la technologie et le savoir-faire pour exporter leurs produits
Mais est-ce vraiment dans l’intérêt des consommateurs occidentaux ?
Cette situation asymétrique du crédit aux entreprises permet aux occidentaux un volume de consommation élevé à coût faible et sans déployer l’effort industriel correspondant. C’est la contradiction qui taraude l’occident et en particulier ses ouvriers qui, comme consommateurs, ont intérêt à des importations massives de Chine qui les condamnent en tant que producteurs. Sommes-nous aujourd’hui capables de nous réindustrialiser assez rapidement sans diminuer notre niveau de vie ? Il reste que la libéralisation du marché des capitaux chinois est à long terme inéluctable et qu’il entraînera une transformation du visage de l’économie mondiale.
Gabriel de Vinzelles
Crédit photo: Flickr, Lαin
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