Collectivités territoriales : reprendre la main sur la transition numérique
Farid Gueham | 17 septembre 2015
Collectivités territoriales : reprendre la main sur la transition numérique.
Par Farid Gueham
Avec ses 100 000 habitants, ses 4000 entreprises et ses 40 000 emplois, la Communauté d’Agglomération francilienne de Sénart est un territoire encore jeune, en pleine expansion. Au terme des premières impulsions de développement urbain, d’habitation, de développement économique et de services, la collectivité a rapidement saisi les enjeux du numérique pour l’avenir des entreprises du territoire.
En partenariat avec cinq PME locales, l’agglomération va plus loin en organisant la première rencontre autour du développement des usages du numérique dans les collectivités territoriales, « Numéricité ». Pour Benjamin Jeanjean l’un des organisateurs de l’évènement, « l’enjeu n’est pas seulement de promouvoir les outils de communication traditionnels, le site internet, les applications mobiles, ou les réseaux sociaux. Il s’agit aussi d’envisager une nouvelle façon de communiquer et surtout de questionner les nouveaux usages et de lever un frein à leur diffusion au sein des collectivités ».
Les collectivités territoriales se doivent d’être aussi réactives que les entreprises du secteur privé.
Un postulat dans lequel se retrouve François-Xavier Deflou, directeur général de Seine et Marne développement. « Ces nouveaux usages doivent être aussi fluides dans les collectivités territoriales qu’ils le sont dans les entreprises. Une communauté de communes recourt aux outils numériques comme n’importe quelle entreprise. Sur Sénart, le numérique, c’est 179 entreprises, et 710 emplois, ce n’est pas négligeable. Et la progression est significative : entre 2009 et 2012, nous avons compté près de 40% d’augmentation des entreprises du numérique sur notre territoire, c’est deux fois plus que la moyenne de l’Ile-de-France. L’objectif étant de renforcer l’attractivité économique via l’attractivité numérique ».Témoignages d’experts, tables rondes avec des acteurs de terrain, échanges ouverts : les initiatives se multiplient pour stimuler l’échange de bonnes pratiques au sein des territoires.
Paradoxe des collectivités, le carcan réglementaire et les contraintes budgétaires encouragent l’évolution, l’adaptation et l’innovation.
C’est le constat du cabinet GFI informatique, dans son livre blanc « Secteur Public, agenda numérique 2020 ». Plus que jamais, les collectivités ont besoin d’anticipation, pour aborder sereinement leur réforme en marche, mais aussi pour comprendre l’évolution des usages et proposer de nouveaux services aux administrés. Parmi les conclusions phares du rapport, Olivier Rafal, consultant et rédacteur, retient un optimisme réel « finalement, les collectivités territoriales et les établissements publics sont soumis à beaucoup de contraintes, règlementaires et budgétaires qui incitent à innover. Et les grands chantiers en cours nous le confirment : dématérialisation, ouverture des données, e-services aux citoyens ». Et dans les chantiers déjà engagés, les villes échangent, mutualisent, leur démarche se professionnalise et le pilotage des projets se perfectionne. Les rapports aux usagers s’en trouvent bouleversés, dans cette perspective, le travail des DSI est primordial.
Dans cette transition, les collectivités ne sont pas livrées à elles-mêmes : elles peuvent compter sur le soutien de l’Etat, mais aussi de l’Union Européenne.
C’est la mission du projet « SENCOTER », une plateforme de dématérialisation pour les collectivités lancée dans la région Aquitaine. SENCOTER est un projet pilote dont l’objectif est de créer une plateforme d’échanges permettant le développement des pratiques du travail collaboratif au sein d’une mairie et de mieux automatiser des procédures complexes impliquant plusieurs agents, services ou plusieurs mairies. Pour Jean-Pierre Trieau, directeur du projet SENCOTER, le programme répond en priorité à deux grands besoins : la mise en place d’un travail collaboratif, qui va encourager, par exemple, les agents à utiliser le mail plutôt que la correspondance écrite , à utiliser et à optimiser la gestion de leur agenda électroniques et également l’échange de bonnes pratiques avec les autres agents». Le deuxième enjeu est la suppression des démarches formulaires et la promotion de l’e-service. L’Europe a permis de passer de l’idée au projet grâce aux fonds européens FEDER, environ 50% de subvention sur le montant total du projet. Un soutien naturel puisque c’est aussi à l’Europe qu’incombe la mission de réduire la fracture numérique, et d’encourager les petites collectivités à se développer et à se moderniser comme les grandes.
Les bénéfices d’une telle initiative pour une mairie de petite taille sont concrets :
Le projet SENCOTER offre aux mairies une solution libre d’accès, gratuite et téléchargeable. Une solution composée de plusieurs objets : une plateforme de travail collaboratif mais aussi la gestion électronique de documents, qui permet à la mairie de gérer les flux entrant de documents, qu’il s’agisse des documents papiers, des flux courriels- mails, ou des flux formulaires. SENCOTER offre également un accompagnement à la dématérialisation pour les collectivités qui doivent transmettre des documents vers la préfecture ou le département.
Les responsables du projet SENCOTER sont conscients de ses limites : les collectivités doivent maintenir leurs efforts.
La transition numérique des collectivités implique un accompagnement poussé des collectivités, de formation des agents aux nouveaux usages du numérique. Les projets liés au numérique et aux nouvelles technologies sont des projets éminemment qualifiants pour les agents, eux-mêmes accélérateurs des projets portés par les collectivités. SENCOTER permet d’esquisser des pistes de réformes nécessaires : formation, sensibilisation et information des élus, mais aussi des services administratifs des mairies. Les maires ruraux l’ont bien compris. Leur association, l’AMRF, plaide pour un aménagement numérique du territoire et l’appui au développement de la « mairie numérique ». Dans le cadre de la consultation nationale du CNN, La contribution de l’AMRF sur le thème de « la société face à la métamorphose numérique » se déclinait en 10 propositions concrètes parmi lesquelles l’affichage des décisions du Conseil municipal sur le site internet de la commune, ou la participation des citoyens à l’enrichissement des bases de données de l’Etat pour améliorer les SIG et accroître l’information accessible. L’enjeu est de favoriser la prise en compte de la métamorphose numérique dans le monde rural. Des propositions qui témoignent d’une volonté réelle des collectivités de reprendre la main sur leur avenir numérique. Mais ces préconisations resteront condamnées à stade de vœux pieux, sans l’engagement entier de l’Etat et de l’Union Européenne, dans un contexte de baisses drastiques des dotations aux collectivités, où le développement numérique des territoires figure rarement au titre des investissements prioritaires.
Pour aller plus loin :
– Etats, collectivités et administration numérique, portail de la modernisation de l’action publique.
– Les collectivités territoriales doivent « passer à une gouvernance contributive », La Gazette des communes.
– Les enjeux des TIC pour les collectivités locales, Association des Maires de France et des présidents d’intercommunalités.
– Travaux de la commission du Sénat « La modernisation numérique de la France, quel rôle pour les collectivités territoriales ? ».
– Les collectivités territoriales, modèle de transformation digitale pour les entreprises ?, l’Usine Digitale.
crédit photo: flickr Olivier DESMET
À noter: les points de vue exprimés par les auteurs dans leurs papiers ne reflètent pas nécessairement les positions de la Fondation pour l’innovation politique et ne peuvent en aucun cas lui être systématiquement attribués.
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