Décryptez l’information : pour ne plus vous laisser manipuler par les médias.
01 décembre 2017
« Les médias, qui n’ont plus l’ambition de « rechercher la vérité » sont le lieu de nombreuses dérives et manipulations non sanctionnées. Certains commencent à s’alarmer de la perte de crédibilité qui en résulte. Pourtant, bien peu est fait pour garantir la qualité de l’information délivrée au public. Si nous devons, nous les citoyens, les inviter à plus de rigueur et de déontologie et à rendre publiquement des comptes sur leur fonctionnement, il ne faut pas non plus attendre pour être bien informés, qu’ils aient enfin pris conscience de cette nécessité et décidé les réformes nécessaires ». Dans son ouvrage, « Décryptez l’information », Jean-Luc Martin-Lagardette, journaliste et essayiste, s’interroge sur notre rapport à l’information, aux médias, et ses bouleversements à l’heure d’internet. Recherchez la vérité par soi-même : une injonction de l’auteur pour un rapport plus sain à la consommation de l’information, mais aussi un signal d’alarme, face à la multiplication des sources plus ou moins fiables.
Notre quête de vérité.
« Sans la recherche de la vérité chevillée à son âme, l’individu ne peut exercer valablement son rôle de citoyen. Sans le souci de penser par lui-même, il perd sa liberté, se fait constamment tromper et ne peut plus comprendre son semblable ». Sans distance avec les innombrables messages qu’il reçoit en continu, de canaux aussi divers que la famille, l’entourage, les médias et les institutions, le citoyen perd toute distance avec l’information. Il est condamné à la manipulation. Une mise en garde déjà émise par Kant, il y plus de 200 ans dans son ouvrage « Qu’est-ce que les lumières ». Pour le philosophe, le citoyen qui ne fait pas ou trop peu usage de son propre entendement, prend le risque de se voir maintenu dans une « minorité dommageable », un état d’immaturité consenti. La manipulation des chiffres, des propos, concerne tous les secteurs : politique, santé, culture, environnement, la distorsion de la vérité est partout.
Un informateur influencera toujours l’information.
« Un journaliste qui ne fait pas une scrutation de son propre fonctionnement portera facilement des jugements à l’emporte pièce. Il sera tenté de condamner telle ou telle attitude qu’il ne partage pas, qu’il ne comprend pas. Il méprisera tel fait qui le dérange, grossira tel autre qui aura sa faveur ». Pour Jean-luc Martin-Lagardette, chaque journaliste opère selon une grille de personnelle, faite de plusieurs critères, chacun mobilise de façon consciente ou non, le régime démocratique du pays où il travaille, l’idéologie politique ou religieuse qui peut avoir sa faveur, la formation et l’éducation: selon l’auteur, seulement 15% des journalistes en exercice sont diplômés d’écoles de journalisme spécialisée. L’information serait également construite dans un contexte obéissant à des lois dites de « proximité » qui commandent à la réalisation des articles : des lois temporelles dans la mesure où le journaliste favorisera toujours l’information la plus immédiate pour présenter une nouvelle, et géographique (loi du mort-kilomètre). Cette loi voudrait qu’un mort dans notre pays prime sur un mort dans un pays voisin. Le public attend également du journaliste qu’il soit impartial.
Quelles sont les clés de la qualité d’une bonne information.
« Nulle affirmation, nulle connaissance, nulle information destinée à la publication, c’est à dire engageant la communauté des hommes, ne devrait paraître sans être passée aux cribles, sans le recours à une méthode rigoureuse et sans en assumer la responsabilité ». A la manière d’un scientifique qui évalue de lui-même la portée et la valeur de tous les arguments qui pourraient venir contredire ses affirmations, le journaliste et le communicant doivent donner des gages de leur bonne volonté, de leur effort d’étude et d’argumentation. Et sans débat, il n’est pas d’objectivité possible. La capacité à discuter publiquement de la qualité et de la véracité de certaines informations écrites, de faits ou d’opinions diffusées, est un signe de responsabilité de la qualité de l’information.
Le citoyen peut-il réguler la presse ?
A l’image de certains pays comme la Suède, la France aurait besoin d’un conseil de presse. Les conseils de presse sont des organismes de régulation créés pour traiter les dérives et les entorses les plus flagrantes aux violations du code de déontologie des journalistes. La création d’une telle instance a toujours suscité de nombreuses réticences en France, mais les mentalités évoluent : « les principaux syndicats de journalistes, des éditeurs et des citoyens, œuvrent aujourd’hui de concert dans l’APCP« association de préfiguration d’un conseil de presse », dont Jean-Luc Martin-Lagardette est co-fondateur ».Face aux dérives qui entament la légitimité et la crédibilité d’une profession, de nombreux hommes politiques et professionnels du secteur soutiennent ce projet, qui garantirait l’intégrité d’une profession qui se veut également un des rouages clés de notre système démocratique.
Tous transparents ? L’avenir de l’information.
« (…) il nous faut bien aussi évoquer le « consommateur d’information », le citoyen, vous, lecteur. Avez-vous le souci de l’information ? Si oui, comment vous informez-vous ? Prenez vous la peine de lire un quotidien ? Si oui, lisez-vous toujours le même ou regardez-vous aussi ses concurrents, ou ceux animés d’une « idéologie » différente, voire opposée ? ». Surfez-vous sur plusieurs sites sur internet ? Vous contentez-vous des grands médias ou vous efforcez-vous de consulter des magazines moins connus, plus engagés, voire contestataires ? ». Grâce à l’explosion des médias sur internet, tout est dit, certes, mais plus ou moins clairement, avec plus ou moins de rigueur et plus ou moins de justesse. La presse doit-elle déranger ou blesser ? Une presse qui dérange est à proprement parler dans son rôle, puisqu’elle informe, alerte, tant sur les dysfonctionnements institutionnels que sur les retards de trains. La presse sort de ses prérogatives lorsqu’elle stigmatise des individus des communautés ou des minorités, au dépit de la présomption d’innocence. C’est l’enjeu d’une modération, plus que d’un contrôle, de cette « veille déontologique », évoquée par l’auteur à travers l’expérience des conseils de presse. Internet et la qualité variable de l’information qu’il diffuse, n’a pas aidé dans la régulation d’une information moins subjective, plus fiable et plus éthique. Au citoyen de prendre ses responsabilités. Une prise de conscience toujours plus urgente pour Jean-Luc Martin-Lagardette « on mesure combien (…) le vrai journalisme est encore bien rare. C’est pourtant lui qu’espère toujours le citoyen, comme le montre, par exemple, le combat mené par les indignés du PAF ».
Farid Gueham
Pour aller plus loin :
– Note de l’UNESCO « Déontologie de l’information codes et conseils de presse étude comparative des règles de la morale pratique dans les métiers d’information à travers le monde », unesdoc.unesco.org
– « La régulation de la presse entre les corporations et l’État », article par Patrick le Floch, Le Temps des médias.
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