Demain, l’homme et l’ordinateur ne feront qu’un !
Marine Caron | 26 août 2014
Demain, l’homme et l’ordinateur ne feront qu’un !
Le 12 juin dernier, la Coupe du monde de football s’est ouverte au Brésil sur une expérience neuroscientifique. Le tout premier ballon de la compétition a été frappé par un jeune homme paraplégique équipé d’un exosquelette, dont les mouvements étaient activés par son cerveau[1]. Selon Hiromichi Fujimoto le PDG d’ActiveLink, cette démonstration, issue du projet « Walk Again »[2], marque l’aboutissement d’un défi fantastique qui permet « d’offrir une nouvelle puissance aux humains »[3]. Ce coup de pied historique, qui semble relever de la science-fiction, ouvre en réalité sur un avenir posthumain. Les experts qualifient cette théorie de transhumanisme…
Le monde d’aujourd’hui, un monde technologique en perpétuelle mutation
Dans les années à venir, la société humaine va connaître des transformations profondes à un rythme effréné : impression 3D utilisée dans la vie quotidienne, internet 5G gratuit et accessible partout dans le monde, robots domestiques, médicaments anti-vieillissement et organes améliorés, avions supersoniques, etc[4]. Les progrès scientifiques semblent sans limite[5]… Le britannique Alan Turing avait d’ailleurs souligné l’importance de la technologie dès 1951 : « Les tentatives de création de machines pensantes nous seront d’une grande aide pour découvrir comment nous pensons »[6].
Une grande avancée a notamment eu lieu le 6 juin dernier. Un chatbot[7] a réussi pour la première fois le test de Turing[8] qui permet de distinguer les intelligences artificielles de celles humaines. Confronté à de vraies personnes[9], le chatbot nommé Eugène s’est fait passer pour un enfant de 13 ans et a convaincu 33% du jury[10]. Cette réussite a très rapidement enflammé la toile ! Selon Raymond Kurzweil, le directeur de l’ingénierie chez Google, ce succès doit cependant être relativisé. Le test ne définit en effet pas de règles suffisamment précises. Malgré cette réserve, cet essai témoigne de la volonté des hommes à créer des machines à leur image, volonté également partagée par Kurzweil.
La théorie de la singularité, la vision du futurologue Raymond Kurzweil
C’est à l’âge de 5 ans que Kurzweil trouve sa voie : il sera inventeur. Diplômé du MIT, il s’impose très rapidement comme un futurologue averti, notamment grâce à sa théorie de la singularité[11]. Selon lui, la connaissance humaine atteindra bientôt un point hypothétique au-delà duquel la technologie prendra le dessus. Les machines conscientes et autonomes deviendront progressivement plus intelligentes que l’homme, le mettant à l’écart du progrès…voire le menant à sa perte[12]. La défaite du le champion du monde d’échecs Garry Kasparov face au superordinateur Deep Blue en 1997 va dans le sens de cette affirmation[13].
L’intelligence artificielle, la connexion entre l’homme et l’ordinateur
Pour survivre, l’homme se verra obligé de fusionner avec les ordinateurs. Dans son dernier ouvrage How to create a spirit (2012), Raymond Kurzweil prévoit qu’en 2029 le progrès scientifique sera tel que les ordinateurs pourront communiquer avec les humains. Lors d’une conférence à New York le 11 juin, il a expliqué que l’intelligence artificielle sera capable de simuler les pensées naturelles et émotionnelles du cerveau : « to tell a joke, to be funny, to be romantic, to be loving, to be sexy »[14].
Kurzweil va même encore plus loin… Il prévoit que la nanotechnologie permettra aux hommes de se connecter aux ordinateurs afin de transférer leur conscience biologique sur un support numérique : le cloud. Le physicien Michio Kaku, enrichit cette idée d’un développement supplémentaire. Selon lui, en rétro-concevant le « connectome »[15] humain sur un ordinateur, l’esprit et l’âme seront en mesure de perdurer infiniment[16]. Bien qu’elles puissent paraître extravagantes, ces théories inspirent le monde cinématographique américain : les films Her[17] ainsi que Transcendence[18] reprennent en effet l’idée de cet âge d’or scientifique cher à Kurzweil.
Vers l’immortalité numérique ?
A son époque, Albert Einstein avait exprimé une peur : « je crains le jour où la technologie dépassera l’homme ». Aujourd’hui, les avancées scientifiques semblent nous conduire vers cette situation. En février 2013, la polémique avait été soulevée par LivesOn, une application qui proposait de tweeter après la mort[19]. Pour Kurzweil et les « transhumanistes », la technologie ira encore plus loin, jusqu’à une forme d’immortalité grâce à la transformation du cerveau humain en esprit numérique[20]. L’informaticien de Google a d’ailleurs prévu de ressusciter son père décédé d’un infarctus en 1970[21].
Si la création de l’intelligence artificielle semble être le « plus grand évènement de l’histoire de l’humanité » d’après Stephen Hawking[22], des questions éthiques surgissent concernant les risques et la signification de l’existence humaine. Selon Kurzweil, l’ajout de la technologie ne change pas notre essence. Il voit le processus comme une simple extension du cerveau, comme cela est déjà le cas avec les smartphones. Les doutes et les oppositions persistent malgré tout, et pour nous éclairer l’affirmation du biologiste Jean Rostand est plus que jamais d’actualité : « La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des hommes »[23].
Marine Caron
Twitter : @Marine_Caron76
Crédit photo : ben Husmann
[1]Coupe du monde : un paraplégique équipé d’un exosquelette donnera le coup d’envoi, Le Monde, 12.06.14
[2] Projet dirigé par le chercheur brésilien Miguel Nicolelis dont le but, à terme, est de rendre les fauteuils roulants obsolètes
[3] Yann Rousseau, La Coupe du monde met en vedette les exosquelettes, Les Echos, 11.06.14
[4] Maciamo Hay, Your life is going to change faster than ever before, H+ Magazine, 10.06.14
[5] Erwan Le Noan, La fin des innovations ? Interview exclusive de Jan Vijg, au cœur du débat économique américain, blog Trop Libre, 18.06.14
[6] Professeur Chems Eddine Chitour, L’intelligence artificielle des robots : un danger ou un apport pour l’humanité ?, L’Expression, 14.06.14
[7] Un chatbot est un agent conversationnel, c’est-à-dire un robot capable de dialoguer avec un internaute.
[8] Le test de Turing a été décrit par Alan Turing en 1950 dans sa publication Computing machinery and intelligence. Il permet de mesurer la capacité d’un ordinateur à imiter la conversation humaine en le comparant à une personne réelle.
[9] Le test a été organisé par l’Université anglaise de Reading à la Royal Society de Londres, le jour du soixantième anniversaire de la mort d’Alan Turing.
[10] D’après Kevin Warwick, une proportion supérieure au seuil de 30% est censée valider la réussite du test.
[11] Raymond Kurzweil publie à ce sujet un livre en 2005 intitulé « The singularity is near ».
[12] Audrey Œillet, Transcendance : derrière la fiction, un futur transhumaniste ?, Clubic.com, 13.06.14
[13] Ibid. C’est également le cas de l’ordinateur Watson IBM qui a réussi à tenir tête à des humains en 2011 dans une partie de Jeopardy
[14] Lizzie Dearden, “Human will be able to fall in love with computers within the next 15 years”, The Independent, 14.06.14
– « Raconter une blague, être amusant, être romantique, être amoureux, être sexy ».
[15] Le « connectome » est le plan complet de toutes les connexions neuronales.
[16] Adam Franck, Pourra-t-on bientôt télécharger nos âmes ?, Le Nouvel Observateur, 9.06.14
[17] Her : sorti au cinéma le 19 mars 2014, ce film raconte l’histoire d’un homme qui tombe amoureux d’un programme information ultramoderne capable de s’adapter à la personnalité de son utilisateur.
[18] Transcendence : sortie au cinéma le 25 juin 2014, ce film raconte l’histoire d’un scientifique dont l’esprit va être transféré dans l’ordinateur le plus puissant de l’histoire.
[19] Alexandra Jourdain, Avec LivesOn, continuez à tweeter après la mort, Pratique.fr, 21.02.13
[20] Le neuroscientifique d’Harvard, Kenneth Hayworth, a décidé de se suicider avant que son intelligence ne décline afin de ressuciter à l’avenir sous une forme virtuelle. – Transcendance : derrière la fiction, un futur transhumaniste ?, Clubic.com
[21] Audrey Œillet, Transcendance : derrière la fiction, un futur transhumaniste ?, Clubic.com, 13.06.14
[22] Alexandra Wolfe, Weekend confidential : Ray Kurzweil, The Wall Street Journal, 30.05.14
[23] Audrey Œillet, Transcendance : derrière la fiction, un futur transhumaniste ?, Clubic.com, 13.06.14
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