Des risques de prétendre que la politique n’est pas un métier
Erwan Le Noan | 19 février 2017
Le 4 février, Emmanuel Macron, faisant écho à une revendication partagée dans l’opinion, a proclamé : « La politique n’est pas un métier ». Le propos est populaire (populiste ?) et on le comprend : les Français sont las de voir les mêmes visages au moment d’exercer leurs choix démocratiques. Pour autant, il n’est pas interdit de penser qu’il frappe à côté de sa cible.
La première question que pose cette dénonciation est celle du renouvellement du personnel politique (sans parler des idées). Elle est légitime : de nombreux élus sont sur le devant de la scène depuis une éternité ! Rien que dans l’entourage politique d’Emmanuel Macron, Gérard Collomb a été élu municipal pour la première fois en 1977 (il y a 40 ans) et Richard Ferrand conseiller général en 1988 (il y a 19 ans) ! Et que dire du reste des candidats à l’élection présidentielle ?
Le vrai problème est là : dans la fonctionnarisation de la vie politique. Près de 40 % des députés sont fonctionnaires (contre 9 % de la population), comme 18 membres du gouvernement sur 36. Est-ce par ailleurs un hasard si, souvent, les nouveaux visages gouvernementaux sont des hauts fonctionnaires : Emmanuel Macron, Matthias Fekl, Martin Hirsch, Jean-Pierre Jouyet ? Issus des meilleurs recrutements élitistes d’Etat, ils sont des insiders du système politique, lequel accorde un poids énorme à l’administration.
C’est là que le discours « anti-professionnalisation » de la politique est, contre son gré, le plus dangereux : nier que l’exercice des responsabilités gouvernementales implique l’acquisition de compétences spécifiques, forcer la rotation des élus, c’est prendre le risque de renforcer le pouvoir des technocrates. Critiquer les élus rentiers de leurs situations, c’est permettre aux fonctionnaires de renforcer leur mainmise, déjà forte, sur la démocratie française.
Emmanuel Macron a raison : il faut garantir le renouvellement politique. Mais le problème n’est pas vraiment celui de la professionnalisation des élus ; c’est celui de la fonctionnarisation de la vie démocratique et du recrutement endogame des élites d’Etat.
(Article initialement publié sur l’Opinion le 13 février 2017.)
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