Digital Citizen : manifeste pour une citoyenneté numérique. 

Farid Gueham | 29 juin 2017

573c80e3d8326shutterstock_565526_634« Entre ceux qui pensent que le numérique est le diable et ceux pour qui Internet est un nouveau paradis, où est la vérité ? Incontestablement, la révolution numérique que nous vivons depuis vingt ans accouche d’un nouveau monde. Notre vie se transforme radicalement : l’information, la culture, la politique, les relations sociales, l’économie, l’amour aussi, sont entrés dans une nouvelle ère ». 

 

 

De nouveaux paradigmes dans le domaine de la culture. 

Facebook, twitter, LinkedIn, Google et les smartphones ont transformé des pans entiers de nos vies. Mais comment faisait-on avant internet ? L’information, la culture, la politique, les relations sociales et l’économie ne sont plus du tout ce qu’elles étaient. Cette révolution est en cours et nous découvrons les nouveaux mondes au fur et à mesure que nous avançons. Mais internet n’est pas une entité à part comme le souligne David Lacombled « ni Messie, ni Golem, Internet est un outil. Il se trouve aux mains de l’homme et nécessite deux choses, comme tout outil ; un apprentissage et une vision de sa finalité. C’est le propre de tout outil de servir une finalité et non de nous en rendre esclave ». Internet reste toutefois un outil particulier : rétif à tout encadrement, contrôle, Internet se joue des frontières et des barrières.  Mais pour l’auteur, refuser les barrières sans pour autant accepter le chaos : c’est là l’essence de la citoyenneté numérique, la voie de la responsabilité, de la modernité et de l’ouverture.

 

Etat et conglomérats numériques : les liaisons dangereuses. 

« Où l’on découvre qu’Internet est au cœur des enjeux mondiaux de pouvoir ; qu’une dialectique particulière unit les Etats dans la conduite d’Internet, passant de l’angélisme à l’impérialisme ; que les grands conglomérats ont peut-être plus de pouvoir que les Etats eux-mêmes ». Des rapports de forces déjà identifiés par Joseph Nye, politologue américain dans son ouvrage « The Future of Power » : dans cette nouvelle configuration politique, les rapports de force peuvent évoluer avec une rapidité jamais vue par le passé. Chaque avancée porte en elle les menaces de sa vulnérabilité. L’innovation accompagnent aussi la cybercriminalité, l’élaboration d’instruments corrupteurs. Les actions criminelles revêtent de nouvelles formes. « Les mécontents se retrouvent sur la Toile et sont capables de former des actions d’envergure pour bloquer la bonne marche des institutions qui sont de plus en plus dépendantes d’Internet dans leur propre fonctionnement », précise l’auteur. Des pirates technologiques portent la voix des mécontents, lorsque d’autres dénoncent les coalitions entre les gouvernements et le domaine des affaires. « Il existe déjà dans le monde virtuel un bras de fer entre les citoyens et les gouvernements ». Et devant la démultiplication des acteurs, les Etats font le choix de la régulation, éditant un certain nombre de règles avec de réguler et de canaliser les réseaux. Mais comment appliquer ces règles sans tuer l’essence même d’internet : une partition du monde selon l’accès, priverait le réseau de sa fluidité actuelle.

 

De la ville à la « smart city ». 

« On découvre qu’internet transforme le cœur de nos villes en smart cities, et où l’on milite pour que les politiques et les pouvoirs publics prennent l’entière mesure de la quatrième dimension des villes dans la perspective d’une approche plus responsable, plus participative plus collaborative, plus citoyenne ».  Plus mobile et toujours connectée, la révolution numérique a également touché de plein fouet notre rapport à l’urbanisme : la ville est aujourd’hui transformée dans sa partie visible, mais aussi dans ses aspects invisibles, vers une smart city ou ville intelligente.  De nombreuses applications, lesquelles nous semblent, aujourd’hui, futiles et accessoires (RATP, SNCF) portent, en elles, le ferment d’une révolution de plus grande ampleur.  « Une innovation parfaitement inutile ne survit pas longtemps… Car il existe une règle d’airain que les innovateurs n’ignorent pas : les services « recherche et développement » remplissent leur mission, ils explorent, inventent, proposent, c’est toujours in fine, l’usager et le consommateur qui disposent », précise David Lacombled. Au niveau local, la nouvelle démocratie s’enracine dans une ville collaborative. Une démocratie traversée par des fractures qui, elles, sont bien réelles : des inégalités face à l’accès à internet, dans l’accès au matériel, et enfin une fracture que le psychiatre Serge Tisseron décrit comme une fracture de l’usage « l’idée d’une fracture numérique a beaucoup évolué ; il y a une quinzaine d’années, on pensait la fracture en terme social, entre les biens et les mal-équipés. Aujourd’hui, elle oppose ceux qui savent ou non les utiliser [1]».

 

Information : vers une nouvelle géopolitique des médias. 

Le sens même de notre rapport aux médias s’inscrit dans une nouvelle géopolitique. « Où l’on voit qu’avec l’émergence d’internet, c’est la carte entière des médias qui a été remodelée. Que, au lieu de détruire l’existant comme on le reproche à chaque nouvel entrant, internet propose une nouvelle géopolitique et de nouveaux rapports de force entre les médias. Que, in fine, chaque média peut en tirer parti… ». L’information est, aujourd’hui, enrichie par chaque internaute, qui dispose selon l’auteur d’un accès à trois dimensions où cette information nouvelle se développe ; un espace d’information en temps réel sur les sites des médias traditionnels, une information internationale et décloisonnée qui permet d’approfondir tous les sujets, et enfin les réseaux sociaux qui participent du rayonnement et du déploiement de l’information.

 

La nouvelle économie des disruptions. 

Si le numérique et la montée en puissance d’internet ne sont pas étrangers à ces disruptions, c’est l’économie dans sa globalité qui a changé sous l’impulsion de trois facteurs : l’accélération du temps comme le souligne Gilles Finchelstein dans son ouvrage « la Dictature de l’urgence » : nous sommes entrés dans une ère de la vitesse entièrement gouvernée par l’urgence du temps réel. Le second facteur est celui de la mondialisation : une mondialisation temporelle et culturelle. « Aujourd’hui, les grandes villes se mettent, de plus en plus, à se ressembler, proposant les mêmes devantures de marques de luxe ou de grandes enseignes de prêt-à-porter ». Nouveau déclencheur, cette disruption qui implique que faire mieux que l’autre ne suffit plus : il faut aussi faire autrement. Une innovation qui s’assigne un objectif nouveau. Il ne s’agit plus de s’assurer la plus grosse part de marché mais de capter tout l’air disponible pour empêcher les concurrents de respirer.

 

Pour une citoyenneté numérique. 

Rien n’est naturel et rien ne va de soi dans cet environnement entièrement construit et artificiel qu’est internet. Une charte a été rédigée, définissant les droits et les principes fondamentaux devant régir internet au niveau international. Etablie par l’IRP, la coalition dynamique droits et principes d’internet, elle a pour objectif le respect des droits de l’homme dans ce nouvel environnement. Dix principes fondamentaux défendent l’universalité, l’égalité des droits, une justice sociale, un droit équitable à l’accessibilité, à l’expression à la sécurité, la diversité… Mais à l’heure des débats sur la neutralité du net et la souveraineté numérique, cette charte dont les principes font l’unanimité, est loin d’être appliquée par tous les acteurs de l’internet. Un vœux pieu qu’il est urgent de concrétiser pour David Lacombled « si les droits peuvent être explicités par des points précis, ce qui importe avant tout dans les devoirs de chacun d’entre-nous, c’est l’esprit. Si la justice s’inscrit dans les lois, le savoir-vivre s’incarne dans un état d’esprit qu’il est réducteur de figer dans des alinéas ». 

 

Farid Gueham

 

Pour aller plus loin :

–        « La citoyenneté à l’ère numérique », le Monde.fr

–        « Ressources sur la citoyenneté numérique », Education Nationale.

–        « Vers une citoyenneté numérique ? Bibliographie sélective et méthodologique », BNF

« Trop Libre est un média de la Fondation pour l’innovation politique. Retrouvez l’intégralité des travaux de la fondation sur http://www.fondapol.org/ ».
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