Écologie des infrastructures numériques

Farid Gueham | 18 novembre 2019

« Comme les autres équipements techniques, les infrastructures numériques consomment de l’énergie, produisent des déchets et font l’objet d’une maintenance (…) L’écologie des infrastructures numériques analyse les dispositif et les réglementations mis en place pour mieux maîtriser la production de déchets du secteur des TIC et étudie leurs conséquences sur les modes de fabrication ». Dans cette étudeFabrice FlipoAnnabelle BoutetLaura Draetta et François Deltour maîtres de conférences, comparent la gestion de la consommation d’énergie des infrastructures numériques, en France en Italie, au Sénégal, en analysant les évolutions intentionnelles de ces pays, au regard des enjeux du développement durable et des objectifs initiaux des réglementations. 

 

Écologie des équipements électroniques : états des lieux. 

 

« Qu’appelle-t-on « équipements électriques et électroniques ? ». Les composants électroniques étant de plus en plus disséminés dans notre environnement ( automobiles, maison, etc…), il devient très difficile d’identifier des catégories précises de produits ». L’OCDE distingue trois catégories principales : les produits « blancs », ou appareils électroménagers, de lavage et de cuisson ; les produits bruns, qui regroupent les équipements audio-visuels comme la télévision, le magnétoscope ; et enfin les produits gris regroupant les équipements  informatiques et bureautiques, comme les ordinateurs ou la téléphonie. Au 31 décembre 2006, la France comptait 48 millions d’abonnés au téléphone portable, avec une croissance qui s’est fortement ralentie pour arriver sous les 3%. Le Sénégal qui comptait à la même époque 266 612 lignes fixe a connu une croissance de son réseau de téléphonie mobile de près de 45%. Les experts du PNUE estimaient quant à eux que plus de 500 millions d’ordinateurs deviendraient obsolètes entre 1997 et 2007, des projections qui se sont par la suite vérifiées. Selon l’ADEME, la consommation du secteur résidentiel augmente de près de 2% chaque année. Une évolution qui serait en grande partie due à l’accroissement du nombre d’appareils présents dans chaque foyer. 

 

La part de l’infrastructure et la part des usagers. 

 

« Les résultats divergent en raison de problèmes d’imputation des consommations. Par exemple, la consommation permanente d’un modem doit-elle être imputée au PC ou à l’infrastructure ? Comment déterminer l’usage qui est fait d’un PC ? Est-il utilisé comme téléphone, via des logiciels de téléphonique gratuite, comme traitement de texte, navigation sur internet ou autre ? ». Les auteurs expriment clairement la complexité dans le choix du périmètre choisi pour la mesure. Un paramètre de comparaison extrêmement important. Suivant les hypothèses de départ, les études évaluent la consommation des infrastructures d’internet à 29% ou entre 60 à 95%. La consommation deviendrait largement indépendante du nombre d’utilisateurs. Ces derniers n’ont aucune prise sur la consommation du réseau, et bien peu de prise sur la consommation totale de l’infrastructure.  

 

L’écologie de la filière EEE en France. 

 

« En France, 1,7 millions de tonnes d’appareils électriques et électroniques arrivent en fin de vie chaque année, dont la moitié en provenance des ménages. Les flux sont répartis approximativement de la manière suivante ( en tonnage ) : gros électroménager blanc 27%, appareils. électriques et électroniques professionnels 23%, électronique grand public et informatique 18%, petit électroménager téléphonie et luminaire 12% et enfin 20% d’autres câbles et batteries au plomb ». En dépit des chiffres, la réalité de l’équipement en France reste difficile à évaluer. La consommation des ménages ne correspond pas toujours au rapport entre les flux sortants et les flux entrants sur le marché. Car les « EEE » suivent un parcours complexe, faisant l’objet de stockages, de dons, de revente, de commerce divers. Une étude de l’ADEME datant de 2002 montre ainsi que les téléphones portables sont en général achetés neufs, pour soi-même ou pour offrir (15%) souvent acquis en premier équipement (56%) mais de plus en plus en remplacement d’un appareil considéré comme obsolète. 

 

Écoconception, éco-design et mesures incitatives à l’innovation. 

 

« Les prescriptions du décret n° 151/2005 en matière d’écoconception et d’éco design sont plutôt minimes. Le décret se limite à fixer l’interdiction d’emploi de certaines substances dangereuses ( parmi lesquelles plomb, mercure, chrome ), pour la fabrication des EEE. Cette norme concerne les EEE introduits sur le marché à partir du 1er juillet 2006 ». L’article 6 de ce même décret, identifie l’articulation autour de trois phases, de la gestion des DEEE : la collecte, le traitement et l’exportation. Trois catégories d’acteurs sont également identifiés comme sujets actifs de la collecte à savoir les municipalités, les distributeurs, et les producteurs. En Italie, les obligations relatives à la gestion des DEEE sont contenues dans l’article 13 du décret 151/2005 : ces obligations pèsent sur le producteur qui doit garantir une information correcte et complète vis-à-vis, avant tout, des consommateurs. 

 

L’écologie des EEE une mise en perspective conceptuelle.

 

« Les déchets et la consommation d’énergie vont croissant. Leurs conséquences sont aujourd’hui en première ligne médiatique : gaz à effet de serre, déchets ménagers, polluants organiques persistants, etc… suscitent des inquiétudes grandissantes ». En effet, l’accumulation de déchets, de moins en moins « éco-compatibles » ( biodégradables etc… et de plus en plus difficiles à traiter. C’est aussi la marque de notre civilisation industrielle. D’après l’étude de Dominique Lhuiler et Yann Cochin, « Des déchets et des hommes »,  les parisiens jettent chaque mois un volume équivalent à la tour Montparnasse et les français jette 550 kg d’ordures par an, les New Yorkais 22 000 tonnes par jour. « Au-delà des règlementations, la politique des DEEE est une occasion manquée de plus pour poser sérieusement la question des déchets (…) Mais comment faire en sorte que les gens s’engagent quand la santé des ventes dépend de ce que l’information dont ils disposent pour leurs achats masque soigneusement les effets néfastes des produits ? Il y a là un biais majeur dans le débat public », concluent les auteurs. 

Pour aller plus loin : 

       « Quelle est l’empreinte écologique de vos appareils électroniques ? »greenit.fr

       « Pour contenir la consommation d’énergie d’internet, faudra-t-il limiter sa vitesse ? »lemonde.fr

       « Numérique : le grand gâchis énergétique », lejournal.cnrs.fr

       « La responsabilité élargie du producteur : la REP relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques au Canada », oecd-ilibrary.org

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