Ecotaxe : oser être pour…

07 novembre 2013


7.11.2013Ecotaxe : oser être pour…

Le Grenelle de l’environnement est une des réalisations de la droite dont on peut être le plus fier. En coopération avec des pans entiers de la société civile, une série de mesures a été adoptée pour atteindre l’objectif dit facteur 4. C’est à dire la division par 4 du niveau des émissions de gaz à effet de serre de 1990 d’ici 2050. Cet objectif est capital pour que la France puisse contribuer à limiter à deux degrés le réchauffement climatique en 2100. Le facteur 4 nous pousse à une plus grande efficience écologique soit consommer moins de ressources pour un niveau de production donné.

La France s’est même fixée un objectif de réduction de 30% des émissions de GES, supérieur à l’objectif de 20% fixé par le paquet climat-énergie de la commission européenne. En 2007, la France rejetait 439 millions de tonnes d’équivalent-CO2 soit une tonne de plus qu’en 1990. Les émissions ont même diminué depuis sous l’effet de la crise. L’efficacité énergétique française a certes augmenté mais rien ne garantit qu’en cas de reprise de la croissance, les émissions vont continuer à diminuer pour atteindre les objectifs.

Un des enjeux cruciaux pour l’atteindre est le transport. La promotion des voitures électriques et hybrides ainsi que du report modal (fret ferroviaire et maritime) est essentiel pour consommer moins d’hydrocarbures. L’intérêt est double, non seulement, il permet d’atteindre de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais aussi d’être moins dépendant du pétrole. L’importance est écologique et stratégique. La production d’électricité grâce aux énergies renouvelables représente une source d’emplois non délocalisables.

La taxe poids lourds (TPL) constitue une part importance du dispositif. Elle s’attaque au point noir de la France, la prédominance du trafic routier qui constitue 80% du transport des marchandises (contre 65% en Allemagne et 75,5% pour l’UE27) et elle permet de constituer un double dividende. Non seulement, elle constitue un outil pour réduire les émissions de gaz à effet de serre mais elle apporte aussi des recettes supplémentaires pour financer le report modal du trafic de marchandises sur les voies ferroviaires et maritimes. Les pays qui ont adopté cette réforme fiscale, comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse bénéficient pleinement de ce double dividende. Ces économies sont florissantes et elles ont réussies à diminuer le trafic des poids lourds. L’écotaxe incite à choisir des moyens de transport alternatifs mais aussi à une meilleur utilisation des camions grâce à une augmentation du taux de chargement.

La version française de l’écotaxe a été très critiquée sur deux points. D’abord, elle exonère les autoroutes donc une partie du trafic routier va être reporté des nationales vers les autoroutes. Ensuite, la collecte de l’impôt est attribuée à la société écomouv. Ce PPP fait l’objet de critiques en raison du coût de la collecte et d’obligations que n’aurait pas rempli cette société. Il s’agit   d’une  remise en cause de l’application de la loi et non du principe même de l’impôt. La mise en place de l’écotaxe se traduira quand même par un renchérissement du trafic routier. Sur les nationales, les poids lourds seront soumis à la TPL et sur autoroute, ils devront payer les péages. L’augmentation coût des poids lourds incitera   les transporteurs à augmenter le taux de chargement des poids lourds (qui n’est que de 60%). L’application de l’écotaxe en Suisse et en Allemagne a eu pour effet immédiat d’augmenter le taux de chargement. Le report modal devient aussi plus attractif.

Le FRET français est raillé de longue date pour son manque de souplesse et de moyens. Une des critiques faîte à l’écotaxe est que justement les alternatives au transport routier ne sont pas assez développées. Elle est en bonne partie fondée tant est confuse la politique du fret ferroviaire et sa gestion par la sncf. Cependant, l’augmentation des moyens apportée par les recettes de l’écotaxe et la hausse de la demande ne pourra pas de faire de mal au fret ferroviaire. C’est une opportunité pour mener des investissements dans les infrastructures et ainsi bénéficier des économies d’échelle avec une demande en hausse. Le dispositif français est certes imparfait et compliqué mais il n’en constitue pas moins un progrès.

Rappelons aussi que les problèmes que connaissent la Bretagne n’ont rien à voir avec l’écotaxe. La FDSEA et les transporteurs sont les premiers à bénéficier de l’exportation des animaux. Selon le Marché du Porc Breton, près de 475 000 porcs charcutiers ont été exportés soit l’équivalent de plusieurs semaines de travail pour les salariés de Gad.

La FDSEA va plus loin encore en fustigeant les normes environnementales. Pourtant, la Bretagne a beaucoup souffert des effets dévastateurs de l’agriculture productiviste, en particulier des élevages hors-sols. Encore aujourd’hui, la Bretagne subit la prolifération des algues vertes générées par les centaines de milliers de tonnes d’azote rejetées par les activités agricoles.

La filière de la viande porcine connaît un problème manifeste de compétitivité qui apparaît clairement dans les chiffres du MPB. Les exportations vers la Chine, la Russie, le Japon et la Corée du Sud ont fortement diminué. Depuis 10 ans, la consommation de porc par habitant en France diminue.  Elle serait passée de 34,4 kg/hab en 2007 à moins de 31 kg/hab en 2012. De plus, les prix des matières premières pour nourrir les porcs, représentant 65% du coût de revient d’un kilo de carcasse, ont connu une forte augmentation. Cela se traduit par une situation particulièrement difficile pour les éleveurs.

Cependant, la France a perdu 12% de parts de marché en Chine au moment où l’Allemagne y voit progresser sa part de marché de 207%. L’Espagne connaît aussi une forte hausse des exportations. La main d’œuvre est le second poste de dépense pour les éleveurs de porcs. La part de la masse salariale n’est pas négligeable non plus pour les abattoirs très gourmands en main d’œuvre.  Or les abattoirs allemands et espagnols connaissent des coûts moins élevés de main d’œuvre. La baisse du coût du travail par la diminution des charges peut créer un regain de compétitivité. Parallèlement, l’EPL peut renchérir les exportations d’animaux vivants en augmentant le coût du transport routier.

Cependant, la production de viande continuera de faire face à des défis structurels qui concernent tous les types de production animale. Les problèmes de surcapacité des abattoirs, souligné par la mission commune d’information sur la filière viande, et la baisse de l’offre agricole entraînent une nécessaire restructuration comme le rappelait Bertrand Oudin, directeur des études de Blezat Consulting, lors de son audition au sénat le 22 mai 2013. Ce dernier résumait bien le problème:

Pour l’instant, cette restructuration s’effectue à petit feu et correspond à une mort lente mais personne ne veut prendre l’initiative de faire évoluer les choses. La grande question qui se pose actuellement est la suivante: comment procéder à cette restructuration?

 

Etienne Borocco

Crédit Photo: Flickr:  Ohax

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