Elysium, une anticipation sociale qui ne s'encombre pas de nuances

17 septembre 2013

17.09.2013Elysium, une anticipation sociale qui ne s’encombre pas de nuances

Après l’excellent District 9 sorti en septembre 2009, le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp signe son second long-métrage avec Elysium, film d’anticipation sociale  à gros, très gros budget. Si, d’un point de vue technique, le réalisateur reprend les codes de sa première œuvre et les améliore de façon remarquable, il est très regrettable que cet épanouissement de la forme s’accompagne d’une régression quant au fond.

Elysium ou le séjour des riches

Le contexte général du film s’inscrit dans un travail, peu original, d’anticipation sociale : la surpopulation mondiale a motivé la création d’Elysium, une gigantesque station spatiale conçue pour abriter définitivement les populations les plus aisées du globe. Ce jardin d’Eden interstellaire pour gros comptes en banque est jalousement gardé par une Sécurité qui n’hésite pas à faire feu sur les « pauvres » qui tentent illégalement de se rendre sur Elysium.

La Terre, quant à elle, est abandonnée aux chaos du monde sublunaire. Tout n’y est que poussière, maladie, ruines et bidonvilles. La faune et la flore ont tout du genre post-apocalyptique, la surpopulation en plus : trafics divers et variés, caïds et délinquants armés, ouvriers crasseux et usés par un travail abrutissant, immeubles délabrés, groupes d’enfants quémandant quelque argent au premier passant venu, aussi pauvre et dévêtu soit-il etc.

La première dichotomie du film est aussi son premier manichéisme. On y voit s’opposer deux pôles, un Ciel fantasmé et un ici-bas corrompu, dont la dimension religieuse s’estompe au profit d’une dimension strictement sociale : pour rejoindre Elysium, il faut être riche, c’est tout (les personnages de Jodie Foster et de William Fichtner sont là pour nous rappeler que la « citoyenneté » sur la station n’est pas une question de mérite, ni de droit).

Dans Elysium, pas de juste milieu, on est soit extrêmement riche, soit extrêmement pauvre…

Un manichéisme flagrant et gênant

La vision du monde qui irrigue le scénario et le contexte général d’Elysium est, malheureusement, trop simpliste. Adoptant –peut-être inconsciemment- les codes de la caricature, Neil Blomkamp exagère très grossièrement le cliché  selon laquelle les riches écrasent les pauvres. Le refuge spatial est une utopie où se concentrent les Bienheureux, pas ou peu soucieux du chaos régnant sur terre. Les riches sont donc des lâches dénués de scrupules et les pauvres, malheureux par définition, travaillent, combattent et meurent dans le vain espoir de rejoindre un jour Elysium.

L’existence de profondes injustices n’a, malheureusement, rien d’un scoop. Grossir le trait comme le fait ici le réalisateur ne sert pas la cause qu’il défend, au contraire. Raccourcis et caricatures,  décrédibilisent voire discréditent leur objet. Le spectateur n’est pas vraiment touché par le message du film –il en est même agacé- et reporte toute son attention sur les prouesses techniques qu’il voit à l’écran. L’une des finalités de l’œuvre passe donc à la trappe.

L’effet pervers de la technique ?

C’est là un effet pervers des nouvelles techniques cinématographiques. Il est désormais possible de palier la pauvreté intellectuelle, au sens large, d’un film grâce aux potentialités spectaculaires qu’offre la technologie.

On peut aussi se demander si le pouvoir de séduction qu’offre cette technologie ne prend pas l’ascendant –plus qu’un quelconque désir de « faire de l’argent » à tout prix- sur le plaisir d’approfondir un scénario « à l’ancienne ». Le schéma serait alors inversé : on ne chercherait pas à masquer la pauvreté intellectuelle dudit scénario par la technologie mais ce serait plutôt la technologie qui empêcherait de creuser le fond .

Quoi qu’il en soit, la seule sensation se substitue à la réflexion ; ce qui n’est pas forcément un mal, tant que le spectateur sait à quoi s’attendre. Avec Neill Blomkamp, le problème est qu’on s’attendait à mieux.

Un dénouement qui ne résout rien [1]

L’aboutissement du manichéisme d’Elysium est la généralisation de la citoyenneté « élyséenne » suite au piratage du système informatique de la station. Grâce au sacrifice d’un seul homme (Matt Damon, sorte de « messie social » qui s’ignore), chaque habitant de la Terre pourra rejoindre légalement Elysium mais aussi et surtout bénéficier de la technologie des « med-boxes » (uniquement accessible aux Citoyens via une sorte de code barre cutané), conçue pour soigner n’importe quelle maladie et très jalousement gardée par les Bienheureux.

Outre le maladroit matraquage sur le pouvoir confiscatoire qu’exercent les riches sur les pauvres, il est regrettable qu’un sujet aussi problématique et complexe que la surpopulation soit traité avec tant de candeur, notamment en ce qui concerne la question de l’égalité.

L’anticipation sociale ne verse donc jamais dans la subtilité : le riche est méchant, le pauvre, gentil, et soigner tout le monde règle le problème.

Plaisir des yeux

Elysium est une mauvaise anticipation sociale mais reste un bijou de sensations. Si son manichéisme omniprésent agace, ses qualités visuelles enchantent. Ceci ne suffira pourtant pas à charmer la frange la plus « intello » du public ou les fans de science-fiction, habitués à des univers plus complexes et plus riches.

En définitive : dommage que la seule nuance du film soit celle consistant à lui attribuer quelques mérites face à ses nombreux défauts.

Julien De Sanctis

Crédit photo : Flickr, m4tik



[1] A celles et ceux qui veulent voir le film, passez votre chemin.

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